REVUE DE PRESSE

Novembre-Décembre 2003

 

Assurance-maladie : le projet stratégique de la CNAM adopté

Agnès Bourguignon, Quotidien du Médecin 18 décembre 2003


Le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) a adopté un " Document d'orientations de l'assurance-maladie " de 50 pages qui définit, en plein débat sur la réforme de l'assurance-maladie, " le cadre général de l'action (du régime général) pour les années qui viennent ". (Ce document a été voté par l'ensemble des administrateurs de la CNAM, à l'exception de FO qui a voté contre, la CGT s'étant abstenue.


Ces " orientations " stratégiques de la CNAM, susceptibles d'être adaptées " au moins chaque année ", proposent " une nouvelle approche des relations avec les assurés sociaux, professionnels de santé et entreprises " (en rénovant " le contrat social "), " la participation de l'assurance-maladie à la modernisation du système de soins " et enfin des garanties pour " assurer l'exemplarité de la gestion de la Sécurité sociale ".


Au-delà de ses engagements en tant que service public (comme " l'excellence d'un service de proximité "), la CNAM a l'ambition d'avoir un rôle plus actif en matière de fixation des taux de remboursement, en tenant compte des positions des organismes complémentaires, alors que ces taux font aujourd'hui partie du domaine réservé de l'Etat. La caisse veut être fortement impliquée dans la redéfinition du périmètre des soins remboursables ou " panier de soins ", et propose pour cela sa propre " grille d'appréciation " en fonction de critères médicaux et sociaux. Elle exprime aussi le souhait d'un " élargissement de (son) espace contractuel " afin de " développer des innovations et (de) favoriser des organisations nouvelles du système de soins ".


Par ailleurs, la CNAM, dont le réseau est en voie de " reconfiguration ", va encore plus loin dans la décentralisation en proposant d'" étudier la rénovation des compétences des conseils d'administration des caisses ", avec le " souci " de leur donner " des pouvoirs réels d'administration ". La CNAM envisage de " demander, dans le cadre de la contractualisation avec l'Etat, la possibilité juridique pour (elle), de déléguer, notamment au plan régional certains de ses pouvoirs sur le plan budgétaire et dans le domaine de la gestion du risque, notamment pour adapter aux spécificités locales les conventions nationales, ou de répartir au plan régional certains crédits entre les caisses ".

Des réticences

Ce chapitre sur la régionalisation a notamment déplu à la délégation des administrateurs de Force Ouvrière, conduite par Jean-Claude Mallet, ex-président de la CNAM et candidat à la succession de Marc Blondel à la tête de FO en février 2004. FO considère, tout comme la CGT, que le document d'orientations de la CNAM est un peu " prématuré " alors que le débat se poursuit au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie et que son " diagnostic partagé " a été reporté au début de l'année prochaine. L'administrateur CGT Jean-François Naton estime que le texte de la CNAM pose " un problème de lisibilité " du diagnostic et qu'il mérite d'être affiné en matière de régulation. Même s'ils ont voté pour, d'autres administrateurs ont exprimé aussi des réticences, qu'il s'agisse du volet accidents du travail/maladies professionnelles (fédération patronale UPA représentant les artisans) ou du nouveau contrat social (CFTC). Autant de bémols qui risquent d'atténuer la portée de la contribution au débat du document de la CNAM.

 

 

Spécialistes : vers la réouverture de négociations conventionnelles

Le Quotidien du Médecin, 10 novembre 2003, Agnès BOURGUIGNON

Le président de la CNAM répond favorablement à une demande de réouverture de négociations conventionnelles pour les médecins spécialistes, formulée par les syndicats SML et Alliance. Une première réunion pourrait se tenir à la fin de novembre ou au début de décembre.

C'est reparti pour un tour ! La Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) fait ouvrir beaucoup d'agendas ces jours-ci afin d'organiser prochainement une première réunion de négociations conventionnelles pour les médecins spécialistes. La caisse répond ainsi au vœu d'une convention transitoire jusqu'au 31 décembre 2004, vœu exprimé successivement par le Syndicat des médecins libéraux (SML) puis Alliance (" le Quotidien " des 10 et 21 octobre), qui sont respectivement les troisième et quatrième syndicats de médecins spécialistes libéraux, selon l'enquête de représentativité menée en 2002.

Pour le président de la CNAM, la nouvelle n'a rien d'exceptionnel. " Je n'ai jamais caché que, lorsqu'il existe une telle demande d'au moins une organisation, elle est de droit ", déclare au " Quotidien " Jean-Marie Spaeth, qui ne souhaite pas en dire davantage tant qu'une date et un ordre du jour n'ont pas été fixés.


