revue de presse

janvier 2004

 

 

 

Assurance-maladie : Le Medef s'interroge

Le Figaro 31 janvier 2004

Le mérite vanté du rapport du Haut Conseil de la réforme de l'assurance-maladie serait, selon son président Bertrand Fragonard, de poser "une base commune de travail à laquelle doit s'adosser la négociation".

Sur le fond, peu de surprises : le système coûte cher pour une qualité erratique. Le diagnostic sur sa gestion rejoint celui de la Cour des comptes en 2001 : "Tout tend à rendre la situation incompréhensible." Si rien n'est fait, le déficit atteindra 70 milliards d'euros en 2020. Mais les partenaires sociaux se sentent-ils aussi "engagés par ce travail" que le disent Bertrand Fragonard et Jean-François Mattei ?

Les premières négociations s'ouvrent le 9 février. Les marges de manoeuvre sont ténues et doivent tenir compte des professionnels. Les discussions sur l'hôpital, déjà entamées, l'illustrent : entre revendications statutaires des praticiens hospitaliers et pétitions de mandarins dénonçant les corporatismes, le corps médical réclame toujours plus sans être prêt à beaucoup de concessions. Ainsi, le problème de la répartition des médecins sur le territoire n'est que timidement envisagé, les solutions coercitives étant rejetées d'avance.

Du côté des partenaires sociaux, alors que la gouvernance du système s'affirme comme une question majeure, la grande inconnue réside du côté du Medef. Guillaume Sarkozy, son représentant au sein du Haut Conseil, vient d'indiquer qu'un éventuel retour de l'organisation patronale dans les organes de gestion de la Sécurité sociale ne concernerait que "les accidents du travail ou les maladies professionnelles". Il faut dire que les propositions du Medef sont systématiquement clouées au pilori par la gauche et par... la droite. Ce fut le cas en novembre 2002, lorsqu'il proposa l'instauration d'un panier de soins, solution aujourd'hui retenue. Même schéma en décembre 2003, contre les treize propositions de réforme imaginées par le banquier Daniel Bouton. Parmi celles-ci, l'instauration d'une franchise sur les médicaments ou le plafonnement des remboursements pour réguler la consommation médicale. Des solutions adoptées en Allemagne, mais rejetées a priori par les Français comme l'indiquait le récent sondage du Fig Mag sur les tabous : 83% des Français sont opposés à l'idée de payer davantage pour les soins reçus. Nul n'est prophète en son pays.

 

 

Francis Mer et la CSG

Le Figaro 31/01/2004


Francis Mer a craqué. Le ministre de l'Economie dit tout haut, dans un entretien sur Radio classique qui doit être diffusé ce matin, ce dont tous les experts sont convaincus : pour "terminer" la réforme de l'assurance-maladie, une hausse de la CSG n'est pas exclue. "La CSG est un impôt, un prélèvement, et peut-être qu'à la fin des temps, après avoir remis tout en place et tout réorganisé, nous constaterons ensemble qu'il faut boucher un trou supplémentaire, explique le ministre. Ce sera simplement un complément, pour terminer une opération, et non pas la commencer."


Les chiffres sont en effet sans appel. Même si la réforme permettait d'inverser la tendance en cours depuis vingt ans, où les dépenses augmentent de 2 points de plus que les recettes, et de revenir à l'équilibre en 2007, la dette accumulée par le système d'assurance-maladie atteindrait 80 mil liards d'euros en 2010 : "Il faudra bien trouver une réponse pour traiter ce solde", souligne le rapport du Haut Conseil "adopté par consensus" par l'ensemble des partenaires sociaux il y a juste une semaine. La priorité catégorique, relève ce rapport, c'est de réorganiser le fonctionnement du système de soins par une action méthodique et résolue pour en améliorer le rapport qualité-prix. La seconde, c'est d'accepter de "faire des choix" et d'opérer un tri dans les remboursements, de façon à responsabiliser les acteurs et à modifier leur comportement. Mais, ajoute le Haut Conseil, on "ne peut formellement exclure" que, malgré les réformes, les dépenses de santé ne maintiennent "dans la longue durée une tendance de croissance un peu plus rapide que celle de la richesse nationale".

