revue de presse onala

mars 2004

 

Quel avenir pour l'hôpital ?

Des directeurs très pessimistes

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

Une enquête Ipsos révèle le pessimisme avec lequel les directeurs envisagent l'avenir de leurs hôpitaux. 98 % parlent de crise hospitalière, 42 % pensent que le plan Hôpital 2007 ne changera pas la situation de l'hôpital en France. Jean-François Mattei a encouragé les directeurs à croire en ses réformes.

COMMENT LES DIRECTEURS hospitaliers perçoivent-ils la situation des hôpitaux en général, et celle de leur établissement en particulier ? Que pensent-ils du plan Hôpital 2007 ? Ipsos a mené l'enquête en février auprès des " directeurs généraux des établissements publics les plus importants ". Les résultats ont été annoncés au cours des 7es Rencontres financières des décideurs hospitaliers, organisées par la banque Dexia crédit local, en présence du ministre de la Santé, Jean-François Mattei.

L'étude confirme les tendances enregistrées en 2003 : les directeurs sont très nombreux à appréhender l'avenir des établissements publics de santé. 85 % d'entre eux estiment que la situation des hôpitaux en France aujourd'hui est mauvaise, contre 14 % seulement qui la jugent bonne. Aucun des directeurs interrogés ne se risque à dire que la situation est très bonne... Les pronostics d'évolution, de même, sont sombres. Trois directeurs sur quatre (72 %) se déclarent pessimistes lorsqu'ils pensent à la situation des hôpitaux en France dans cinq ans.

Si les directeurs se montrent plus positifs quand il s'agit de juger leur propre établissement (55 % d'entre eux trouvent bonne la situation), ils n'en restent pas moins fortement inquiets par rapport à leur situation financière. En tête de leurs sujets de préoccupation, la capacité à investir (93 %) et la santé financière de leur établissement (91 %). Viennent ensuite la sécurité sanitaire à l'hôpital (88 %) et la conduite des restructurations (87 %).

Le problème de la T2A.

Le plan Hôpital 2007 apporte-t-il une solution à ces problèmes ? Pour les directeurs, cet ensemble de réformes ne constitue pas un remède miracle. En effet, si 43 % des directeurs interrogés pensent que, avec la mise en place du plan Hôpital 2007, la situation de l'hôpital va s'améliorer, une proportion identique (42 %) estime qu'elle ne va pas changer. 11 % estiment même qu'elle va se détériorer.

Dans le détail, certaines mesures du plan Hôpital 2007 semblent toutefois susceptibles d'améliorer en partie la situation de l'hôpital, notamment l'assouplissement du code des marchés publics et le développement des liens entre le public et le privé. La mise en place de la tarification à l'activité (T2A), qui préoccupe 87 % des directeurs, n'apparaît comme une solution efficace que pour la moitié de l'échantillon. Près des deux tiers espèrent qu'elle entraînera la responsabilisation des médecins aux aspects financiers. En revanche, 4 % des directeurs craignent l'importance prise par le corps médical, désormais producteur direct des recettes, au détriment du corps administratif.

Deux directeurs sur trois se disent favorables à la réforme de la gouvernance. En outre, la relance de l'investissement hospitalier (10 milliards d'euros sur cinq ans) n'est pas jugée suffisante par 57 % des directeurs interrogés.

Mais, pour le ministre de la Santé, attaché à " remettre de l'ordre avant de réajuster les moyens ", l'hôpital souffre plus d'un problème d'organisation que d'un manque d'argent.

Mattei rassurant.

Ne voulant pas céder au pessimisme ambiant, Jean-François Mattei s'est voulu rassurant lors du congrès. A propos de son plan Hôpital 2007, lancé à la fin 2002, il a dit : " Le bilan est déjà vaste et ne demande qu'à être complété. (...) Je sais que la situation des hôpitaux demeure délicate car les pleins effets de ces réformes ne se font pas encore sentir, et il est donc légitime que votre perception de la situation globale n'évolue que lentement. (...) Mais pour que les grues, la gouvernance et la T2A se mettent en place, il faut du temps ".

Les directeurs doivent patienter encore un peu et garder confiance. Mais, surtout, demande le ministre, ils doivent prendre leurs distances avec les médias, trop enclins selon lui à ne pointer que les dysfonctionnements sans mettre en avant les situations positives. " Dès qu'il est question d'hôpital, les médias parlent toujours de crise, a regretté Jean-François Mattei. Ce n'est pas la réalité. L'hôpital est un monde merveilleux, fabuleux, où les gens donnent de leur temps pour guérir d'autres gens. "

D'après l'enquête Ipsos, la quasi-totalité des directeurs interrogés (98 %) estiment que l'hôpital traverse une crise, et, pour une majorité croissante d'entre eux (86 %, contre 82 % en 2003), cette crise est structurelle, plutôt que conjoncturelle (12 %, contre 16 %).

Après avoir salué la qualité et les compétences des directeurs d'hôpital français, qui pour certains travaillent jusqu'à 90 heures par semaine, le président de la FHF (Fédération hospitalière de France) a invité l'ensemble des acteurs hospitaliers, médecins syndicalistes, y compris, à " arrêter de déprimer collectivement ". " Défendre l'hôpital, ce n'est pas tous les jours en dire du mal au motif que nous l'aimons, a dit Gérard Larcher. Même si certains motifs d'inquiétudes sont fondés, personnellement, je crois à l'avenir de l'hôpital public. "

DELPHINE CHARDON

 

Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie

A l'assaut des coûts à l'hôpital

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

D'AUCUNS ont regretté, au moment de la remise du rapport-diagnostic du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, la faible place faite à l'hôpital dans ce document. D'autres ont rétorqué que c'était dans le cadre de la réforme Hôpital 2007 - et en particulier via l'instauration de la tarification à l'activité (T2A) - que se réglait la question. Les cinquante-trois sages qui composent le Haut Conseil se rattrapent aujourd'hui en consacrant une séance de travail à " l'analyse des coûts à l'hôpital ".

Leur but ? Comprendre, pour pouvoir les corriger, les raisons qui font qu'un hôpital coûte plus cher qu'un autre et celles qui font qu'un hôpital public coûte plus cher qu'une clinique privée.

Pour préparer cette réunion, ils disposent tous d'une note extrêmement technique d'une trentaine de pages, une compilation des différents rapports rendus sur le sujet, qui passe à la moulinette les instruments de mesure des coûts de production hospitaliers, que ce soit dans les secteurs public, privé participant au service public hospitalier (Psph) ou privé à but lucratif. Les GHM (groupes homogènes de malades), les points ISA (indices synthétiques d'activité), les " case-mix "... sont expliqués au profane qui comprend à la fois : que ces outils sont imparfaits ; qu'ils permettent cependant d'établir que disparités il y a bien, y compris à l'intérieur d'un même secteur ; que, toutes choses égales par ailleurs, l'hôpital public coûte beaucoup plus cher qu'une clinique privée, sans doute parce que les effectifs de personnels non médicaux y sont plus importants (la note rapporte que, pour 100 000 points ISA produits, ces personnels sont 3,65 à l'hôpital et 1,43 dans le secteur privé). Même les petits détails sont rapportés, comme les écarts de prix considérables constatés, sans qu'existe aucun élément d'explication, par la mission nationale d'expertise et d'audit hospitalier (MeaH) quand elle s'est penchée sur les achats des hôpitaux et des cliniques : d'un établissement à un autre, les poches de 100 ml de glucose 5 % sont payées entre 0,503 et 0,784 euro, le prix du m3 d'oxygène médical liquide en vrac varie de 0,41 à 1,208 euro, celui du kwh peut passer de 0,038 à 0,054 euro.

De ces enseignements, chacun tirera ses conclusions. Pour le Dr Michel Chassang, président de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français), qui siège au Haut Conseil sous l'étiquette " Cnps " (Centre national des professions de santé), les choses sont claires : " L'hôpital public coûte cher. On pourrait certainement y dégager des marges de manœuvre. " Quant à savoir si le Haut Conseil est bien le lieu où doit se régler le sort de l'institution : " L'assurance-maladie n'a pas à être partielle et à se concentrer uniquement sur la portion congrue des dépenses - je veux parler de celles de la médecine de ville. La médecine de ville ne doit pas être la variable d'ajustement des dépenses hospitalières. "

Côté hospitaliers, le président de la CMH (Coordination médicale hospitalière, qui n'est pas représentée au Haut Conseil), le Dr François Aubart, ne polémique pas. " Il n'y a pas de sujet tabou, affirme-t-il ; il existe, c'est vrai, de grandes disparités dans les coûts hospitaliers et cela doit interroger. Maintenant, le risque est que, étant donné le tempo des réformes, on choisisse des solutions réductrices, basées sur une grille de lecture très simplifiée, à un problème extraordinairement complexe. "

KARINE PIGANEAU

Dépenses d'assurance-maladie

Hausse de 5,9 % en rythme annuel

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

SELON LES RESULTATS provisoires de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), les dépenses d'assurance-maladie du régime général ont progressé de 5,9 % sur un an, à la fin de février. L'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam), fixé par la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004, est de 4 %, par rapport aux dépenses effectivement constatées en 2003.

Mais à l'instar du taux de croissance enregistré à la fin de janvier (6,9 %), celui du mois de février est " encore peu significatif des tendances ".

Cependant, note la Cnam, " cette décélération modérée marque bien la sortie de l'épidémie hivernale et pourrait se traduire par un ralentissement de la consommation des soins au tout début de l'année 2004, dont rien ne permet de penser qu'il sera durable ", précise la Cnam.

De janvier à février, le montant cumulé des remboursements dans le cadre de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) a atteint 17,3 milliards d'euros. Les soins de ville, qui représentent presque la moitié des remboursements versés par la Sécurité sociale (8,25 milliards d'euros), ont une croissance de 5,4 % sur un an à la fin du mois de février (contre 6,5 % en janvier). A l'intérieur de ce poste, les honoraires des médecins et des dentistes ont augmenté de 3,5 %, les prescriptions de 6,9 % et les indemnités journalières de 3,3 %. Les dépenses des hôpitaux se sont accrues de 4,7 %, celles des cliniques privées et des établissements médico-sociaux ont progressé respectivement de 5,5 % et 15,4 %.

 

ELECTIONS REGIONALES

Assurance-maladie, hôpital : des réformes menacées ?

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

MEME S'IL CONVIENT d'attendre le verdict du second tour des élections régionales et cantonales pour tirer les leçons de ces scrutins, les résultats de dimanche dernier, avec les bons scores de la gauche et les performances pour le moins médiocres de la droite, peuvent laissent planer quelques incertitudes sur l'avenir des projets du gouvernement en matière de santé et de protection sociale. Les médecins ne s'y trompent d'ailleurs pas, qui s'interrogent peu ou prou sur la volonté du Premier ministre de poursuivre, en particulier, une réforme de l'assurance-maladie qui a déjà fait beaucoup de mécontents dans la population, avant même que l'on en connaisse le grandes lignes. Un paradoxe, mais qui montre une nouvelle fois que la Sécurité sociale est sans doute le bien public auquel tiennent avant tout les Français, qui ne sont pas disposés à voir entamer cet avantage social. Mais la réalité des comptes n'est pas discutable et le chef du gouvernement, qu'il s'appelle demain Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy, ou François Fillon, devra s'attaquer à ce chantier. Les résultats définitifs des scrutins régional et local peuvent, s'ils sont dans la lignée de ceux du 21 mars, accroître considérablement la difficulté de la prochaine équipe gouvernementale. Il n'est jamais simple de réformer en France. Il sera encore plus difficile de la faire au matin du 29 mars. Dans ce contexte, il apparaît que les jours du ministre de la Santé, Jean-François Mattei, sont comptés, même si cela peut paraître injuste à ses partisans et à un certain nombre d'acteurs du monde de la santé - les syndicats médicaux (voir ci-dessous) sont loin de lui jeter la pierre.