Si cette réouverture de négociations conventionnelles est " de droit ", elle constitue en tout cas le nouvel épisode d'un feuilleton déjà riche en rebondissements, après la rupture des précédentes négociations en avril, la signature insolite d'un projet de règlement conventionnel minimal (RCM) entre les caisses et le syndicat CSMF fin août, et enfin l'adhésion du SML en septembre à la convention généraliste de 1998 (reconduite par défaut en mai).


L'idée d'une convention transitoire jusqu'à la fin de l'année 2004 qui se substituerait au RCM modifié depuis le 25 septembre paraît en tout cas incongrue aux yeux du président de la CSMF. Le Dr Michel Chassang s'en tient au RCM publié sous l'autorité du ministre de la Santé et ne cesse de répéter que le système conventionnel est mort tant que la réforme de l'assurance-maladie ne l'aura pas fait renaître sous une forme rénovée.

Chassang : " Ce n'est pas mon problème "


Interrogé sur l'éventualité d'une réunion de négociations conventionnelles fin novembre ou début décembre, le président de la CSMF répond sans ambages : " Ce n'est pas mon problème ! " Il est clair que l'initiative conventionnelle du SML vise à gêner la CSMF, son ancienne alliée devenue sa rivale depuis qu'elle a signé seule un texte de revalorisations ciblées, texte extrêmement controversé à la fin de l'été. Mais, au-delà des " tactiques " syndicales, le Dr Chassang se dit " davantage préoccupé par des choses plus importantes ", en particulier la future classification commune des actes médicaux (CCAM), au sujet de laquelle la CSMF recueille les premières doléances des spécialités, et, bien sûr, la réforme de l'assurance-maladie.
Quant à une éventuelle participation de la CSMF à cette réunion conventionnelle, le Dr Chassang prévient que sa confédération ne prendra " aucune décision ni aucune position avant qu'une date ne soit fixée ", même s'il " a bien noté que Jean-François Rey [président de l'UMESPE, la branche spécialiste de la CSMF, NDLR] était partisan d'y aller ".


A la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Claude Régi est vraiment sceptique. "Cela devient burlesque, je ne sais plus où l'on en est ", lâche-t-il. " Si ce n'est pas de l'agitation, qu'est-ce que c'est ? " s'interroge le Dr Régi. Le président de la FMF ne veut pas se prononcer sur la participation ou non de son organisation à une première réunion de négociation sans consulter au préalable ses instances. Cependant, à titre personnel, le Dr Régi se montre très perplexe : " Sincèrement, je ne vois pas ce qu'il y a à négocier. Il n'y a aucune base nouvelle, il n'y a pas un sou de plus dans les caisses, et il y en a plutôt moins qu'avant. "
Le président du SML balaie cet argument du revers de la main : " Ceux qui disent ça avant une négociation sont perdants. " Le Dr Dinorino Cabrera reconnaît néanmoins qu'il " ne part pas la fleur au fusil en disant qu'(il) va obtenir des millions " pour les médecins spécialistes. Mais il s'agit pour lui de mettre un terme à " une situation aujourd'hui ridicule ", dès lors que la CSMF " ne négocie pas officiellement mais sort des CPP " (contrats de pratiques professionnelles).
Le Dr Félix Benouaich, président d'Alliance, estime qu'une convention transitoire serait " plus logique pour soulager les spécialistes de secteur I ", dont les charges sont alourdies, notamment à cause de leur assurance en responsabilité civile professionnelle.


Quels que soient les avantages immédiats qu'une convention spécialiste transitoire pourrait contenir, ses défenseurs visent aussi et surtout à préserver l'avenir. Le Dr Cabrera veut négocier sur les moyens d'" infléchir les dépenses, car si l'on ne fait rien, ce sera beaucoup plus dur quand arrivera la réforme de l'assurance-maladie ". Ce pronostic est partagé par le Dr Pierre Costes, bien que son syndicat MG-France ne soit pas concerné par la convention transitoire. " La période est intéressante, car la manière dont on gère les choses dans les six mois qui viennent sera prise en compte dans la réforme, affirme le président de MG-France. Si on ne fait rien, conclut-il, les dépenses s'envoleront encore plus et on imposera aux médecins plus de contraintes remettant en cause des droits acquis comme la liberté d'installation et de prescription, le choix du professionnel, etc. "

 

du 12/11/2003

Qui doit réellement gérer l'assurance-maladie ?

Les Quatrièmes Auditions de la Santé (organisées en partenariat avec " le Quotidien ") qui se sont déroulées au Sénat sur le thème " 2004, assurance-maladie : qui décide et qui gère quoi ? " ont donné lieu à des débats très animés entre certains membres du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, à l'heure où celui-ci est censé préparer un " diagnostic partagé ".