Rejetant le recours systématique à l'endettement, le Haut Conseil considère que la CSG, "par son assiette large et le principe de proportionnalité qui la sous-tend, est apparue jusqu'à présent comme une réponse". Manifestement Francis Mer fait sienne cette analyse. Il n'en dit pas plus puisque, pour le gouvernement comme pour le Haut Conseil, ce n'est pas par là qu'il faut commencer la réforme. Il ne servirait en effet à rien d'abonder un système qui fuit de toutes parts. La priorité, c'est d'abord de maîtriser les dépenses, le ministre y a insisté, pour qu'elles n'augmentent que de 4 % par an (c'est-à-dire 2,5 % en volume, comme le PIB): un objectif ambitieux puisqu'en 2003 la hausse a encore dépassé 6,5 %.

Le ministre de la Santé réunit partenaires sociaux et représentants des professions de santé le 9 février pour lancer la concertation en groupes de travail. Et début avril le gouvernement proposera un premier texte dévoilant ses pistes. La réforme, Francis Mer l'a rappelé, doit être examinée en juin ou juillet par l'Assemblée, comme l'a indiqué le chef de l'Etat, et comme Bercy en a donné l'assurance à Bruxelles. Le déséquilibre de l'assurance-maladie pèse en effet lourd dans les déficits publics dont Bruxelles doute qu'ils puissent, comme le prévoit Paris, revenir sous la barre des 3 % en 2005. D'où la détermination affichée par Francis Mer. On retiendra aussi des propos du ministre son souhait de voir le patronat se réinvestir dans la gestion abandonnée il y a deux ans de l'assurance-maladie: "Je pense personnellement que ce système doit être géré par les partenaires sociaux", a-t-il confié. C'est aussi le vœu des syndicats qui craignent l'étatisation du système. Mais Ernest-Antoine Seillière, qui dit avoir "l'unanimité du conseil exécutif du Medef", considère que la restauration pure et simple de ce paritarisme à l'ancienne n'a aucun sens.

 

 

 

Le sombre tableau de l'Ordre à l'horizon 2008-2010

Le quotidien du médecin 30 janvier 2004

Dans son rapport annuel, l'Ordre national des médecins signale que les médecins, déjà inégalement répartis sur le territoire et par spécialité, manqueront dans quatre à six ans, d'autant qu'ils tendent à diminuer leur activité.

 

EN FRANCE, LES MEDECINS généralistes se sont fait une place au soleil.
Le dernier rapport annuel du Conseil national de l'Ordre des médecins sur la démographie médicale (au 1er janvier 2003) le confirme : l'opposition Nord/Sud (Ile-de-France mise à part), qui caractérise la répartition géographique des 206 466 médecins en activité, est " très nette " en ce qui concerne les omnipraticiens, tandis que les spécialistes se concentrent surtout " dans les départements sièges des CHU ".
Les 105 392 omnipraticiens métropolitains recensés à la fin de 2002, qui représentent la moitié du corps médical (52 %), sont très inégalement répartis au niveau régional, départemental et même cantonal. La Provence-Alpes-Côte d'Azur a une densité de généralistes " une fois et demie supérieure " à celle du Centre, selon l'Ordre.

Dans les départements, si la densité moyenne d'omnipraticiens actifs s'élève à 171 pour 100 000 habitants, elle grimpe à 337 à Paris (où un grand nombre pratique une médecine à exercice particulier ou MEP) et à 336 en Guyane. La densité des généralistes se situe bien au-dessus de la moyenne nationale, entre 209 et 239 praticiens pour 100 000 habitants dans quelques départements : Haute-Vienne, Hauts-de-Seine, Gironde, Haute-Garonne, Corse-du-Sud et les départements de la frontière sud de la France. Hormis trois départements d'outre-mer (la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe avec respectivement 43, 53 et 122 praticiens pour 100 000 habitants), les plus faibles densités de généralistes sont enregistrées dans l'Ain (129), l'Eure (130), la Meuse (131), la Mayenne (132), l'Aube (135), le Cher, la Sarthe (137), la Saône-et-Loire et l'Eure-et-Loir (139).