Mais Jean-François Mattei paie encore aujourd'hui sa désastreuse gestion de la malheureuse affaire de la canicule. Circonstance aggravante : il ne peut plus revendiquer le soutien de la grande majorité du monde médical. Le sondage publié par " le Quotidien " le 16 mars l'a clairement montré. Le mécontentement grandissant des spécialistes n'y est sans doute pas étranger. Autre dossier délicat : l'hôpital. L'effervescence est aujourd'hui forte dans les établissements et malgré l'accord sur " la gouvernance " signé par la plupart des syndicats de médecins hospitaliers, on est loin du consensus. De leur côté, les personnels pourraient bien être tentés de faire monter la pression, encouragés par les revers électoraux du gouvernement, et histoire de montrer qu'il faudra compter avec eux. Et l'on connaît les répercussions d'une crise hospitalière sur la vie d'un équipe gouvernementale. C'est ainsi tout l'avenir du projet Hôpital 2007 qui est aujourd'hui posé. Nul doute que le prochain gouvernement, quel que soit son chef, s'il ne veut renoncer à ces réformes d'envergure, devra agir avec prudence et habileté. Faute de quoi, les prochains mois pourraient être fort agités.

 

Le ministère revoit ses quotas à la hausse

Il y aura 20 % d'internes en plus à la rentrée

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

 

LE MINISTERE de la Santé vient d'annoncer une augmentation " significative " du nombre d'internes (" le Quotidien " d'hier). Selon le cabinet de Jean-François Mattei, ces hausses, qui seront effectives pour la prochaine promotion dès l'automne 2004, s'expliquent par deux faits : " D'abord la hausse du numerus clausus d'entrée dans les études de médecine intervenue en 1999, les étudiants concernés devenant internes en octobre prochain ; ensuite et surtout, l'institution du nouvel examen classant par lequel les étudiants accèdent désormais au troisième cycle et deviennent internes. " Concrètement, 4 400 étudiants deviendront donc internes à l'automne prochain, soit 20 % de plus qu'en 2003. Toujours selon le ministère de la Santé, cette augmentation, qui bénéficiera tout à la fois aux internes de médecine générale et aux internes des autres spécialités, permettra " une meilleure répartition sur l'ensemble du territoire ".

" Une répartition fine entre les différentes spécialités est actuellement à l'étude au ministère de la Santé. Une concertation élargie aux responsables universitaires et hospitaliers permettra de finaliser cette répartition au cours des prochaines semaines en concertation avec le ministère de l'Education nationale ", précise-t-on avenue de Ségur. L'Anemf entendue. A l'Association nationale des étudiants en médecins de France (Anemf), la présidente Amandine Brunon regrette " d'apprendre la nouvelle par la presse et de n'avoir pas été informée par le ministère de la Santé ". Pour autant, Amandine Brunon ne boude pas son plaisir et pense que son mouvement n'est pas pour rien dans l'annonce du ministre : " Le 5 février dernier, nous sommes allés à une réunion de la commission nationale des études au cours de laquelle il nous a été proposé seulement 117 postes d'internes en plus.

Nous avons envoyé une proposition écrite à la direction générale de la Santé (DGS) pour lui faire remarquer que le nombre d'étudiants aujourd'hui inscrits en quatrième année de deuxième cycle d'études médicales est supérieur au numerus clausus de 1998-1999 (année du démarrage de leurs études), du fait essentiellement des redoublements. Mais qu'en revanche, le nombre de postes d'internes en troisième cycle d'études médicales évoqués à l'époque pour 2004-2005 restait, quant à lui, fixé à partir de ce numerus clausus de 1998-1999. Nous avons donc dit qu'il nous semblait que le nombre global de postes devrait être adapté au nombre réel d'étudiants inscrits en quatrième année du deuxième cycle d'études médicales. " L'Anemf se réjouit donc d'avoir manifestement été entendue par le ministère. Sans crier victoire : " Certes, il va y avoir 4 400 postes disponibles, mais on ne connaît pas la proportion d'étudiants étrangers qui se présentera à l'examen national classant. " Enfin, Amandine Brunon aimerait que les étudiants en médecine soient associés à la répartition entre spécialités étudiée actuellement par le ministère de la Santé et ajoute : " Il faut aussi veiller à la répartition entre les postes allant aux lauréats du concours d'internat ancienne formule, et ceux de l'examen national classant. " A noter enfin que le " Journal Officiel " vient de publier l'arrêté du 10 mars 2004 " définissant la liste des disciplines du troisième cycle des études médicales ", fixée comme suit : anesthésie-réanimation ; biologie médicale ; gynécologie médicale ; gynécologie-obstétrique ; médecine générale ; médecine du travail ; pédiatrie ; psychiatrie ; santé publique ; spécialités chirurgicales ; spécialités médicales.

HENRI DE SAINT ROMAN

 

L'hôpital de Tulle en colère contre l'ARH

Les chefs de service démissionnent

Le quotidien du médecin du 25 mars 2004

LA QUASI-TOTALITÉ (21 sur 23) des chefs de service du centre hospitalier de Tulle, en Corrèze, ont présenté vendredi leur démission de leurs fonctions administratives, afin de protester contre les mauvaises relations qui opposent de longue date leur établissement à l'agence régionale d'hospitalisation (ARH) du Limousin. " Chaque projet visant à développer l'activité est systématiquement retardé, sinon bloqué pour des raisons qui nous échappent ", dénoncent les médecins dans un courrier adressé au ministre de la Santé. Le directeur de l'agence, sollicité par " le Quotidien ", n'a pas souhaité commenter les faits, s'estimant tenu au devoir de réserve à cause des élections. Le chef des urgences de Tulle explique que depuis le rejet par l'agence, il y a cinq ans, du projet d'établissement concocté par les médecins, au motif qu'il ne développait pas suffisamment les coopérations avec l'hôpital voisin de Brive, son hôpital fonctionne " au coup par coup, sans contrat d'objectifs et de moyens ". " Ça n'est plus possible pour nous de continuer à travailler ainsi, sans savoir où l'on va ", poursuit le Dr Arnaud Collignon. Le président de la CME, le Dr Jacques Demange, chef du service d'anesthésie, résume le souhait de ses confrères : " Nous sommes en train d'écrire un nouveau projet d'établissement. L'ARH doit s'exprimer et nous donner un projet clair à propos de notre activité MCO, car nous ne pouvons rien prévoir si nous ignorons quelles spécialités vont être maintenues. "

Samedi, les chefs de service démissionnaires ont rencontré le directeur de l'ARH pour essayer de lui faire comprendre leurs difficultés. " On a senti une véritable attention de sa part, rapporte le chef des urgences. Mais on n'a eu aucune réponse à court et à moyen terme " à propos du manque de moyens financiers et humains. Le Dr Collignon rappelle qu'il y a quinze ans, l'hôpital comptait 35 internes. Aujourd'hui, ils ne sont plus que huit. " Plus de vingt médecins en moins, c'est un travail considérable qui retombe sur les praticiens ", dit-il, critiquant également les fermetures de lits, non compatibles, selon lui, avec la forte densité en personnes âgées de la région. Ainsi, " en gastro, les deux médecins se voient obligés chaque jour d'aller voir une dizaine de leurs malades placés ailleurs dans l'établissement, c'est infaisable ", raconte le chef des urgences.

Dans leur courrier, les chefs de service font à regret le constat suivant : " Quand les projets aboutissent, ils sont plus favorisés par des interventions extérieures que par la bonne volonté de nos tutelles. " Deux ans pour créer un poste. Le Dr Collignon confirme l'importance des élus locaux avec l'exemple suivant : " Ça a été une bataille sans nom auprès de l'ARH pour obtenir un deuxième poste d'urologue ! Le poste, attribué par Bernard Kouchner après l'intervention de François Hollande (député maire de Tulle, et Premier secrétaire du PS), a été remis en cause après le changement de gouvernement. Il a fallu une seconde intervention de Bernadette Chirac (conseillère générale du canton) auprès de Jean-François Mattei pour qu'il soit créé. Au total, ça aura pris deux ans ! " Les médecins hospitaliers tullistes veulent à nouveau rencontrer l'ARH ces jours-ci afin d'être fixés sur l'avenir de leur établissement pour les cinq prochaines années.

DELPHINE CHARDON

 

Social : le recours aux ordonnances va être étendu

Le Monde, 17 mars 2004

Claire Guélaud et Laetitia Van Eeckhout

 

Un projet, soumis mercredi au conseil des ministres, crée un régime unique pour les indépendants Le "couac" a été évité de justesse. Depuis la présentation, début mars, aux caisses d'assurance-maladie du projet de loi de simplification du droit autorisant notamment le gouvernement à modifier par ordonnances les codes de la Sécurité sociale, de la santé publique et du travail, les syndicats interrogeaient sans relâche les pouvoirs publics : à quoi sert la concertation si la réforme de la Sécurité sociale se fait dans notre dos ? Le message a été entendu. Vendredi 12 mars, le gouvernement a revu le texte que le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, Henri Plagnol, présentera, mercredi, au conseil des ministres.

DISPOSITIONS CRITIQUÉES

Il en a retiré les dispositions les plus critiquées : les mesures relatives à la gestion des personnels des organismes de Sécurité sociale et la simplification de la procédure de consultation pour avis des caisses nationales. Le ministre de la santé, Jean-François Mattei, peut désormais poursuivre la concertation sur l'assurance-maladie en recevant, cette semaine, quelque 19 professions de santé, sans se voir accusé par les partenaires sociaux de "préempter" la réforme. "C'est un bon projet de loi, qui a pour but de simplifier le droit pour tous les citoyens et pas du tout pour l'assurance-maladie", a-t-il dit, mardi 16 mars, sur LCI. Le texte gouvernemental prévoit un ensemble de mesures de simplification en matière sanitaire et sociale. Certaines sont très techniques, comme celles relatives aux fonds de gestion des caisses de Sécurité sociale. D'autres sont plus lourdes de conséquences, comme celle qui autorise les mutuelles à recevoir des dons et legs. La plus importante est la fusion des trois régimes de Sécurité sociale des travailleurs indépendants non agricoles (artisans, commerçants et industriels). Un régime social des indépendants (RSI) et un interlocuteur social unique en matière de recouvrement des cotisations seront mis en place d'ici le 1er janvier 2006. Pour préparer cette réforme, qui répond au souhait exprimé par les présidents et les conseils d'administration de ces trois régimes des travailleurs indépendants, le projet de loi rend possible la création, à titre provisoire, d'"une instance nationale élue" par les administrateurs et se substituant à eux. Il prévoit cependant que les professions libérales, y compris les avocats, conserveront leurs caisses spécifiques d'assurance-vieillesse. Le gouvernement est par ailleurs autorisé à légiférer par ordonnances pour simplifier les procédures d'admission à l'aide sociale, le fonctionnement et l'organisation des ordres professionnels des professions sanitaires, les règles de fonctionnement des établissements publics de santé. D'autres dispositions visent à adapter le droit de la formation professionnelle. Seront ainsi "adaptées" et allégées les formalités d'achat d'actions de formation, les obligations des prestataires et les procédures de contrôle.

 

 

" Touche pas à ma Sécu ! "

L’Humanité, 16 mars 2004

Par Olivier Mayer

Lundi soir au siège du PCF, à l'occasion du soixantième anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance, Marie-George Buffet appelle à créer des comités de défense de la Sécurité sociale. " Touche pas à ma Sécu ! ", le Parti communiste a décidé de se mettre à l'offensive pour la défense et l'avenir de l'assurance maladie. C'est lundi, du siège de la place du Colonel-Fabien et par la voix de sa secrétaire nationale, que le Parti communiste a lancé un appel à la création de " comités de résistance et d'avenir pour la Sécurité sociale ". Résistance ! Ce n'est pas un hasard si Marie-George Buffet a choisi de lancer son appel à l'occasion de la commémoration du soixantième anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (1).

L'appel dépasse largement l'échéance électorale. Le Parti communiste semble vouloir engager une bataille spectaculaire et qu'il veut inscrire dans la durée : " Dans chaque commune de notre pays, dans les jours qui viennent, créons des comités de résistance et d'avenir "Touche pas à ma Sécu". Rassemblons, rassemblons, ceux et celles qui, au-delà de leur diversité de pensée, pensent que le droit à la santé est un droit intouchable. Faisons de ces comités autant de lieux de mobilisation, d'actions. Levons une mobilisation telle que la Sécu demeure, qu'elle soit alimentée par les produits financiers. " Et Marie-George Buffet d'appeler à la mobilisation de toutes les énergies du PCF. " Je demande à tous les élu(e)s, aux maires, à toutes les militantes et tous les militants, de se mobiliser dans la création de ces comités de résistance et d'avenir pour la Sécu. Une véritable révolution réactionnaire " Pour les communistes, la politique de la droite constitue un véritable recul de civilisation. Le gouvernement est accusé de démanteler pièce par pièce les avancées sociales, économiques et démocratique, issues notamment du programme de la Résistance. " Ce bien fut attaqué souvent dans les soixante années qui suivirent, mais jamais nous n'avons connu la grande révision que nous vivons actuellement ", affirme Marie-George Buffet.