Bernard Euzet, membre de la commission exécutive de Force ouvrière, a défendu l'idée d'une gestion de l'assurance-maladie par " des conseils d'administration paritaires, comprenant les employeurs " (alors que le patronat s'est retiré des caisses depuis 2000), sous réserve d'une clarification préalable des champs relevant respectivement de la maladie, de la solidarité et de la santé publique. " Laissons les partenaires sociaux avoir une politique de santé basée sur la maîtrise médicalisée ", a déclaré ce syndicaliste de FO.

" Les partenaires sociaux peuvent peut-être jouer un rôle (plus limité que pour les retraites) si on arrête de se moquer d'eux ", nuance Guillaume Sarkozy, vice-président du Medef, chargé de la protection sociale. Il estime que des mesures de régulation et la définition d'un " panier de soins " sont indispensables dans " un système où personne n'est responsable et où il n'y a pas de système d'informations ". Mais " c'est à l'Etat de faire le constat et de prendre les décisions ", pour déterminer quelles sont " les pathologies à prendre en charge ou pas ", souligne Guillaume Sarkozy.

Le Parti socialiste ne considère pas le panier de soins comme la panacée, ne serait-ce que parce qu'" il existe déjà - on rembourse la procréation médicalement assistée, et pas la psychanalyse ", a expliqué Jean-Marie Le Guen, député de Paris, chargé des questions de santé et d'assurance maladie pour le groupe PS à l'Assemblée nationale. " La première réforme à faire n'est pas tant celle de l'assurance-maladie que celle du système de santé : il y a des arbitrages à opérer, et pas seulement au niveau du panier de soins ", précise le député PS.

Il faut changer, selon lui, " un mode de production archaïque pas évalué, pas coordonné, pas géré de manière moderne ", ce qui pose " un problème d'acceptabilité par les professionnels de santé et les patients ". Or, en " évitant cette année de poser les questions qui fâchent ", le gouvernement prépare " un choc financier " à travers une hausse de la CSG, susceptible d'occulter le fait que " la qualité du système de santé est durablement atteint ".

Le député UMP Pierre Morange, l'un des rapporteurs du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, a défendu la ligne actuelle du gouvernement. Elle a le mérite, à ses yeux, d'avoir " érigé une politique de santé ", ajouté des instruments dans " la boîte à outils de l'assurance-maladie " (TFR, par exemple), généralisé la tarification à l'activité à l'ensemble des établissements de santé publics et privés et, enfin, d'avoir supprimé le FOREC, afin qu'il n'y ait " pas de siphonnage (des fonds de la Sécu) dans les années ultérieures ". Enfin, Pierre Morange a assuré que la réforme à venir préservera " les populations les plus fragiles " en garantissant " la solidarité entre ceux qui souffrent et ceux qui ne souffrent pas ".

Agnès BOURGUIGNON

du 10/11/2003

Hôpital, Sécu : François Hollande cogne sur le gouvernement

Les socialistes soignent leur retour sur le front de la santé et de la protection sociale.

Après le réquisitoire de Martine Aubry, qui a accusé la droite de vouloir " démanteler la Sécurité sociale " (" le Quotidien " du 6 novembre), c'est au tour de François Hollande, premier secrétaire du PS, d'attaquer le gouvernement sur les dossiers médico-sociaux.

Après avoir visité le service des urgences de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, guidé par le Dr Patrick Pelloux, président de l'AMUHF (Association des médecins urgentistes hospitaliers de France), le patron du PS a dénoncé les " contradictions " d'un gouvernement qui, d'un côté, " annonce des crédits pour les urgences " et de l'autre " exige des économies des autres services hospitaliers ", notamment dans les établissements de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Au final, met en garde François Hollande, " le problème essentiel de l'accueil à l'hôpital ne sera pas réglé " car, ajoute-t-il, " ce qui compte, ce sont aussi les lits d'aval ". Quant aux personnels hospitaliers, il affirme comprendre d'autant mieux leur " exaspération " qu'ils n'ont eu " aucune compensation, ni prime ni jours supplémentaires " après leur " extrême implication " dans la crise sanitaire provoquée par la canicule. Au passage, il juge à la fois " insuffisant, injuste " et " choquant " quant au financement le plan pour les personnes âgées et handicapées dépendantes annoncé par Jean-Pierre Raffarin. " Si la seule ressource que le gouvernement trouve pour financer la dépendance, c'est la suppression de jours fériés, il n'en restera bientôt plus beaucoup... ", a ironisé le dirigeant socialiste, qui propose plutôt de faire appel à " une fraction de CSG de 0,1% " (voir page 8).