" Ces disparités tiennent avant tout à la liberté de choix du lieu d'installation des médecins, rappelle l'étude de l'Ordre, dans un contexte où les outils de régulation disponibles (numerus clausus et concours de l'internat) portent sur les effectifs globaux et ne permettent pas d'assurer une répartition homogène des médecins sur le territoire. "

Conditions de vie plutôt que réussite financière.

Pour remédier aux disparités géographiques de la démographie médicale et des généralistes en particulier, le rapport Descours a suggéré l'an dernier diverses mesures incitatives dont certaines ont été reprises dans le projet de loi Gaymard en discussion à l'Assemblée (voir ci-dessous). Mais l'institution ordinale ne considère pas les mesures financières comme la panacée. Elle rappelle que son précédent état des lieux montrait que " le choix du canton d'installation portait plus sur les conditions de vie et le niveau d'équipement (distance d'accès aux services : école...), les contextes démographique (croissance démographique) et socio-économique (chômage, revenu...) que sur des raisons purement financières (le revenu espéré par le médecin) ; les médecins exerçant dans les cantons moins attractifs ayant des honoraires supérieurs aux autres ". Un constat confirmé par un travail de synthèse récent de l'Ocde, qui révèle que les incitations économiques " jouent un rôle plus faible " que la nationalité et la région d'origine du médecin, son sexe, sa spécialité et son lieu de stage, ainsi que ses conditions de vie et d'exercice.
Enfin, souligne l'Ordre, " une étude du Centre de sociologie et de démographie médicale (Cssdm a mis en avant le fait que, la question du seuil financier à partir duquel l'incitation peut jouer reste floue, alors que le danger de l'effet d'aubaine demeure important ".

Par ailleurs, l'Ordre martèle une fois de plus, dans son introduction, que le numerus clausus (nombre d'étudiants admis en 2e année de médecine) devrait être " réévalué entre 7 000 et 8 000 ", alors que le gouvernement l'a relevé à 5 550 seulement en 2004 (+ 9 %). Il redoute qu'on creuse " le déficit déjà important qui va se manifester à partir des années 2008-2010 " (et dès maintenant dans certaines spécialités), compte tenu des 10 à 14 années nécessaires à la formation initiale. L'Ordre tire la sonnette d'alarme car " la diminution du "potentiel de production de soins" risque d'être plus que proportionnelle à la diminution des effectifs du fait, d'une part, de la féminisation et du vieillissement de la profession médicale et de la tendance à la réduction du temps de travail, et d'autre part, de l'accroissement de la demande potentielle de soins corrélativement au vieillissement de la population ".
Enfin, l'Ordre estime que les pouvoirs publics doivent tenir compte, pour fixer le numerus clausus, des étudiants qui ne terminent pas leurs études, de l'aspiration d'une partie des médecins à se reconvertir à la médecine salariée, et du phénomène de cessation d'activité temporaire ou définitive avant l'âge de la retraite. Autant de problèmes que les transferts de compétences vers des professionnels non médecins ne sauraient compenser, selon lui.

AGNÈS BOURGUIGNON

 

206 466 médecins actifs

Au 1er janvier 2003, l'Ordre a recensé 206 466 médecins actifs en France (dont 201 354 en métropole, en hausse de 1,3 % par rapport à 2002) et 34 772 retraités. En métropole, 52 % des actifs sont généralistes, contre 48 % de spécialistes.

• Modes d'exercice : libéral (54 %), salarié exclusif (38 %) et mixte (8 %).

• Densité : 327 praticiens libéraux pour 100 000 habitants (environ 171 pour les généralistes et 155 pour les spécialistes).
• Age moyen : 47 ans (44,9 pour les femmes et 48,3 pour les hommes), tous médecins confondus, et 34,1 au moment de leur inscription au tableau de l'Ordre.