Menée systématiquement sous le couvert de la " réforme ", une véritable révolution réactionnaire qui cache son nom est engagée par le MEDEF et le gouvernement. " Je voudrais, aujourd'hui même, demander à Jean-Pierre Raffarin de dire clairement ce qu'il advient du programme du CNR et des acquis de la Libération, interpelle la secrétaire nationale du PCF. Lui demander de dire clairement que, pour lui, ces temps sont révolus et qu'il entend les abolir, car c'est ce qu'il fait. Qu'il clarifie les choses aux yeux de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en cette année de commémoration, plutôt que d'ignorer les événements comme il le fait superbement. Qu'il assume.

" Le Parti communiste est bien décidé à ne pas laisser le champ libre au MEDEF et au gouvernement Raffarin. Les attaques contre les services publics auxquels on entend " porter le coup de grâce ", l'attaque violente contre le système des retraites, et les menaces contre l'assurance maladie sont mises en avant par le PCF, mais pas seulement. Les communistes mettent aussi l'accent sur la démocratie sociale, la représentation syndicale et les droits des salariés " foulés aux pieds " par le pouvoir et le patronat. La critique va aux lois de décentralisation de Raffarin qui met en cause, pour le PCF, l'égalité des citoyens devant la loi. L'éducation et la culture sacrifiées au profit de l'ordre et de la sécurité " qui tiennent le haut du pavé ". Et la politique sécuritaire, qui détruit les valeurs de solidarité et de fraternité sur lesquelles peut reposer " un vivre ensemble de qualité ". Aux yeux de Marie-George Buffet, c'est tout " le socle de notre pacte social et démocratique " qui est mis à mal par l'offensive de la droite et du patronat qui " tire le tapis rouge au capitalisme mondialisé ". Que ce soit à l'occasion de la commémoration du programme du CNR que la secrétaire du Parti communiste lance son appel marque l'ampleur et la gravité des attaques portées par le gouvernement : les communistes ne sont d'ailleurs pas les seuls à mettre le doigt sur cet enjeu. ATTAC a consacré un colloque à la question et l'hebdomadaire Politis titrait cette semaine : " CNR, un héritage social balayé ". Il faut y voir deux signes supplémentaires. Si l'appel du PCF est une forte offensive contre le gouvernement Raffarin, la mobilisation peut, aux yeux des communistes, dépasser largement les clivages politiques. La leçon de courage que nous lègue le CNR On sait que dans notre pays, il existe un courant d'idée qui considère la droite porteuse d'une politique d'avenir et d'intérêt général. Les attaques contre la Sécurité sociale, mais aussi contre la recherche, l'enseignement ou la protection de la création artistique, risquent de mécontenter ou de désorienter une partie de l'électorat qui lui est traditionnellement acquis.

Le deuxième signe, c'est qu'en se référant à la Résistance pour lancer son offensive contre un gouvernement " totalement vendu à la finance et au grand patronat ", Marie-George Buffet évoque " la leçon de courage que nous lègue le CNR ". Un courage dont la secrétaire nationale du PCF a plusieurs fois reconnu que c'était ce qui, sans doute, avait le plus manqué à la " gauche plurielle ". (1) L'Humanité rendra compte de cette manifestation demain. Assurance maladie Un projet pour légiférer par ordonnances Le Conseil des ministres examine demain un projet de loi l'autorisant à légiférer par ordonnances en matière de Sécurité sociale. Alors que la concertation sur la réforme de l'assurance maladie vient seulement de commencer, ce texte pourrait permettre au gouvernement de trancher, seul, sans passer par le parlement, sur des éléments essentiels du dossier.

Telle est en tout cas la crainte des syndicats et des conseils d'administration des caisses nationale d'assurance maladie (CNAM), des allocations familiales (CNAF) et de la trésorerie de la Sécurité sociale (ACCOSS) qui, consultés, ont tous les trois émis un avis (consultatif) défavorable sur le projet. Celui-ci autoriserait notamment le gouvernement à prendre par ordonnance toutes mesures pour " simplifier et alléger les règles relatives aux relations entre l'État et les caisses " de la Sécu ainsi qu'entre " l'Etat et les partenaires sociaux ". Les administrateurs CGT des trois caisses décodent en expliquant qu'il s'agit de " limiter les cas où les conseils administratifs des caisses donneront un avis sur les textes législatifs et réglementaires ". Le projet donne également " un pouvoir aux préfets de région pour annuler des décisions des caisses locales susceptibles d'avoir un impact financier important ". Il s'inscrit ainsi " dans une logique d'étatisation ", observent les administrateurs CGT, pour qui " les orientations sous-tendant le projet paraissent ainsi anticiper sur les conclusions des discussions en cours sur l'avenir de l'assurance maladie ". FO et la CFTC ont aussi protesté.

 

 

Assurance maladie

Raffarin présente son ordonnance

François WENZ-DUMAS, Libération 15 mars 2004

La loi d'habilitation, en Conseil des ministres mercredi, permettra des réformes sans passer par le Parlement.

Retour à la méthode Balladur ? Dans la torpeur de l'été 1993, Edouard Balladur, alors Premier ministre, avait lancé la réforme des retraites en portant la durée de cotisation des salariés du privé de 37,5 à 40 annuités sans que le Parlement ait à en débattre. Jean-Pierre Raffarin s'apprête à faire de même avec l'assurance maladie, à travers un projet de loi d'habilitation, qui doit être adopté mercredi au Conseil des ministres. Certes, il ne concerne qu'une partie de la réforme. Mais il peut lui permettre de modifier en profondeur les règles de "gouvernance" des organismes de Sécurité sociale, sans passer devant l'Assemblée nationale et le Sénat.

Pour pouvoir légiférer par ordonnances, le gouvernement doit en effet faire voter une loi d'habilitation, qui en délimite le champ. Mais une fois ce feu vert donné, il a toute liberté. Or le texte qui sera soumis au Conseil des ministres, sous couvert de "simplification du droit", peut lui permettre d'aller très loin.

"La concertation sur la modernisation de notre assurance maladie est en cours", se sont défendus samedi le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, et son collègue Henri Plagnol, chargé de la réforme de l'Etat. Et, protestent-ils en choeur, ce texte "ne comporte aucune mesure relative à la réforme de l'assurance maladie".

Le gouvernement joue sur les mots, estiment les partenaires sociaux. La loi d'habilitation permettra en effet de "simplifier et alléger" par ordonnances "les règles relatives aux relations entre l'Etat et les caisses" ainsi qu'entre "l'Etat et les partenaires sociaux".

"C'est un chèque en blanc donné au gouvernement", regrette André Hoguet, administrateur CFTC de la caisse d'assurance maladie. "Les orientations qui sous-tendent le projet d'habilitation paraissent anticiper sur les conclusions des discussions en cours", dénoncent les administrateurs CGT. Autre sujet sensible qui modifie sérieusement l'architecture des organismes de Sécu : la loi permettra la fusion des trois caisses de retraite et d'assurance maladie des commerçants et artisans (Organic, Ava et Canam). Le prélèvement de leurs cotisations, qu'elles assuraient directement jusqu'ici, serait transféré à l'Urssaf. A terme, 2 000 à 3 000 emplois pourraient être supprimés.

 

 

 

Un sondage " le Quotidien du Médecin "-Ifop (RSS)

La droite et Mattei dans le collimateur des médecins libéraux

Le Quotidien du Médecin, 16 mars 2004

Moins de un médecin libéral sur deux souhaite aujourd'hui la victoire de la droite aux élections régionales de dimanche prochain et du 28 mars. C'est ce que révèle un sondage du " Quotidien du Médecin " réalisé par l'Ifop avec le Réseau santé social (RSS). Le ministre de la Santé n'est pas épargné, puisque les mauvaises opinions l'emportent désormais sur les bonnes opinions.

LES MEDECINS VOTERONT sans doute à droite les deux prochains dimanches, à l'occasion des élections régionales (et cantonales parfois), mais ce ne sera pas un plébiscite. Loin s'en faut.

En effet, selon le sondage IFOP, réalisé auprès de 406 médecins (spécialistes et généralistes) inscrits sur le Réseau santé social (voir fiche technique), et que publie " le Quotidien ", 49 % (seulement) des praticiens libéraux souhaitent la victoire de la droite lors de ce scrutin, alors que près d'un tiers, 32 %, espère clairement que leur région sera présidée par la gauche. Quatre pour cent penchent pour le Front national, alors que 15 % ne se prononcent pas.

En examinant de près les réponses apportées par les médecins, on s'aperçoit aussi que ce sont les praticiens les plus âgés, 55 ans et plus, et qui ont une ancienneté d'exercice le plus souvent supérieure à 25 ans, qui souhaitent d'abord la victoire de la droite alors que les moins enthousiastes sont les moins de 45 ans : seulement 44 % d'entre eux font ce choix. Une consolation sans doute pour la droite : ils ne rejoignent pas pour autant en masse les rangs de la gauche (seulement 35 % le font). Il est intéressant de noter que parmi les sympathisants de l'UDF, 10 % seraient satisfaits que leur région soit présidée par la gauche, alors que parmi les proches de l'UMP, personne ne fait ce choix. Il faut y voir les conséquences de la querelle qui oppose, au niveau national, ces deux formations de la majorité et qui a des répercussions au niveau régional et même parmi les médecins.

Une érosion du crédit de la droite.

Sans doute faut-il se méfier, surtout en politique, de certaines comparaisons et de certaines analogies. Mais il faut bien rapprocher ce sondage de celui réalisé à la veille des législatives 2002 : 67 % des médecins (sondage Ipsos-" le Quotidien " du 5 juin 2002) affirmaient alors qu'ils allaient voter au second tour pour un candidat de droite (33 % pour un candidat de gauche). On est loin aujourd'hui de ce pourcentage et même, s'il est délicat de mettre en parallèle ces deux types de scrutin, bien différents quant à leurs conséquences, on est bien obligé de noter une érosion du crédit des partis de droite, et sans doute d'abord de l'UMP, auprès des médecins libéraux.

Comment analyser ces différences et ce résultat ? Sans doute les conflits qui persistent aujourd'hui dans un nombre important de régions entre les médecins spécialistes et les caisses d'assurance-maladie ne sont-ils pas étrangers à cette baisse de crédits. Même si le gouvernement n'est pas vraiment concerné par ces différends, nombreux sont les médecins qui lui reprochent de ne pas intervenir, de ne pas leur apporter son soutien, alors qu'il l'a fait pour les généralistes (qui ne lui en sont d'ailleurs guère reconnaissants dans ce sondage), voire qui l'accusent de laisser en quelque sorte " pourrir " la situation.

Les projets de réforme de la Sécurité sociale sont également une source d'inquiétude pour de nombreux médecins. Enfin, il est clair que les événements de l'été dernier, avec la catastrophe sanitaire, ont compté dans le jugement des spécialistes, et plus encore des généralistes, qui ont encore en mémoire certaines accusations.

Une baisse spectaculaire.

La critique du monde médical s'adresse directement à Jean-François Mattei. Le ministre de la Santé, qui a bénéficié très longtemps, auprès des médecins libéraux, d'une cote exceptionnelle, voit aujourd'hui ses partisans déserter. Dans ce sondage, pour ce qui le concerne, les " mauvaises opinions " l'emportent désormais sur les " bonnes opinions ". En effet, 49 % des personnes qui ont répondu à cette enquête rejettent le ministre de la Santé, alors que 45 % lui gardent leur confiance.

Un renversement de tendance spectaculaire : en octobre 2002, il y a moins d'un an et demi, une enquête réalisée par le même institut montrait l'attachement des médecins au ministre de la Santé : 83 % avaient une bonne opinion de lui et seulement 5 % le critiquaient. La chute est brutale. D'autant qu'aujourd'hui 20 % des médecins libéraux ont une très mauvaise opinion de lui, alors que, en octobre 2002, 1 % des médecins étaient dans ce cas.