La prévention, une priorité

François Hollande a rappelé par ailleurs quelques priorités arrêtées par les socialistes pour améliorer le système de soins. Il propose d'investir des moyens financiers beaucoup plus importants sur la prévention, " la médecine du travail et la médecine scolaire ", car un tel investissement " éviterait des dépenses en aval ". Pour décloisonner la distribution des soins, il suggère d'organiser la complémentarité de la ville et de l'hôpital à travers des réseaux " plus lisibles " et financés de façon " pérenne ". Quant à la permanence des soins, mission de " service public ", les médecins libéraux y ont toute leur part. " Il y a évidemment une rémunération à prévoir pour leur implication qui peut faire intervenir les collectivités locales et l'assurance-maladie ", estime François Hollande.

du 12/11/2003

Ouverture à Paris du Forum social européen

La médecine dans le maelström altermondialiste

Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont attendues à partir de ce soir jusqu'à samedi au Forum social européen (FSE) qui va rassembler à Paris, Saint-Denis, Bobigny et Ivry-sur-Seine, associations, syndicats, ONG et mouvements dits citoyens. Parmi les revendications altermondialistes, la reconnaissance du droit à la santé sera au centre de plusieurs séminaires. Mais MDM n'est pas ATTAC, tiennent à souligner les humanitaires qui participent au FSE.

Mille cinq cents organisations venues d'une soixantaine de pays seront parties prenantes à l'un des 265 séminaires ou à l'une des 55 conférences plénières de ce FSE 2003, qui, après les trois sessions du Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre et le premier Forum social européen de Florence, veut faire la démonstration de la vitalité du " mouvement citoyen mondial ", autrement dit de la galaxie des mouvements opposés au néolibéralisme : le maelström altermondialiste.

Particulièrement impliqués dans ce rendez-vous, Médecins du Monde (MDM). L'ONG organise entre autres un séminaire consacré à l'accès à la prévention et aux soins des populations vulnérables en Europe (vendredi à 14 h, à Bobigny). " C'est un sujet que nous vivons sur le terrain depuis 1986 en France, avec les centres d'accès aux soins gratuits pluridisciplinaires, rappelle le Dr Françoise Jeanson, secrétaire générale de MDM. Notre légitimité dans l'accueil, le soin et le travail social s'est successivement étendue aux usagers de drogues, aux personnes à la rue et aux prostitués. "

Le Dr Jeanson se félicite que, dans la foulée, sont intervenues des avancées notables, avec la couverture maladie universelle (CMU), l'aide médicale d'Etat (AME), y compris aussi en faveur des populations migrantes, avec la possibilité de régulariser les sans-papiers malades dès lors que leurs pays d'origine ne disposent pas de dispositifs d'accès aux soins adaptés à leurs pathologies.

Evolution à la baisse

MDM a " exporté " ses démarches en faveur des populations les plus exclues dans une dizaine de pays européens. " Les bonnes pratiques ont été tendues dans des pays comme la Belgique, avec l'expérience de la Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones, ou en Espagne (Medicos del Mundo), avec la volonté que l'Europe en train de se faire aussi sur le terrain social tire les pays membres vers le haut. "

" Mais on observe plutôt une tendance à la dégradation, estime la secrétaire générale de MDM, c'est clair avec des pays nouveaux adhérents de l'Union comme la Pologne, où la prise en charge communiste de la santé a cédé la place à des perspectives de marchandisation de la santé. "

Cette évolution à la baisse n'est évidemment pas spécifique du continent européen. Catherine Giboin anime ainsi un autre séminaire (demain, à 9 h, à Ivry) sur " le droit à la santé face à la globalisation ". Cette logisticienne, longtemps en mission en Jordanie et en Chine, estime que, " même si des moyennes nationales peuvent dénoter des évolutions positives, les écarts se creusent dans l'ensemble négativement : le droit à la santé, explique-t-elle, se dégrade sous l'effet du désengagement général des Etats et de la reconfiguration au profit des initiatives privatisées. "

C'est la montée en puissance de ce que l'ONG appelle les sociétés transnationales (STN), ces nouveaux acteurs de la mondialisation dont le rôle économique mais aussi politique ne cesse de croître. " Sur les 100 plus grandes économies du monde, seules 45 sont des Etats, les autres sont des STN. Les quinze plus puissantes d'entre elles ont des revenus bruts plus élevés que le produit national brut de 120 pays. "*

Dans ce contexte, MDM établit un constat qui, selon l'ONG, s'impose : " Aujourd'hui, l'accès aux soins est de plus en plus restreint par la "privatisation" croissante de la santé, c'est-à-dire son retrait progressif du domaine de compétence de l'Etat, qui a de moins en moins de pouvoir de régulation sur ce secteur. "*

MDM n'est pas ATTAC

Pour le Dr Claude Moncorgé, président de MDM, " le modèle actuel se préoccupe essentiellement d'objectifs financiers et de règlements commerciaux. Ce que nous appelons "dérégulation" n'est pas une dérive mais un programme. "

La résonance politique de telles considérations ne risque-t-elle pas de rebuter une partie des professionnels de santé ? Le Dr Jeanson dit ne pas le redouter : " Je me suis toujours fait une très haute idée de la déontologie de mes confrères, affirme-t-elle ; je sais qu'il sont avant tout soucieux de la santé de leurs malades et je ne connais pas un seul médecin qui refuserait d'aller soigner gratuitement un patient sans ressources. "

Pour autant, elle se veut catégorique : " MDM n'est pas ATTAC. Nous avons des points de convergence avec ATTAC santé, mais eux constituent une organisation de lobbying, alors que nous sommes, quant à nous, des professionnels qui menons des actions de terrain. A chacun son rôle et son identité. "

Sur la planète humanitaire, les appréciations à cet égard peuvent cependant diverger. AIDES, ATD-Quart-Monde, Act-Up, comme Médecins du Monde, ont choisi de participer au grand concert altermondialiste. Mais une ONG comme Médecins sans Frontières France a, quant à elle, préféré ne pas mêler sa partition à celle du FSE.

Christian DELAHAYE

* Extraits de " Mondialisation et santé ", publié par MDM.

 

 

Entre 40 000 et 60 000 participants sur quatre sites principaux

 

 

 

 

Le FSE officiel se déroulera à partir de ce soir 18 h jusqu'à samedi 21 h, sur quatre sites principaux : le parc de la Villette à Paris, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis, mairie, stades, cinémas, musées...), Bobigny (Seine-Saint-Denis, une vingtaine de lieux) et Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne, une trentaine de sites).

Une quinzaine d'événements vont se greffer sur le Forum proprement dit : l'assemblée européenne pour les droits des femmes, le forum des enfants, les forums sociaux locaux, le forum syndical.

Le financement est essentiellement public : 500 000 euros, soit 15 % du budget total, ont été versés par le gouvernement ; Paris, des villes et les conseils généraux du 93 et du 94 ont aussi mis la main à la poche. Des frais d'inscription individuels devront cependant être acquittés par les participants (entre 3 et 50 euros selon les revenus).

Les organisateurs attendent entre 40 000 et 60 000 personnes pour les tables rondes et les forums en tous genres. Le point d'orgue devrait être atteint samedi, avec une " manifestation-parade festive et revendicative ", qui partira à 14 h de la place de la République à Paris.

Association pour le Forum social européen 2003, tél. 01.44.55.38.50, www.fse-esf.org

du 12/11/2003

Rhône-Alpes : des cliniques tentées par une hausse unilatérale du forfait hospitalier

Acculée par son propre déficit, la clinique Générale de Valence, dans la Drôme, envisage de majorer son forfait hospitalier de 10 euros, avec un plafond de 50 euros, même si la durée de l'hospitalisation du patient dépasse cinq jours, et de revaloriser les honoraires des médecins, dès aujourd'hui lundi 10 novembre. Le syndicat Rhône-Alpes de l'hospitalisation privée se déclare solidaire de cette action.

De notre correspondante

Les responsables de la clinique Générale de Valence, dans la Drôme, ont tranché : pour tenter de rétablir la situation financière de leur établissement, ils ont décidé de doubler ou presque le forfait hospitalier à la charge du patient. Aujourd'hui légalement fixé à 10,67 euros, il sera majoré arbitrairement de 10 euros par jour, avec un plafond de 50 euros. C'est-à-dire qu'au delà de cinq jours d'hospitalisation le patient ou la patiente n'aura plus à payer cette majoration.

Autre décision des responsables de l'établissement et qui devrait créer quelques remous, notamment à lacaisse primaire d'assurance-maladie : la revalorisation des honoraires des médecins de la clinique concernant notamment certains actes, comme l'anesthésie.

Ces deux " mesures de choc " arrêtées par le conseil d'administration de la clinique devaient entrer en vigueur le 1er novembre. Mais, affirme Thierry Loursac, directeur de cet établissement, " nous avons préféré attendre un peu pour informer d'abord les patients de la clinique, et le public via la presse locale ".

Pour lui, la justification de cette hausse unilatérale du forfait hospitalier est simple. " Je m'engouffre, dit-il, dans la brèche ouverte par notre ministre de la Santé qui a décidé de majorer le forfait hospitalier pour compenser le déficit de l'assurance-maladie ". On sait en effet que, selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2004, le forfait hospitalier devrait être porté l'an prochain à 13 euros, si le texte du gouvernement, comme c'est probable, est voté par le Parlement.