Si les praticiens qui s'avouent proches de la droite l'épargnent relativement (64 % ont une bonne opinion du ministre, mais 30 % en ont une mauvaise) et si les médecins proches de la gauche l'enfoncent sans surprise (12 % de bonnes opinions et 82 % de mauvaises), les médecins qui n'ont aucune préférence politique le condamnent sévèrement : 30 % de bonnes opinions et 62 % de mauvaises opinions. Hors clivage politique, le jugement est donc sévère pour le ministre de la Santé.

Les résultats de notre enquête ne sont donc pas fameux pour le gouvernement. Cela devra l'inquiéter. Car le sondage montre clairement que les médecins tiendront compte de la politique de santé du gouvernement et de son attitude envers les professionnels de santé et plus particulièrement les médecins, au moment de glisser leur bulletin dans l'urne.

Enfin, dernier résultat intéressant : les médecins sont partagés sur le fait de savoir s'il faut donner plus de pouvoir aux régions en matière de santé. Une majorité relative (45 %) penche en faveur de cette hypothèse, mais 38 % des médecins estiment qu'il ne faut rien changer.

Sans doute beaucoup d'entre eux ignorent-ils le peu de pouvoir réel des régions en ce domaine. On ne saurait le leur reprocher tant les informations sont rares, si ce ne sont celles apportées par " le Quotidien ", à l'occasion de ce scrutin.

JACQUES DEGAIN

 

 

La Sécurité sociale pourrait emprunter à des banques

Le Quotidien du Médecin, 16 mars 2004

Pour éviter la cessation de paiement, l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), c'est-à-dire la " banque " des caisses de Sécurité sociale toutes branches confondues, pourrait commencer à emprunter des fonds auprès de banques privées pour ses avances de trésorerie.

L'information, parue d'abord dans " les Echos ", est confirmée par un porte-parole du ministère des Finances. " C'est un scénario envisageable qui est à l'étude, même si aucune décision n'a été prise à ce stade, indique-t-on à Bercy. On regarde actuellement comment on peut optimiser le besoin de trésorerie (de l'Acoss), qui est très important puisqu'il s'élève à 33 milliards d'euros. Si (le recours à l'emprunt auprès de banques privées) peut permettre de faire des économies, c'est une bonne chose. "

Jusqu'à présent, seule la Caisse des dépôts et consignations fait des avances de trésorerie à l'Acoss. Le déficit de la Sécurité sociale, et en particulier celui de la branche maladie, se creusant au fil du temps, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 a déjà relevé de 15 à 33 milliards d'euros le plafond du découvert autorisé à l'Acoss auprès de la Caisse des dépôts. Il y a quelques jours, l'Acoss avait confirmé qu'elle prévoyait un déficit cumulé de ses comptes de 31,5 milliards d'euros à la fin de 2004 (" le Quotidien " du 2 mars). La commission financière de l'agence notait par ailleurs que " le solde du compte Acoss serait déficitaire sur les 366 jours civils de 2004 ", alors que, en 2003, la " banque " de la Sécu avait été dans le rouge sur 311 jours.

Une décision rapide.

" L'Etat étant actionnaire de la Caisse des dépôts, le gouvernement s'interroge sur la capacité de celle-ci à supporter 33 milliards de déficit, et cela à des coûts normaux, compte tenu de ses propres risques ", explique une source proche du dossier. En tout cas, la décision concernant le recours aux banques privées devrait être prise " prochainement ", précise le porte-parole du ministère des Finances. Selon celui-ci, s'il est " possible " que des banques françaises et étrangères se soient déjà portées volontaires, elles n'ont " pas été sollicitées " par les pouvoirs publics eux-mêmes.

S'il se confirmait, le recours aux banques privées porterait sans doute, selon un expert, sur " environ 10 milliards d'euros, soit le supplément de déficit de la Sécurité sociale entre 2003 et 2004 ".

Quoi qu'il en soit, cette avance de trésorerie par des banques privées serait une grande première en ce qui concerne la Sécurité sociale. Mais, " ce n'est pas la première fois que le projet est évoqué ", nuance Carole Lawani, directrice de la communication de l'Acoss. " Il n'est pas absurde que l'Etat se finance sur les marchés ", renchérit le porte-parole du ministère des Finances. Du reste, l'Unedic, l'organisme qui chapeaute le système d'assurance chômage, a déjà recours fréquemment à l'emprunt auprès de banques privées.

AGNES BOURGUIGNON

 

HOPITAUX PRIVES

Appel à la grève le 31 mars

Le Quotidien du Médecin, 16 mars 2004

Pour dénoncer " une situation de blocage gouvernemental et patronal " à propos des négociations salariales, les organisations syndicales (FO, CGT, Cftc, CFE-CGC, Cfdt) représentant les salariés du secteur Fehap (fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif) appellent les salariés des hôpitaux privés à exprimer leur mécontentement le 31 mars prochain par tous les moyens possibles : pétitions, assemblées générales, grèves, etc. La Fehap propose une augmentation de 0,5 %. " Inacceptable ", ont répondu les syndicats, qui demandent 2,58 % pour contrer la perte du pouvoir d'achat des salariés depuis la mise en place des 35 heures.

 

 

Une étude sur les morts de la canicule à Paris

L'isolement, facteur mortel numéro 1

Le Quotidien du Médecin, 16 mars 2004

L'étude menée par Pr Dominique Lecomte (IML, Paris) montre que 88 % des Parisiens décédés durant la canicule 2003 vivaient seuls : ils se trouvaient dans un isolement social qui aura constitué le principal facteur dans leur décès.

DANS L'ETUDE qu'elle présente aujourd'hui à l'Académie nationale de médecine, avec le Dr Dominique de Penanster (médecin inspecteur général de santé publique), le Pr Dominique Lecomte, directrice de l'Institut médico-légal de Paris, commence par analyser les causes médicales des 452 décès recensés à Paris intra muros entre le 1er et le 31 août dernier ; elle note que, pour 90 % d'entre eux, le libellé sur le certificat de décès mentionne " arrêt cardio-circulatoire lié aux conditions climatiques ".

Absence de rigueur scientifique.

Une origine qui, selon elle, trahit " l'absence de rigueur scientifique " des médecins certificateurs : l'état des cadavres dans les deux tiers des cas (putréfaction plus ou moins développée et même parfois très avancée) permettait tout au plus d'éliminer l'hypothèse d'une mort violente, il ne pouvait fournir aucune indication sur l'existence ou non d'une hyperthermie au moment du décès. Du reste, parmi les antécédents médicaux étudiés, on ne relève des affections cardio-respiratoires que pour 26 % des victimes, les affections psychiatriques arrivant nettement en tête (33 %), ainsi que l'avaient déjà signalé les enquêtes précédentes.

Mais c'est surtout l'examen des conditions de vie et de l'environnement des personnes décédées qui est ici riche d'enseignements. Elle établit que le principal facteur de mortalité a été l'isolement.

Quatre-vingt-huit pour cent des victimes de la canicule vivaient seules. Une sur quatre n'avait plus aucun contact avec le monde extérieur, qu'il soit d'ordre familial, amical ou social. Quinze pour cent refusaient une aide de l'extérieur.

Pour ceux qui conservaient un lien social, le rythme de la vie relationnelle était très variable : quotidien dans un tiers des cas, hebdomadaire pour 34 %, mensuel pour 11 %, voire annuel pour 7 %.

Dans 40 % des cas, ce contact était familial, il était amical dans 36 % des cas et social (services médicaux, sociaux ou associatifs) dans 24 %.

L'enquête fournit encore des précisions sur les conditions de logement des disparus de la canicule : 41 % des victimes habitaient une pièce unique dont la superficie était inférieure à 10 m2 pour 12 % d'entre elles ; les procès-verbaux soulignent que 50 % des logements étaient propres et ordonnés, 17 % étant qualifiés d'insalubres. Et 54 % de ces appartements, situés dans les deux derniers étages des immeubles, 36 % au dernier étage, sous les toits, avec un vasistas pour toute ventilation, sans ascenseur pour la moitié des cas, se sont transformés en fournaises : les secours ont enregistré des températures généralement comprises, à l'ouverture de la porte, entre 36 et 40 degrés.

La défaillance du lien social a été fatale : des symptômes d'alerte ont été relevés dans un quart des cas : asthénie (76 %), perte d'appétit ou début de déshydratation (21 %), confusion (3 %).

Cependant, note le Pr Lecomte, " la présence de ces signes avant-coureurs n'a entraîné aucune mobilisation particulière ".

Les observateurs n'ont pas su apprécier la gravité de la situation. " On sait, commente le rapport, que les personnes âgées ont une baisse naturelle de la perception des variations thermiques et de la sensation de soif et que celle-ci est augmentée lorsqu'il existe une altération de la vigilance. "

Bouteilles d'eau non ouvertes.

On le sait, mais les entourages des victimes l'ignoraient, qui n'ont pas su réagir comme il aurait fallu. Ainsi le message " il faut faire boire les personnes âgées " a été entendu mais, semble-t-il, en partie seulement intégré : les témoins qui ont découvert les victimes ont fréquemment relevé la présence sur la table de nuit de bouteilles d'eau non ouvertes.

Quelles leçons tirer des événements ? Le Pr Lecomte estime que la préconisation d'une surveillance télémétrique, qui peut être utile en cas d'urgence, ne saurait se substituer au contact humain. Pour combattre le mortel facteur d'isolement, elle en appelle à " une politique de proximité, c'est-à-dire de quartier, de façon que lors de tout événement climatique ou de toute catastrophe, quelle que soit l'étiologie, chacun puisse être visité chaque jour par une personne capable de donner l'alerte au moindre événement ".

En dernier ressort, elle estime que la seule action vraiment efficace aurait consisté à sortir les personnes de leurs combles surchauffées pour les installer pendant une semaine dans un environnement viable. Un protocole élaboré à cette fin semble nécessaire.

La directrice de l'IML souligne encore qu'au plus fort de l'épidémie, en particulier entre le 12 et le 16 août, le délai de prise en charge pour le transport des corps s'est allongé, les services des pompes funèbres étant débordés ; la putréfaction des corps s'est trouvée aggravée et les capacités d'accueil de l'IML ont elles-mêmes fini par être dépassées.

Les ministres de l'Intérieur et de la Santé ont confié, le 24 septembre, un rapport au Pr Lecomte sur la gestion des décès massifs. Il devrait leur être remis à la fin du mois, avec toute une série de préconisations à la clé, sur la politique thanatologique à mener en cas de catastrophe.

CHRISTIAN DELAHAYE

 

Le projet sur les ordonnances ne concerne pas l'assurance-maladie

Le Quotidien du Médecin, 16 mars 2004

Dimanche 14 mars. Le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer les ordonnances, qui sera examiné mercredi en conseil des ministres, inquiète les syndicats. Dans un but de simplification du droit, il prévoit notamment que le gouvernement pourra "prendre par ordonnance, en matière de sécurité sociale, toutes mesures pour" entre autres "simplifier et alléger les règles relatives aux relations entre l'Etat et les caisses et organismes concourant à la protection sociale ainsi qu'entre l'Etat et les partenaires sociaux en matière de sécurité sociale" ; il pourra aussi, selon le texte, légiférer par ordonnance pour "simplifier et harmoniser les modalités d'exercices de la tutelle sur les organismes de sécurité sociale et leurs personnels". Consultés pour avis, les conseils d'administration des caisses (assurance-maladie, allocations familiales et Accoss) ont émis un vote défavorable sur ce projet. Le ministère de la Santé a réagi en affirmant samedi, dans un communiqué signé avec le secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat, que le projet de loi contesté ne comporte "aucune mesure relative à la réforme de l'assurance-maladie", ajoutant que "la concertation sur la modernisation de notre assurance-maladie est en cours sous l'égide de Jean-François Mattei

 

 

 

 

En 2003, la dette publique a atteint 16 000 euros par Français

Le Monde du 16 mars 2004

Les finances de l'Etat sont fortement dégradées et le "trou" de la Sécurité sociale se creuse. Le déficit cumulé atteint désormais 63,4 milliards d'euros. Une croissance hésitante ne permettra pas de redresser les comptes. Les prélèvements obligatoires ont augmenté pour la première fois depuis 1999

Les finances publiques n'ont jamais été aussi dégradées. Le déficit (Etat, Sécurité sociale, collectivités locales) a atteint 63,4 MILLIARDS D'EUROS en 2003 (4,1 % du PIB) et la dette 980 milliards (63 %), selon l'Insee. La France dépasse ainsi largement les plafonds fixés par le traité de Maastricht. Quant aux PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (43,9 % du PIB), ils ont repris leur progression pour la première fois depuis 1999, alors que Jacques Chirac avait fait de leur baisse une des priorités. Le gouvernement envisage de vendre une partie du STOCK D'OR de la Banque de France pour financer la recherche. Dans un entretien au Monde, Pierre Méhaignerie (UMP) juge que "LES CORPORATISMES" rendent la réforme du secteur public difficile. Eric Besson (PS) estime que les baisses d'impôts n'ont pas soutenu la croissance.