L'augmentation des charges - " le coût des assurances a été en particulier multiplié par quatre entre 2001 et 2002 ", explique la direction de la clinique -, combinée à la nécessité de mettre en œuvre des vigilances (lutte contre les infections nosocomiales, notamment), a mis l'établissement dans une situation bien précaire, selon les responsables de l'établissement. D'où ces mesures.

Pas d'autres choix

" On nous dit que nous sommes des entreprises à but lucratif, mais je ne vois plus rien de lucratif dans notre activité. D'ailleurs, je n'ai jamais distribué de dividendes aux médecins " poursuit le directeur de la clinique valentinoise.

Pour sa part, le Dr Jean-Paul Camou, anesthésiste dans cet établissement et l'un des porte-parole de la coordination nationale des spécialistes, approuve sans réserve l'option de son directeur : " Les cliniques n'ont pas d'autre choix ", assure-t-il. Et d'argumenter : " Nous sommes dans un système où les recettes sont bloquées aussi bien pour les médecins que pour les cliniques ; dans le même temps, nous avons tous des charges qui augmentent : que faire d'autre, à part déposer le bilan ? "

Depuis la fin des années 1990, le nombre de cliniques privées en difficulté ne cesse d'augmenter, insistent les responsables de l'établissement : de 30 à 50 % d'entre elles, selon les sources que l'on consulte, seraient aujourd'hui déficitaires. Or " l'hospitalisation privée fait plus de 60 % des actes de chirurgie, 40 % des actes d'obstétrique avec 20 % seulement du budget hospitalisation de l'assurance-maladie ", tient à souligner le Dr Camou. Cette question sensible qui engage l'avenir des cliniques privées était à l'ordre du jour de la dernière réunion du comité régional des contrats de l'ARH Rhône-Alpes, le 5 novembre. Mais l'agence n'a pu que confirmer " qu'en l'état actuel de la législation une majoration du forfait hospitalier n'était pas possible ", rapporte Gérard Chuzeville, chargé de mission. Tout en reconnaissant cependant que " la tarification actuelle n'est plus adaptée " à la situation économique des établissements.

Syndicat solidaire

Avec la réforme et la mise en place de la tarification à l'activité (T2A) dans l'ensemble des établissements publics et privés, la situation pourrait s'améliorer. Mais dans un avenir encore trop lointain pour les responsables des cliniques. " On nous promet une harmonisation d'ici à dix ans ", s'indigne le président du syndicat régional de l'hospitalisation privée, Jean-Loup Durousset. " Quand on tient de tels discours à une entreprise en difficulté, c'est comme si on l'assassinait. "

En qualité de président-directeur général de la clinique Monplaisir, à Lyon, il a été contraint de réagir lorsque sa cotisation d'assurance a été multipliée par 6 entre 2001 et 2002. " J'avais alerté l'ARH, en précisant que nous ne pouvions plus compenser ces hausses par notre seule activité ", explique-t-il. Il a donc dérogé de manière temporaire et exceptionnelle au principe du forfait hospitalier en réclamant aux patients 10 euros supplémentaires par journée d'hospitalisation. Cette majoration a récemment pris fin à la demande de l'ARH qui affirme qu'elle n'a jamais accordé de dérogation dans ce sens. La question posée à Valence reste toutefois la même. " Franchement, en tant que président du syndicat, je ne peux que regretter d'en arriver à des situations pareilles ", poursuit Jean-Loup Durousset, " mais pour soutenir cet établissement, nous deviendrons solidaires. "

Au niveau national, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) se démarque cependant de " cette initiative locale et individuelle ". Sa déléguée générale, Dominique Dorel, relève simplement qu'une majoration du forfait hospitalier avait déjà été " évoquée début 2003 au moment du rapport Domergue [sur la chirurgie] pour financer le surcoût de l'assurance RC ".

Quant au groupement CIRA (cliniques indépendantes de Rhône-Alpes), dont la clinique Générale de Valence et la clinique Monplaisir font partie, " aucune décision commune visant à augmenter le forfait hospitalier n'a été prise ", a fait savoir son président.

Vers le déconventionnement ?

La CPAM de Valence est vivement contrariée par les initiatives de la clinique Générale. Le directeur de cette caisse, Jacques Levando, envisage de saisir l'ARH, ainsi que la direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, sur la question du forfait hospitalier majoré. " Nous regarderons de près les facturations et nous ferons certainement un gros effort d'information du public et de la clientèle potentielle de cette clinique sur ce qui est normalement facturé lors d'une hospitalisation. "

Le directeur de la CPAM admet que le contexte actuel n'est pas excellent pour les cliniques privées, " mais cela ne justifie pas que cet établissement emboîte le pas de ses médecins et se fasse le complice de dépassements tarifaires illégaux sur les honoraires ".