Etat d'alerte

C'est l'expression retenue par beaucoup d'économistes pour décrire les finances publiques françaises, et celui que la Commission de Bruxelles agite depuis plusieurs mois. Depuis le 31 décembre 2003, la France ne répond en effet plus aux deux critères de Maastricht qui fixent le plafond du déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) et celui de la dette à 60 % : le premier atteint 4,1 % et le second 63 %. Eurostat, l'agence européenne des statistiques, devait publier, le 15 mars, les chiffres transmis à Bruxelles par tous les pays européens, et la France apparaîtra alors comme le seul à avoir un déficit supérieur à 4 % de son PIB. Et si elle n'est pas la moins vertueuse en matière de dette, elle devra reconnaître que sa situation se dégrade plus vite que celle de ses voisins.

Pour beaucoup, ces chiffres sont trop abstraits pour qu'on s'en inquiète. Le ministre de l'économie et des finances, Francis Mer, tire régulièrement la sonnette d'alarme et surveille de près les réflexions sur la réforme de l'assurance-maladie. Alain Lambert, le ministre délégué au budget, répète lui aussi qu'il faut réformer l'Etat et cesser de reporter les problèmes sur les générations futures. Mais le président de la République et le premier ministre ont toujours du mal à se plier aux impératifs budgétaires, qu'ils interprètent encore comme des pressions de la toute-puissante technostructure de Bercy.

La dégradation des finances publiques est pourtant sans précédent. Depuis le choc pétrolier de 1974, jamais la France n'est parvenue à terminer une année avec un excédent budgétaire, l'Etat dépensant toujours plus que ce qu'il prélevait aux contribuables. En 2003, il a dépensé 273,8 milliards pour 239,8 milliards de recettes, générant un déficit record de 56 milliards. Un cinquième des dépenses ne sont pas couvertes.

L'année 2004 ne sera pas celle du redressement : le déficit de l'Etat prévu est de 55,5 milliards d'euros, ce qui signifie qu'à partir de la fin septembre les administrations vivront à crédit. Il ne s'endette pas pour investir, en profitant de taux d'intérêt faibles. Seules 10 % de ses dépenses sont consacrées à l'investissement. Désormais, rappelle l'Insee dans une note du 9 mars, 70 % de l'investissement public est assuré par les collectivités locales. Encore vertueuses, celles-ci dégagent un excédent budgétaire.

L'Etat n'est, toutefois, pas le seul dans le rouge. En 2003, les administrations sociales - assurance-maladie et Unedic - ont vu leurs déficits exploser pour atteindre 9,4 milliards d'euros. La Sécurité sociale a désormais une autorisation de découvert de plus de 30 milliards d'euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Au total, les 43,9 % de la richesse produite par l'économie prélevés sous forme d'impôts, de taxe et de cotisations ne suffisent pas à couvrir le service rendu.

Année après année, les déficits s'accumulent et accroissent la dette publique. En 1991, au moment de la négociation du traité de Maastricht, la France faisait figure de bon élève, puisque celle-ci ne représentait que 21 % du PIB ; elle atteint désormais 63 %. En valeur absolue, le chiffre est encore plus impressionnant : 980 milliards d'euros, soit 16 000 euros par Français et 36 000 euros par actif. On frôle donc les 1 000 milliards d'euros, dans la quasi-indifférence. En 1983, le passage du seuil des 1 000 milliards de francs avait déclenché un vent de panique, une dévaluation et un plan de rigueur.

Or cette dette coûte cher. Pour le seul Etat (hors Sécurité sociale), la charge de ses intérêts atteindra, en 2004, 38,9 milliards d'euros, selon la loi de finances. Presque autant que le budget de la défense et plus de la moitié de celui de l'éducation nationale. Si l'on y ajoute la Sécurité sociale et les collectivités, les intérêts coûtent 47,3 milliards. Les taux d'intérêt sont pourtant à un niveau historiquement bas.

Cette situation peu brillante est propice à l'élaboration de scénarios catastrophes. Roger Fauroux et Bernard Spitz en présentent un, à vertu pédagogique, dans leur livre Etat d'urgence. Réformer ou abdiquer : le choix français, publié chez Robert Laffont (Le Monde des livres du 12 mars). En épilogue, ils font une projection des finances publiques à l'horizon 2007 : avec une croissance de 2,5 % par an et sans réforme de l'Etat ou de l'assurance-maladie, le déficit représenterait entre 4 % et 5 % du PIB (80 milliards d'euros), et la dette 1 157 milliards ; si la croissance est limitée à 1 %, le déficit atteindrait 7 % du PIB (120 milliards d'euros) et la dette 1 218 milliards.

M. Spitz estime que, s'il ne réforme pas, l'Etat "laisserait s'installer les conditions d'une guerre entre générations". "La situation serait insoutenable pour nos enfants et nos petits-enfants, qui seront moins nombreux que les générations précédentes et qui devront financer la dette de la génération du baby-boom, mais aussi sa retraite et ses dépenses de santé", poursuit-il. Les Français ont bien mesuré ce risque, comme en témoigne l'augmentation constante de leur taux d'épargne. Surtout, M. Spitz constate que cette situation "entraîne une montée en puissance des corporatismes". Pour lui, "la seule façon de s'en sortir, de réformer, c'est de tenir un langage de vérité".

Le gouvernement affiche sa volonté de réforme, comme le montre le programme de finances publiques transmis au Parlement et à Bruxelles : un déficit ramené sous les 3 % de PIB en 2005 puis à 1,5 % du PIB en 2007, avec une croissance de 2,25 % à compter de 2005. Le ministère de l'économie table sur un contrôle des dépenses de l'Etat et sur une modération - jugée peu raisonnable par les spécialistes de l'assurance-maladie - des dépenses de santé (en croissance de 2,25 % contre 6 % à 7 % aujourd'hui).

Rares sont donc les économistes qui partagent cet optimisme apparent. Même si un groupe d'experts (le groupe technique du Comité économique de la nation) a indiqué au gouvernement, vendredi 12 mars, qu'il jugeait crédible sa prévision de croissance pour 2004 (1,7 %), il s'est montré plus sceptique sur la prévision de déficit (3,6 % en 2004, moins de 3 % en 2005). Ces prévisions, en outre, ne prennent pas en compte un risque économique réel : la paralysie des consommateurs, tétanisés par la peur des attentats.

 

 

Pierre Méhaignerie (UMP), président de la commission des finances

"Quand j'entends parler de remise en cause de l'Etat-providence, je suis abasourdi"

Le Monde du 16 mars 2004

Le texte de cet entretien a été relu et amendé par M. Méhaignerie.

Que doit faire le gouvernement face à l'état des finances publiques ?

Il est nécessaire pour éviter les remèdes inadaptés d'établir un bon diagnostic. Première remarque, lors de la période de forte croissance qui a culminé en 2000-2001, plusieurs pays ont réussi à réduire leurs déficits à zéro. La France avait à cette époque 1,5 % de déficit, aujourd'hui elle est à 4 % ; les Pays-Bas, qui étaient à zéro, sont maintenant à 3 %. Deuxième remarque, le creusement du déficit ne s'explique pas par l'évolution des dépenses de l'Etat, qui ont été stabilisées, mais par des dépenses de Sécurité sociale et d'assurance-chômage.

Ce qui est surprenant, c'est que l'on parle parfois d'ultra-libéralisme ou de régression sociale, alors qu'il n'y a pas un pays en Europe où l'Etat-providence ait autant progressé ces deux dernières années ! L'Etat a dépensé en prestations sociales (aide médicale d'Etat destinée aux demandeurs d'asile et aux étrangers non régularisés, couverture maladie universelle, allocation parent isolé, allocation pour adulte handicapé, revenu minimum d'insertion) 11,24 milliards d'euros en 2003 contre 10,3 milliards en 2001. De plus, les dépenses sociales des départements ont progressé de plus de 15 % en deux ans. Celles des organismes de Sécurité sociale sont passées de 297 milliards d'euros en 2001 à 332 milliards en 2003. Quand j'entends parler d'austérité ou de remise en cause de l'Etat-providence, je suis abasourdi par ces caricatures !

Est-ce pour cela que la France ne parvient pas à profiter de la croissance ?

Tous les pays d'Europe qui sont parvenus à ramener leur taux de chômage sous les 5 % ont, sans exception, réussi à maîtriser leurs dépenses publiques et sociales. Ils ont fait les réformes de structure (retraite, assurance-maladie, amélioration de l'efficacité de l'Etat) que la France n'a pas encore faites ou qu'elle vient juste d'engager. Un dirigeant social-démocrate allemand déclarait dernièrement : "Dommage que le sale boulot n'ait pas été fait par nos prédécesseurs." Nous pourrions dire la même chose ! Le secteur public est important en France et très utile. Mais il produit souvent à 120 euros des services qui pourraient l'être à 100 euros, du fait essentiellement de l'empilement des structures et de la complexité des procédures. Ainsi, une part de la richesse nationale qui pourrait aller en pouvoir d'achat supplémentaire est absorbée en dépenses publiques. L'Etat a besoin d'être repensé et réorganisé. Il faut donner de la souplesse au statut de la fonction publique. C'est la condition du retour au plein emploi et à une croissance supérieure à celle de la moyenne des pays de l'OCDE, comme c'était le cas avant 1978.

Je reconnais que ce sera difficile et qu'il y aura beaucoup de défilés, mais il faudra tenir avec courage. Toutefois la démagogie actuelle m'inquiète. Jeudi soir, j'ai regardé "100 minutes pour convaincre" sur France 2. Comme beaucoup de téléspectateurs, j'ai éteint l'émission à mi-parcours, écœuré par tant de démagogie des oppositions. Les corporatismes, y compris dans l'éducation nationale, la recherche ou chez les intermittents du spectacle, ont droit à tous les égards médiatiques. On ne nous présente qu'une face de la réalité. La réforme dans ces conditions est particulièrement difficile.

Vous ne citez pas les restaurateurs ou les buralistes ?

Si, bien sûr. Mais chez les buralistes la hausse du prix du tabac créait un réel problème pour les frontaliers. Pour la restauration, je n'ai jamais défendu une baisse de la TVA, mais une baisse des cotisations sociales part salariale. Les Belges ont trouvé une solution de ce type, notamment pour les salariés qui travaillent le week-end. Cela permet aux restaurateurs d'offrir de meilleures rémunérations et donc de trouver du personnel. Et cela coûterait sûrement moins cher qu'une baisse de TVA.

Que faut-il faire pour réussir les réformes ?

Il faut à tous les niveaux du courage, plus d'explications et de l'équité dans les réformes. J'estime que ce qui a été fait pour réformer le système des retraites constitue un bon exemple. J'apprécie particulièrement le fait qu'on accorde le droit de partir plus tôt à ceux qui ont commencé à 14, 15 ou 16 ans. C'est pourquoi je ne suis pas inquiet sur la capacité de la France à faire des réformes - l'opinion est plus mûre que l'on croit. Il faut agir vite.

Propos recueillis par S. F.

 

Eric Besson, secrétaire national à l'économie et à l'emploi au PS

"Ces déficits n'ont servi à rien, la croissance n'est pas au rendez-vous"

Le Monde du 16 mars 2004

Le texte de cet entretien a été relu par M. Besson.

Les déficits publics et la dette se sont creusés en 2003. Comment jugez-vous cette situation ? Tous les indicateurs sont au rouge : le déficit public, la dette, les prélèvements obligatoires... tout augmente. Mais il y a plus grave. Ces déficits n'ont servi à rien, la croissance n'est pas au rendez-vous. Il y a eu une erreur de pilotage économique, engagée dès juin 2002. Le gouvernement a mené une politique injuste et peu redistributive sur le plan fiscal, qui n'a permis de créer aucun emploi et n'a donc pas ramené la croissance. Sa politique a aussi le défaut d'être clientéliste. Les baisses d'impôts profitent surtout aux ménages qui ont les revenus les plus élevés. Peu après les élections de 2002, le gouvernement Raffarin a aussi octroyé aux médecins une augmentation du prix de la consultation, à 20 euros, sans mettre en place un plan de contrôle des dépenses en contrepartie. C'est un signal très négatif, qui explique en partie la dérive des dépenses de santé et des comptes sociaux. Le gouvernement a continué avec les buralistes, puis les restaurateurs, qui ont obtenu une baisse de cotisations en attendant une réduction de leur taux de TVA, qui coûtera 3 milliards d'euros. On peut rapprocher ce montant du budget du CNRS : 2,5 milliards. En outre, on ne dit pas la vérité aux Français.

Sur quels points ?

Le gouvernement dit que les impôts baissent alors que seuls l'impôt sur le revenu et, d'une certaine manière, l'impôt de solidarité sur la fortune baissent vraiment. Il annonce sans cesse le retour à la croissance et le redémarrage de l'emploi. Au nom de la décentralisation, il transfère des charges du budget de l'Etat vers les collectivités locales. Il prépare de véritables bombes à retardement, en prenant des engagements qui ne se paieront qu'en 2006. C'est le cas de la baisse de la TVA pour la restauration. C'est aussi celui de l'exonération de la taxe professionnelle pour les investissements faits entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Lors du dernier comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) sur les transports, il a aussi annoncé que l'Etat prendrait à sa charge 20 milliards d'euros de travaux, dont l'essentiel dans le budget 2006.

Comment va-t-il bâtir ce budget ?

A mon avis, il y aura des promesses non tenues. Personne ne croit plus que Jacques Chirac ira au bout de sa promesse de baisser l'impôt sur le revenu de 30 %. En ne disant pas la vérité aux Français, il renonce à la pédagogie de la réforme. C'est grave.

Ne faudrait-il pas un consensus gauche-droite pour pouvoir tenir un discours de vérité et avancer dans les réformes, notamment celle de l'Etat ?

Je ne le pense pas, car nous ne sommes pas d'accord sur ce que nous appelons réformes. Il faut certes maîtriser les dépenses de santé, inciter au retour au travail, améliorer l'efficacité de l'Etat. Mais nous ne sommes pas d'accord avec Jean-François Mattei quand il passe le prix de la consultation à 20 euros dans un système déjà tendu et que le gouvernement doit ensuite faire une réforme douloureuse. En matière de flexibilité du travail, je comprends les besoins des entreprises et je constate que l'intérim et les contrats précaires se sont beaucoup développés. Mais on peut peut-être faire comme au Danemark, où les entreprises peuvent licencier à l'américaine, mais où, en contrepartie, la personne au chômage a un maximum de sécurité, à travers une bonne indemnisation et une formation rémunérée. Pour relancer la croissance, les réformes doivent aussi se faire au plan européen, avec une politique de la concurrence plus adaptée, une Banque centrale européenne qui n'aurait pas pour seul souci l'inflation, mais aussi la croissance et l'emploi, et enfin avec un effort accru en faveur de la recherche et de l'innovation.

Quelle politique alternative proposez-vous pour améliorer la situation des finances ?

Il est impossible de prétendre redresser les finances publiques tant qu'on a un chômage de masse. Le système de protection sociale bâti après la seconde guerre mondiale n'a pas été conçu pour fonctionner dans de telles conditions. La priorité doit donc être à la croissance et à l'emploi. Le chômage n'est pas inéluctable, il dépend de la politique économique - nous l'avons montré entre 1997 et 2000. La croissance mondiale était alors moins forte qu'aujourd'hui. Mais le succès de la politique économique repose pour beaucoup sur la confiance.

Propos recueillis par S. F.

 

 

Les rapprochements entre hôpitaux et cliniques se multiplient

Le Quotidien du médecin 12 mars 2004

Une cinquantaine d'opérations de coopération sont en cours entre des hôpitaux publics et des cliniques privées. Des rapprochements que le ministre de la Santé souhaite encourager dans le cadre des Groupements de coopération de santé (GCS).

APRES AVOIR VECU en concurrence, de plus en plus d'hôpitaux et de cliniques ont appris à collaborer. Cinquante et une opérations de coopérations ont été enregistrées par les plans régionaux d'investissement hospitalier en 2003, pour un financement total estimé à plus d'un milliard d'euros. Le 14 février, lors de l'inauguration du pôle de santé du golfe de Saint-Tropez, issu du rapprochement d'un hôpital public et d'une clinique privée (" Le Quotidien " du 18 février), Jean-François Mattei souhaitait promouvoir les coopérations entre les éternels " ennemis ": " Parce que les établissements ne peuvent plus répondre aux besoins de façon isolée, nous devons œuvrer pour une réelle coopération sanitaire, c'est-à-dire l'action concertée des professionnels des hôpitaux publics et privés, mais aussi des professionnels libéraux afin d'assurer une prise en charge optimale des patients. "

Le ministre a indiqué que les groupements de coopération de santé (GCS) entre établissements de santé publics et privés seraient facilités par l'ordonnance de simplification de l'organisation sanitaire du 4 septembre 2003. Les GCS sont amenés à remplacer toute autre modalité de coopération et devraient raccourcir les délais de rapprochement entre les structures existantes. Alors que le pôle de santé de Saint-Tropez a attendu douze ans pour voir le jour, un dossier devrait maintenant être bouclé en trois à quatre ans.

Des partenariats divers.

Les coopérations des établissements de santé pouvaient jusqu'alors prendre plusieurs formes. A Saint-Tropez, à Saint-Nazaire ou au Cateau-Cambrésis (ci-dessous), hôpital et clinique sont ou seront rassemblés sur un site unique. Mais, le plus souvent, les pôles publics et privés contractent des partenariats entre leurs services.

En 2001, le Chru de Lille et la clinique Lille-Sud ont ainsi créé SOS-Main, un GCS permettant la mise en place d'un plateau technique commun et la constitution d'un pôle de référence régional de formation et de recherche. Dans un mois, l'hôpital d'Avicenne (AP-HP) de Bobigny (Seine-Saint-Denis) ouvrira un centre de radiothérapie géré par Généridis, une filiale cancérologie de la Générale de santé. Il s'agit du premier partenariat de l'AP-HP avec une structure privée. Daniel Bour, président de Générale de santé, groupe leader de l'hospitalisation privée en France et en Europe, se réjouit de la multiplication des partenariats entre les pôles publics et privés : " Dans les petites villes où il n'y a pas de place pour un hôpital et une clinique, les rapprochements répondent à une logique de raison. Les partenaires privés permettent aux hôpitaux de contourner les difficultés d'investissement. "

Les praticiens hospitaliers circonspects.

Les médecins hospitaliers ont pour leur part quelques appréhensions. Le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (Inph), craint que les partenariats publics/privés ne s'effectuent " toujours au détriment du service public ", l'hôpital ayant à accomplir les activités peu rentables dont la clinique ne veut pas. " Si l'hôpital ne s'occupe que des urgences et de la précarité, et la clinique de la chirurgie, on risque de faire fuir les internes... " prévient-elle.

Pour le Dr Pierre Faraggi, président de la Confédération des hôpitaux généraux (CHG), la tarification à l'activité qui se met progressivement en place " va instaurer une logique de production pouvant avoir des effets pervers si l'on ne préserve pas les missions de service public ".

L'importance d'une stratégie commune.

Le Dr Jean-Yves Guedj, coprésident du cabinet de conseils Sanesco, spécialisé dans le domaine de la santé, a suivi une trentaine de projets de partenariats entre établissements de santé. " Les vraies réussites se comptent sur les doigts d'une main. Le rapprochement entre hôpital et clinique ne doit pas être une fin en soi, insiste-t-il. Aujourd'hui, beaucoup sont menés sans stratégie commune, à l'initiative des ARH et sans que les acteurs ne s'impliquent. " Le Dr Guedj est catégorique : " Toute tentative qui ne reposera pas sur un projet médical avancé se soldera par un échec. "

CHRISTOPHE GATTUSO

Le renouveau des GCS

Le Quotidien du médecin 12 mars 2004

Les Groupements de coopération sanitaire (GCS) sont nés avec l'ordonnance du 24 avril 1996. La loi du 4 mars 2002 a étendu le champs d'application de ce mode de coopération très peu employé jusqu'alors. Un groupement de coopération sanitaire peut dorénavant être constitué par deux ou plusieurs établissements de santé publics ou privés. Le GCS réalise et gère, pour le compte de ses membres, des équipements d'intérêt commun, y compris des plateaux techniques tels des blocs opératoires ou des services d'imagerie médicale, ou constitue le cadre d'une organisation commune qui permet l'intervention des professionnels médicaux et non médicaux mis à la disposition du Groupement de coopération sanitaire par ses établissements membres.

Le GCS est une personne morale capable de posséder des autorisations d'équipements lourds, mais il ne peut être employeur, ni réaliser de bénéfices. Il fonctionne sur la base d'une convention constitutive agréée par le directeur de l'ARH.

L'exemple du Cateau-Cambrésis

Le centre hospitalier du Cateau et la clinique des Hêtres ont signé leur traité du Cateau-Cambrésis (Nord). Le 14 décembre 2001, les deux établissements sont officiellement devenus un groupement de coopération de santé. " Les partenaires travaillaient ensemble depuis 1994 et le centre hospitalier (60 lits) savait qu'il ne survivrait pas sans une participation privée ", commente le Dr Martine Lefebvre, chargée de mission à l'agence régionale d'hospitalisation du Nord - Pas-de-Calais.

Le rapprochement des deux établissements, amorcé en 1996 avec le premier schéma régional d'organisation des soins (Sros), devrait aboutir à l'ouverture d'un pôle de santé en septembre 2005. Celui-ci accueillera une unité de proximité d'accueil et de traitement des urgences, un cabinet d'imagerie médicale et un scanner. La clinique, qui sera locataire des murs, conservera la chirurgie. La maîtrise d'ouvrage a été confiée au centre hospitalier mais les surcoûts seront supportés par les trois partenaires selon les conditions définies dans la convention tripartite relative au financement des travaux.

Coût de l'opération : 18,5 millions d'euros, couverts par une subvention du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (1,22 million) et par l'emprunt. " Passer d'un système concurrentiel à une complémentarité demande bien du temps ", souligne le Dr Michel Choteau, orthopédiste et actuel gérant de la clinique des Hêtres. Les fiançailles du centre hospitalier et de la clinique auront duré dix ans.

" Dépasser les clivages "

Selon le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais, Jean-Marie Paulot, le groupement de coopération de santé est promis à un bel avenir dans les régions qui, comme le Nord-Pas-de-Calais, souffrent de pénurie médicale.

Quels sont les avantages du Groupement de coopération sanitaire que le ministère de la Santé souhaite développer pour faciliter les coopérations entre établissements publics et privés ?

Les GCS sont un moyen juridique d'organiser la coopération entre établissements publics et privés. Ce n'est pas un postulat mais un outil, dont le choix doit intervenir à la fin du processus de réflexion sur la nature de la coopération entre l'hôpital public et la clinique privée. Le GCS va plus loin qu'une simple convention. Depuis l'ordonnance de simplification de septembre 2003, il permet à l'hôpital et à la clinique de dépasser leurs clivages en créant par exemple un troisième établissement auquel ils confieront une activité particulière.

La région Nord-Pas-de-Calais est-elle fortement concernée par des groupements de coopération de santé entre hôpitaux et cliniques ?