Il déplore qu'une étape supplémentaire sur la voie de la déréglementation des tarifs médicaux ait été franchi : " On accrédite l'idée, déjà bien ancrée, qu'il est normal de payer un dépassement dans les cliniques privées. " Pour les médecins de la clinique Générale, qui, en raison des dépassements pratiqués, sont déjà sous le coup de sanctions, notamment la suspension de la prise en charge par l'assurance-maladie d'une partie de leurs cotisations sociales, le contentieux risque de s'alourdir. D'autant que la caisse valentinoise n'écarte plus l'hypothèse de franchir une nouvelle étape vers le déconventionnement.

Caroline FAESCH

 

 

A Nevers aussi

 

 

 

 

" Dans quelques semaines, nous allons faire du dépassement économique qui ne sera remboursé ni par la Sécurité sociale, ni par les mutuelles ", annonce Bruno Desmarquoy, directeur de la polyclinique du Val de Loire à Nevers (Nièvre).

Si sa forme définitive " n'est pas arrêtée ", ce dépassement consistera sans doute à majorer le forfait hospitalier de " quelques euros " et sera précédé d'une communication auprès des patients et usagers, précise-t-il. Selon ce directeur de clinique, il s'agit de toute façon d'une " démarche temporaire pendant un an au maximum ", en attendant que l'ARH de Bourgogne accorde d'autres ressources à l'établissement.

La polyclinique du Val de Loire, qui compte 109 lits et places et voit passer " 10 000 personnes par an en opération ", a dû, comme les autres cliniques, se confronter au " financement insuffisant des 35 heures et au problème des primes d'assurance ". Mais " la goutte d'eau qui fait déborder le vase, c'est un problème de fiscalité locale ", explique Bruno Desmarquoy. Ce dernier est en effet scandalisé par " la multiplication par onze de la taxe foncière et la multiplication par trois de la taxe professionnelle ". La hausse de la fiscalité locale " a fait plus que gommer les augmentations tarifaires depuis deux ans ", affirme le directeur de cette clinique de Nevers.

du 12/11/2003

Le peuple du refus

 

Jean-Pierre Raffarin, en août, dans une maison de retraite(Photo AFPO)

Le plan du gouvernement pour venir en aide aux personnes âgées a été accueilli par une salve meurtrière de quolibets : de la gauche aux syndicats, des directeurs de maison de retraite à l'UDF, des personnels qualifiés aux salariés des entreprises, le cri est unanime : c'est non !

Pour commencer, on rappellera que c'est une France indignée, quasiment en larmes, profondément choquée, qui a appris l'hécatombe du mois d'août chez les personnes âgées. Une France unie pour dénoncer les organismes de santé publique, les dirigeants en vacances, les systèmes de veille, tous jugés indifférents, incompétents, incapables ou les trois à la fois.

Le gouvernement aurait été sourd qu'il aurait quand même entendu la clameur populaire, qu'il aurait perçu sa douleur, qu'il aurait compris sa sévérité.

Un déficit de civilisation

La France, peuple et gouvernants inextricablement mêlés, n'avait rien vu venir. Un peu de nos mœurs civilisées a été perdu en cette affreuse occasion.

L'effondrement de notre système de soins, le nombre très élevés de décès prématurés, le choc ressenti par le pays expliquent que Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin aient voulu, dans les plus brefs délais, démontrer à leurs mandants qu'ils ne restaient pas inertes et que, s'ils n'avaient pas su gérer la crise quand elle s'est produite, ils feraient en sorte de prévenir une crise ultérieure.

Mais leur action était inséparable du contexte socio-économique : croissance en berne, taux de chômage en progression, déficits publics en passe d'être sanctionnés par la Commission européenne. En d'autres termes, l'argent manque pour le fonctionnement habituel de l'Etat, il manque encore plus pour quelques gestes de générosité.

Comme MM. Chirac et Raffarin essaient désespérément de relancer la machine économique - ou tout au moins de la préparer à un retour de la croissance -, ils ont diminué l'impôt sur le revenu. Or, solidarité entre les générations, qu'est-ce que ça veut dire ? Que les jeunes doivent payer pour les vieux. Payer ? Avec de l'argent, ce n'était plus possible dès lors qu'on essaie d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés. Et sauf à croire que le " trésor " des riches est inépuisable, ce qui est rigoureusement faux, le gouvernement a demandé aux Français, plutôt que des espèces, un peu plus de travail. Pour être précis, une journée supplémentaire.