Les perspectives démographiques étant défavorables dans certains secteurs du Nord-Pas-de-Calais, plusieurs GCS spécifiques à une activité ont déjà vu le jour dans la région. Un GCS de chirurgie cardiaque a été mis en place à Lens, un autre sur la chirurgie de la main, à Lille... En mutualisant les ressources du service des urgences de l'hôpital d'Arras et de la clinique privée de Saint-Pol-sur-Ternoise, nous organisons un réseau d'urgences médicales, de façon à équilibrer la charge de travail des deux établissements.

Des médecins hospitaliers craignent que certaines activités comme la chirurgie ne tombent dans les mains du privé.

Je ne vois pas pourquoi une coopération public-privé devrait avoir ces effets. ll n'est pas question que les établissements publics abandonnent la chirurgie, bien au contraire. Une coopération peut permettre à l'hôpital de développer une activité chirurgicale en bonne intelligence avec les cliniques privées. L'objectif des rapprochements est avant tout d'offrir à la population une complémentarité des soins.

PROPOS RECUEILLIS PAR C. G.

 

Mattei trace son sillon

Le quotidien du médecin 5 mars 2004

En un jour, un seul, le ministre de la Santé a annoncé plusieurs mesures qui témoignent toutes de sa volonté de ne pas s'écarter du chemin qu'il s'est choisi il y a déjà plusieurs mois pour réformer l'hôpital. A deux semaines des régionales, il est tentant de lire aussi dans ces gestes, pour une bonne part financiers, la volonté d'apaiser des hospitaliers dont beaucoup sont inquiets et certains même en colère.

A QUELQUES JOURS d'une nouvelle manifestation des opposants à sa politique hospitalière - ce sera jeudi prochain, à l'appel conjoint de la CGT, FO, Sud et la Cftc côté personnels, de la CHG, l'Inph et l'Amuhf, côté médecins -, le ministre de la Santé ne dévie pas de la voie qu'il s'est tracée pour réformer l'hôpital public.

Mardi, lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, Jean-François Mattei s'est employé à exhorter l'institution à " dépasser (une) morosité " qui trouve, selon lui, sa source dans un bâti et des équipements vétustes, un " carcan budgétaire sous forme d'enveloppe globale ", un " fossé d'incompréhension qui s'est creusé entre les administratifs et les médecins " et une " réduction du temps de travail s'appliquant à des équipes déjà insuffisantes, sans anticipation, sans réorganisation ". Comment sortir de ce marasme ? En appliquant, tout bêtement, explique le ministre, les bonnes recettes d'Hôpital 2007 : la relance de l'investissement (qui permet de rénover le patrimoine), la tarification à l'activité (grâce à laquelle on en finit avec la dotation globale), la nouvelle " gouvernance " (qui met un terme à une organisation interne des établissements sclérosante). Le message est clair.

Pour l'hôpital, le chemin choisi par le gouvernement est le bon, il faut donc le suivre. Preuve de sa détermination à garder le cap, le ministre vient, en un jour, un seul, de sortir de son chapeau plusieurs éléments.

• Une circulaire sur la mise en place de la nouvelle gouvernance : Jean-François Mattei procède là - la circulaire envoyée aux préfets, aux directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et aux directeurs d'hôpital le précise - " par anticipation ". En effet, il est prévu que la future organisation interne de l'hôpital commence à entrer en vigueur (des dispositions législatives doivent être prises d'ici là) au cours de l'année 2004 ; elle sera effective le 1er janvier 2007 au plus tard. Mais le ministre n'attend pas pour enclencher sa machine " gouvernance ". Une expérimentation est lancée dans " 100 établissements ", tous volontaires, qui représentent 45 % des CHU, 15 % des centres hospitaliers et 12 % des centres hospitaliers spécialisés. A ses relais régionaux comme aux directeurs d'hôpital, le ministre rappelle dans sa circulaire que " l'économie générale de la réforme repose sur la rénovation des instances " (conseil d'administration, nouveau conseil exécutif, commission médicale d'établissement - CME - et comité technique d'établissement, commission des soins infirmiers...) et que l'objet de la gouvernance est également de " simplifier l'organisation interne et les procédures " (via, entre autres, l'organisation en pôles d'activité dont les responsables contractualisent avec le directeur et le président de CME). Il insiste : " L'analyse de (la) réussite et des obstacles rencontrés (par les hôpitaux expérimentateurs) " va être " essentielle " pour la bonne marche de la réforme. Résolument optimiste alors que, rappelons-le, de nombreuses organisations syndicales ont refusé de signer le relevé de conclusions que leur soumettait le ministre sur la nouvelle gouvernance, Jean-François Mattei se réjouit dans un communiqué de l'afflux d'établissements candidats au test. Il en voulait 50, il s'en est présenté 100, rapporte-t-il, ajoutant que " ce succès indéniable témoigne de l'extrême intérêt suscité dans les établissements par (ce projet) et de la motivation des directeurs et des présidents de CME à faire évoluer l'organisation interne de l'hôpital ".

• 150 millions d'euros pour le " plan Urgences " : chose promise, chose due, semble dire le ministre. A l'Assemblée nationale toujours, Jean-François Mattei a annoncé que les crédits pour l'année 2004 de son plan de rénovation des urgences hospitalières - 150 millions d'euros, comme c'était initialement prévu - avaient " été débloqués il y a quinze jours ", précisant que les ARH étaient " en train de les distribuer ". Elaboré à la fin de l'été dernier, en réponse à la catastrophe sanitaire de la canicule, le plan Urgences est un ballon d'oxygène : il prévoit de consacrer 480 millions d'euros sur cinq ans à la création de 10 000 postes (dont 900 postes de médecin) et à l'ouverture de 15 000 lits de soins de suite. " Il y aura les moyens nécessaires pour que les urgences retrouvent leur place ", martèle aujourd'hui le ministre.

• 400 millions d'euros pour financer la RTT en 2004 : depuis son arrivée Avenue de Ségur, Jean-François Mattei a toujours présenté les 35 heures à l'hôpital comme une calamité héritée des socialistes et avec laquelle il fallait bien qu'il compose. Après avoir légèrement assoupli le dispositif au tout début de 2003, il tient aujourd'hui un engagement pris alors en annonçant la première tranche de financement (un peu plus d'un milliard d'euros sont au total prévus) des jours du compte épargne temps (CET). Il calme, ce faisant, une inquiétude des agents et des médecins, dont beaucoup redoutaient de se faire " berner " en thésaurisant des RTT dont ils doutaient jusqu'à présent de pouvoir disposer un jour. Le dossier est technique. Depuis 2002, les hospitaliers peuvent épargner des RTT. Ils doivent le faire pendant au moins deux ans et avoir accumulé au moins vingt jours avant de pouvoir vider un compte qu'ils ont dix ans pour écluser. 2004 est donc la première année où les CET vont avoir des répercussions pour les hôpitaux, agents et médecins pouvant commencer à poser les jours ainsi accumulés, ce qui va nécessiter de les remplacer. L'enveloppe de 400 millions d'euros débloquée par le ministre couvre en théorie la totalité des jours épargnés à l'hôpital public.

Cent cinquante millions d'euros dans une main, 400 millions dans l'autre... même s'il honore des promesses, Jean-François Mattei le fait, difficile de ne pas le remarquer, deux semaines avant les élections régionales. Alors que beaucoup d'hospitaliers restent à convaincre du bien-fondé de ses choix politiques.

> KARINE PIGANEAU

 

Les chefs de service de l'AP-HP de plus en plus inquiets

Le quotidien du médecin 5 mars 2004

Vingt-six chefs de service de l'AP-HP menacent de démissionner collectivement de leur fonction de coordonnateur si les 50 postes d'interne qui seront supprimés en avril en Ile-de-France ne sont pas rouverts en novembre

LE Pr ANDRÉ GRIMALDI, chef du service de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière, n'a pas accepté la suppression programmée en avril de 50 postes d'interne en Ile-de-France (" le Quotidien " du 18 février 2004).

Une décision adoptée en février par la commission de répartition réunie sous l'égide de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) et à laquelle siégeaient des représentants des doyens, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de l'Union hospitalière d'Ile-de-France (Uhrif) et des internes. Avec vingt-cinq autres chefs de service de l'AP-HP responsables de la formation des internes dont il est le porte-parole, le Pr Grimaldi a demandé aux ministres de la Santé et de l'Education nationale de prendre une mesure urgente et exceptionnelle pour que ces postes d'interne puissent être remis au choix des étudiants en novembre 2004. " Si cette mesure n'était pas adoptée, nous donnerions notre démission collective de nos fonctions de coordonnation ", préviennent-ils dans une lettre adressée le 24 février à Jean-François Mattei et à Luc Ferry.

En clair, les chefs de service menacent de se détacher de leur responsabilité de formation des internes.

Depuis plusieurs mois, le Pr Grimaldi alerte l'opinion sur la " pénurie absolue " de médecins et d'internes que rencontrent les hôpitaux parisiens. En octobre, dans une missive adressée à Jean-François Mattei et signée par 185 professeurs de médecine de l'AP-HP, le diabétologue s'inquiétait des effets de la baisse du numerus clausus au milieu des années 1990 : " En dix ans, le nombre d'internes parisiens a chuté de 50 %. " Aussi cette nouvelle diminution de 7 % du nombre de postes d'interne en Ile-de-France est, selon lui, " inadmissible ". Toutes les spécialités sont amputées de quelques postes : la radiologie perd six postes, la cardiologie cinq, la pédiatrie quatre. " Ce n'est pas seulement un mauvais moment à passer comme on nous l'a annoncé, insiste le Pr Grimaldi. La situation est grave et est très mal vécue par les chefs de service de l'AP-HP. Si le service public n'est pas mieux défendu, certains iront au bout de leur raisonnement et démissionneront. "

Le soutien des internes

Le syndicat des internes des hôpitaux de Paris (Sihp) a indiqué qu'il soutenait les signataires de la lettre. Pour son vice-président, Thomas Gregory, cette " fermeture aveugle de postes " ne se justifie en rien et s'effectue au mépris des contraintes de fonctionnement des services concernés. " Dans un service de 70 lits qui compte 4 internes, le départ de l'un d'eux aura des répercussions évidentes sur le travail des autres ", souligne-t-il. Le Sihp craint également que les postes fermés ne soient pas rouverts et que les budgets qui leur étaient attribués ne s'évanouissent à jamais. " La Drass et l'administration de l'AP-HP n'ont pas anticipé l'augmentation du nombre de postes ouverts en novembre prochain, regrette Thomas Gregory. Cette vision économique à court terme risque fort de sacrifier la qualité des soins. "

Les chefs de service espèrent être rapidement entendus. Le Pr Grimaldi a indiqué qu'il serait reçu par le ministère de l'Rducation le 19 mars, mais il est toujours sans réponse du ministère de la Santé.

CHRISTOPHE GATTUSO

 

Réforme de l'assurance-maladie

Le Haut Conseil fixe sa feuille de route jusqu'à la fin de 2004

Le quotidien du médecin 5 mars 2004

LE HAUT CONSEIL pour l'avenir de l'assurance-maladie a repris du service pour se fixer " un programme de travail indicatif jusqu'à la fin de 2004 ", avec des réunions plénières selon un rythme mensuel (le quatrième jeudi de chaque mois, sauf juillet et août).

Dans une note transmise à ses 53 membres, le Haut Conseil se propose en effet " d'aborder, d'ici à la fin de l'année, quatre ou cinq thèmes majeurs qui prolongent ou approfondissent le constat dressé dans (son) rapport du 22 janvier ".

Le premier thème (qui devrait aboutir à un nouveau document à la fin mai ou en juin) a été commandé par le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, le 9 février, lors du Ségur de la santé : il s'agit de la coordination des objectifs et des dépenses respectifs de l'assurance-maladie et des programmes de santé publique (en prévention et en éducation sanitaire). D'où l'audition hier par le Haut Conseil du directeur général de la Santé, William Dab.

A partir de la fin mars et jusqu'en septembre, le Haut Conseil devrait travailler sur une " analyse comparée des coûts de production en univers hospitalier (public et privé) ", un thème qui devrait intéresser au plus haut point les médecins libéraux exerçant en clinique. " Sur ce point très débattu ", cette instance rappelle qu'il est " avant tout urgent de sortir de la confusion et des incertitudes purement méthodologiques ".