Il agit de la sorte en parfaite harmonie avec sa propre philosophie. Quand la gauche dit qu'il a déjà commencé à démanteler la semaine des 35 heures, elle a tout à fait raison. Il l'a déjà fait en assouplissant les contraintes de la réduction du temps de travail. Et il s'est dit qu'au paradis des 35 heures et de la RTT, un jour de labeur en plus ne tuerait personne.

En tout cas, une chose est sûre : M. Raffarin n'a pas porté atteinte au pouvoir d'achat des Français et a réussi en même temps à financer le plan de solidarité avec les personnes âgées.

Solidaires, vraiment ?

Ce qui est confondant, c'est qu'à l'horreur ressentie par le peuple lors de la disparition de 14 802 personnes âgées a succédé, deux mois plus tard, le refus de solidarité. Car, si on ne veut ni travailler ni payer pour financer un système d'alerte et de prévention, cela veut dire qu'on se moque éperdument du sort des vieux et des dépendants. Cela veut dire que d'autres (qui ?) doivent être solidaires. Cela veut dire qu'on a été aussi prompt à oublier ce qui s'est passé en août qu'on l'a été à critiquer le gouvernement pour sa passivité pendant la canicule. Cela veut dire que les Français ne sont pas cohérents.

Pourtant, le gouvernement, comme M. Chirac l'a démontré, a établi un projet pour l'avenir. Il admet l'existence d'un nouveau risque pour la santé et il crée une caisse spécifique pour prévenir ce risque et financer la prévention.

Quand les directeurs et les professionnels des maisons de retraite affirment que le plan est insuffisant, quand ils disent qu'il y a dix mille maisons pour les vieux et qu'ajouter quinze mille places de soignant cela revient à accorder une place et demie pour chaque établissement, quand ils déclarent que deux milliards d'euros par an, c'est du pipeau, que signifie leur message ? Que rien ne suffit jamais. Mais il y a un début à tout. Quinze mille soignants de plus, ce seront peut-être, un certain été, quelques milliers de vies sauvées. Deux milliards d'euros, ce n'est rien, mais c'est beaucoup pour un budget en dépassement et c'est mieux que zéro euro.

Les mêmes professionnels ne peuvent pas nier, par ailleurs, que le gouvernement a pris en main l'ensemble des activités santé dirigées vers les personnes âgées et qu'il leur donne une structure. Il s'est hâté de pérenniser l'APA (aide aux personnes âgées) qu'il avait menacé de réduire ou de supprimer au nom des équilibres fondamentaux.

Des sous !

Enfin, il faudra bien que chaque Français, quelle que soit la profession qu'il exerce, comprenne que les caisses de l'Etat ont été vidées par la crise, par le manque de recettes fiscales et sociales. Chacun, dans sa partie, réclame des sous, comme si chacun ignorait ce que fait l'autre. Il faut protéger les personnes âgées, mais il faut encore accomplir de si lourdes tâches sociales !

Il est indéniable que le gouvernement s'est placé lui-même dans des contradictions qui ne résultent pas seulement de sa mauvaise communication. Il baisse les impôts et soudain il cherche des recettes dans les fonds de tiroir, fait des économies de bouts de chandelle sur la santé (mais qui tétanisent un secteur entier, l'homéopathie), augmente la taxe sur le gazole, et, pour finir, demande une journée de travail supplémentaire aux Français. Cela fait désordre. En attendant que les réformes soient adoptées et mises en œuvre, il était impératif d'augmenter la CSG. Elle a d'ailleurs été conçue pour financer non seulement l'assurance-maladie mais les besoins sociaux qui lui sont connexes, comme le troisième âge. Le gouvernement a refusé ce choix simple qui, il est vrai, risquait de réduire la consommation et de compromettre davantage la croissance. Mais il est sans cesse rattrapé par les besoins de la communauté nationale.

Et comme il a hérité d'une France qui a reçu des cadeaux sociaux pendant cinq années de croissance, il apparaît aux yeux de la population comme antisocial, proche du patronat, voué à la protection des riches. Ce n'est pas vrai : M. Raffarin et ses ministres veulent que l'argent privé soit mis au service de l'expansion économique et de l'emploi plutôt que taxé. Malheureusement, les apparences et la réputation comptent beaucoup en politique. Et le discours sur les mécanismes de l'économie de marché ne convainc personne. Il demeure qu'on est injuste avec M. Raffarin : on lui a reproché la chaleur de l'été et, maintenant qu'il s'efforce de régler le thermostat, on lui dit que ce n'est pas assez, ou trop cher, ou inutile.

Richard LISCIA