Avant son prochain rapport annuel prévu courant 2005, le Haut Conseil envisage de traiter encore deux ou trois sujets parmi les thèmes suivants : en priorité, " la prise en charge coordonnée des pathologies lourdes ou des polypathologies " et " la mise en place généralisée du dossier médical partagé ", puis " la diversité et l'impact des couvertures complémentaires ", " les modalités de diffusion des bonnes pratiques cliniques (diagnostic, soins, prescriptions) en ville et à l'hôpital ", " l'impact du progrès technique sur la dynamique de la dépense ", " les perspectives de la prise en charge du médicament " ou encore " les comportements de consommation de soins en fonction de l'étendue et des modalités de prise en charge ".

Haute autorité.

En plus, le Haut Conseil n'exclut pas de mener des études ponctuelles, par exemple sur la disparité des comportements de consommation de soins et les phénomènes de concentration des dépenses (ALD...).

En parallèle, les représentants des centrales syndicales (Cfdt, Cftc, CGC, CGT, FO, Unsa) et de la Mutualité, qui siègent au Haut Conseil, continuent de se réunir régulièrement en marge de cette instance. Lors de leur dernière rencontre consacrée à la gouvernance, il a été beaucoup question, selon un participant, d'une " Haute Autorité qui chapeauterait toutes les caisses d'assurance-maladie ", comme le propose la Mutualité française.

AGNÈS BOURGUIGNON

 

Rencontres syndicales

La Csmf et FO pour un retour à la maîtrise médicalisée

Le quotidien du médecin 5 mars 2004

APRES LA MUTUALITÉ française, c'est au tour de Force ouvrière de signer une déclaration commune avec la première centrale syndicale de médecins libéraux, la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), sur la réforme de l'assurance-maladie. La Csmf et FO s'étaient déjà associées en 2001 (avec les syndicats médicaux SML et FMF, la CFE-CGC, la Cftc et la CGT), dans le cadre du G7, en faveur d'une " maîtrise médicalisée et concertée des dépenses de santé ".

A l'issue d'une rencontre entre le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, et Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, les deux organisations rappellent " leur attachement " à un système de santé solidaire préservant " l'égalité d'accès aux soins et un haut niveau de couverture sociale ". Selon la Csmf et FO, il est " nécessaire de rebâtir un système conventionnel pour éviter tout processus d'étatisation ou de privatisation, en redéfinissant notamment les champs de compétence des caisses d'assurance-maladie et de l'Etat ", avec une " clarification des engagements financiers " de ce dernier.

Comme on pouvait s'y attendre, les deux syndicats rappellent leur opposition à la maîtrise comptable des dépenses de santé, et proposent en échange " une réelle maîtrise médicalisée ", comme celle qui avait été entreprise par la convention de 1993, à l'époque où Jean-Claude Mallet, de FO, présidait la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam).

FO et la CSMF " proposent notamment de rétablir une convention unique et nationale complétée par des volets spécifiques pour les modes d'exercice ou les disciplines, où les actes médicaux (des médecins de famille et spécialistes) sont rémunérés à leur juste valeur avec toutes les garanties de qualité ".

Les deux organisations préviennent enfin qu'elles " entendent faire valoir leurs positions respectives dans le cadre des discussions engagées par le gouvernement ".

> A. B.

 

Le projet de loi de décentralisation devant les députés

Les régions pourront participer au financement des équipements lourds

Le quotidien du médecin 5 mars 2004

Au terme d'un débat qui a opposé sans surprise la droite et la gauche, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi l'article 54 du projet de loi relatif aux responsabilités médicales et qui permet aux régions de participer au financement des équipements lourds.

" VOUS SACRIFIEZ LA COHESION sociale et économique de la nation " : député communiste des Bouches-du-Rhône, Michel Vaxès, n'a pas épargné le ministre délégué aux Libertés locales, Patrick Devedjian, qui défendait, devant les élus du Palais-Bourbon, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, c'est-à-dire de décentralisation, déjà adopté en première lecture par le Sénat. Un texte qui tombe à pic, à quelques semaines des élections régionales.

On sait que cet " acte II de la décentralisation ", comme l'appelle le gouvernement, concerne peu la santé, puisque ne sont prévues que des possibilités d'expérimentation dans ce domaine.

Mais ces éventualités prévues par le projet de loi ont provoqué le courroux de Michel Vaxès, comme de nombreux parlementaires de l'opposition.

En effet selon l'article 54 de ce projet, " les agences régionales de l'hospitalisation (...) peuvent conclure avec la région,(...)des conventions fixant les modalités de la participation volontaire de la région au financement d'équipements sanitaires ". Equipements qui seront surtout des équipements lourds, a tenu à préciser le le ministre.

Il n'en demeure pas moins, lui a répondu le député socialiste de Paris, Jean-Marie Le Guen, que ce texte " visant à restructurer les responsabilités respectives de l'Etat et des régions collectivités en matière de santé est symbolique de la volonté de l'Etat de se défausser sur les collectivités locales ".

Des inégalités ?

L'opposition, et le Parti socialiste en particulier, craignent que l'article 54 ne permette à l'Etat de faire quelques économies substantielles concernant le financement des équipements lourds au détriment des régions qui seront contraintes, ou incitées par leur population, à financer de plus en plus ces équipements.

D'autant que cela peut aussi créer certains inégalités entre régions : les plus riches pourront participer plus fortement et plus souvent à ce financement que d'autres.

Mais, a répondu le ministre, il ne s'agit que d'expérimentations forcément limitées dans le temps, quatre ans, et il sera important alors d'en tirer les conclusions après évaluation. " Je ferai observer, a rétorqué M. Devedjian, qu'il s'agit d'une expérimentation qui comporte in fine une évaluation. "

Mais pour Jean-Marie Le Guen, ce texte transfère aux collectivités des responsabilités dont la compétence est aujourd'hui partagée entre les assurances sociales et l'Etat. " Ce n'est qu'une expérimentation ", lui a redit le ministre. Mais d'expérimental, le financement des équipements lourds risque bien de devenir un élément structurant de l'équipement sanitaire du pays, craignent un certain nombre de parlementaires de l'opposition.

Selon le texte voté par les députés, les régions qui voudront expérimenter ce système de financement des équipements lourds signeront avec le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation des conventions " dont la durée ne peut être inférieure à trois ans ni supérieure à cinq ans " . En contrepartie, des représentants du Conseil régional siégeront, avec voie délibérative, au sein de la commission exécutive de l'ARH, en nombre égal avec ceux de l'Etat et de l'assurance-maladie. Ce qui, pour le gouvernement, est un gage important donné à la région.

 

L'ordonnance sur les "partenariats public-privé" va révolutionner les grands projets
Nicolas Daniels et Aude Sérès

Le Figaro 3 mars 2004


Verra-t-on bientôt à côté de la porte d'entrée des prisons des plaques mentionnant que l'établissement est géré par Vinci, Eiffage ou Bouygues en partenariat avec le groupe hôtelier Accor ? Ou sur la coque des frégates de la Marine nationale le sigle des banques qui les ont financées ? Ou encore, pourquoi pas, des encarts dans les journaux municipaux rappelant que l'éclairage public est apporté par Suez ? Bien sûr, la participation d'opérateurs privés dans la construction d'équipements publics sera plus discrète que cela. Il n'empêche, le mouvement est enclenché. Le gouvernement a déjà publié les textes qui vont lui permettre d'associer le secteur privé à la construction et à la gestion des prisons et hôpitaux. En avril, le dispositif sera complété par une ordonnance qui va étendre le champ des "partenariats public-privé" (PPP).


Une petite révolution est donc en marche, sous l'effet d'une double contrainte. Il s'agit en effet de développer une politique ambitieuse d'infrastructures alors que les caisses de l'Etat sont vides. "Sont concernés tous les besoins collectifs qui ne sont pas financés par l'usager et pour lesquels il n'y a pas assez de fonds publics disponibles à court terme", résume Philippe Delelis, associé chez Denton Wilde Sapte. L'Etat pourra par exemple faire appel à des fonds privés pour l'assister dans ses missions régaliennes : construire des prisons, des commissariats ou des équipements pour la justice. De même, alors que la Sécurité sociale n'en finit plus de creuser ses déficits, le secteur public pourra faire gérer les hôpitaux par le privé. Les collectivités locales sont aussi concernées. Elles pourront développer des PPP pour le traitement des déchets ménagers, l'éclairage communal, le logement du personnel municipal, etc.


Le fonctionnement est relativement simple. L'opérateur privé crée une structure ad hoc faiblement capitalisée (de l'ordre de 10% de fonds propres). Cette entité s'endette. Et l'argent recueilli sert à financer l'infrastructure. Cette dernière est ensuite gérée par le partenaire industriel en contrepartie d'un paiement du partenaire public étalé sur la durée du contrat.

Il s'agit d'une tendance de fond en Europe puisque tous les Etats impécunieux réfléchissent à ce type de montage. Mais jusqu'à présent seule la Grande-Bretagne affiche une véritable expérience en ce domaine. L'an dernier, les investissements privés dans des équipements publics se sont élevés outre-Manche à 8 milliards de livres. BNP Paribas a ainsi participé au financement de l'hôpital de Derby d'une capacité de 1 150 lits. Bruxelles, de son côté, a prévu de publier un livre vert sur le sujet courant 2004.


Déjà, les industriels se frottent les mains. Le retour sur fonds propres attendu pour ce type d'opération est estimé entre 10% et 20%. "Les PPP vont permettre d'accroître sensiblement l'investissement et de créer de la valeur pour tous, le public et le privé", explique Henri Stouff, président de Vinci construction grands projets. "Les PPP permettent d'instiller la gestion privée dans le domaine public", ajoute Xavier Blandin, banquier conseil chez BNP Paribas. Enfin, et ce n'est pas le moindre de leurs mérites, les PPP permettent au public de transférer la dette au privé. C'est même l'un des critères déterminant dans les montages demandés aux banquiers.


Alors les PPP, une solution miracle ? Evidemment non. D'abord, parce qu'il s'agit malgré tout d'un engagement financier à long terme pour le partenaire public. Le spectre du surendettement ne disparaît donc pas par enchantement. Au contraire, "la formule rigidifie la dépense publique", souligne Philippe Delelis. Ensuite, parce que le Conseil constitutionnel a émis de sérieuses réserves d'interprétation qui ont été reprises par le projet d'ordonnance. "Du coup, les PPP seront fragilisés car les acteurs qui souhaiteront faire appel à cette formule innovante devront au préalable justifier qu'ils respectent ces réserves. Compte tenu de la sensibilité politique du recours aux PPP, un contentieux quasi systématique risque de surgir, qui sera difficilement maîtrisable, s'agissant de conditions somme toute assez subjectives", observe David Préat, associé chez Clifford Chance.


Mais, au moins, ce nouveau contrat devrait permettre de clarifier des montages qui, auparavant, restaient financièrement opaques ou volontairement complexes pour se libérer de la réglementation des marchés publics. En témoigne, par exemple, la construction de l'hôtel de police de Strasbourg géré par Icade, filiale immobilière de la Caisse des dépôts. "Le montage reposait sur une autorisation d'occupation temporaire combinée avec un bail de location, une structure juridique relativement complexe", reconnaît François Jouven, directeur des financements décentralisés à la Caisse des dépôts et consignations. En clair, une autorisation d'occuper le domaine public est accordée à un groupe d'investisseurs privés qui conçoit, construit et assure l'entretien du bâtiment sur ce terrain.


De même, le financement du métro de Toulouse a été inspiré de la concession, avec un loyer étalé sur plusieurs années, alors que les paiements par les usagers sont relativement faibles. "Plus complexes encore, les montages d'incinération d'ordures ménagères reposent sur la combinaison de quatre contrats différents, dont un bail emphytéotique administratif, une délégation de service public, un crédit-bail de construction et une convention tripartite de financement", explique Patrick Vandevoorde, de la CDC.


L'arrivée des PPP devrait donc harmoniser les pratiques. Reste à savoir comment les acteurs concernés vont se saisir de ce nouvel instrument. "Nous innovons ; par conséquent personne ne sait précisément par qui les PPP seront utilisés", reconnaît-on au ministère de l'Equipement. Sans doute par ceux, comme dit la publicité, qui veulent profiter maintenant et payer plus tard...