• Féminisation : encore faible au total (37,9 %), le taux de femmes croît dans les classes d'âges jeunes (56,4 % des moins de 35 ans et 64 % des étudiants de première année). Selon une étude de la Drees (ministère), elles travaillent environ 6 heures de moins par semaine que les hommes.

 

Indemnités d'études pour ceux qui s'installeront en zone déficitaire ?

Le quotidien du médecin 30 janvier 2004

En discussion à l'Assemblée, le projet de loi rurale du ministre de l'Agriculture a été complété par trois amendements du gouvernement prévoyant notamment des " indemnités d'études " pour les étudiants s'engageant à exercer ultérieurement au moins cinq ans en zone déficitaire.

DISCUTÉE PAR L'ASSEMBLÉE nationale, la loi rurale concoctée par Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture et des Affaires rurales, prévoit notamment dans son article 38 de faciliter l'installation et le maintien des médecins libéraux dans les zones rurales sous-médicalisées (" le Quotidien " du 27 janvier 2004). L'article 38 du texte prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien des professionnels de santé dans des zones dans lesquelles est constaté un déficit en matière d'offre de soins.


Mais, surtout, les députés ont voté trois amendements proposés par le gouvernement. Le premier propose d'accorder des indemnités de logement et de transport aux étudiants en médecine effectuant leur stage de 3e cycle dans une zone médicalement déficitaire ; le deuxième propose une indemnité d'étude à partir de la première année du troisième cycle si l'étudiant s'engage à exercer au moins cinq ans en tant que généraliste dans ces mêmes zones déficitaires ; le troisième propose des financements pour les structures participant à la permanence des soins, notamment pour les maisons médicales.


Les trois amendements précisent que ces aides sont du ressort des collectivités territoriales et de leurs groupements, et que leur montant et leurs conditions d'attribution seront fixés ultérieurement par décret. Et c'est bien là que le bât blesse : si Jean-François Mattei s'est félicité de ces mesures, en assurant que le gouvernement était en train de " reconstruire la permanence des soins ", des voix se sont élevées à gauche, à l'UDF et même chez certains UMP. " De nouveaux droits sans nouveaux moyens, c'est un pousse-au-crime ", a estimé François Brottes (PS), tandis qu'Augustin Bonrepaux, autre député socialiste, jugeait " inacceptable que ce soient les collectivités et non plus l'Etat qui assurent l'égal accès aux soins ". Cependant que des députés UDF et UMP craignaient que les communes et les collectivités territoriales n'aient pas les moyens financiers de mettre en œuvre ces mesures.


Du côté des médecins, on ne boude pas son plaisir, et la tonalité générale est que le gouvernement prend enfin la mesure de l'urgence. Pour le Dr Pierre Costes, président de MG-France, le vote de ces trois amendements est le signe que " le sujet de la présence des médecins en santé primaire auprès de l'ensemble de la population devient une préoccupation nationale, c'est positif ". Mais Pierre Costes regrette que ces dispositions ne concernent que les zones rurales et non les zones suburbaines " où le problème est tout aussi aigu ". De même, il regrette l'insuffisance de ces mesures : " C'est très bien de prévoir des aides pour l'installation ou pour les stages, mais des mesures doivent aussi être prises pour les cabinets déjà existants, ainsi que pour favoriser l'emploi de personnel par les cabinets médicaux. "

De son côté, Michel Combier, président de l'Unof, estime que " ces mesures, qui en valent d'autres, sont insuffisantes, et mènent à une logique progressive d'obligation d'installation ". Enfin, au Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg), la secrétaire générale, Sophie Rachou, est plus que sceptique : " Les mesures d'incitation à l'installation, on les attend depuis Kouchner. " Sophie Rachou regrette que tous les aspects importants des amendements soient renvoyés à des décrets ultérieurs, et s'inquiète : " Avec ces mesures, on est en train de préparer un conventionnement sélectif ; le rapport Descours sur la démographie médicale était beaucoup plus intéressant que ces amendements, il proposait plein d'idées qui n'ont pas été utilisées. "

HENRI DE SAINT ROMAN



Réforme de l'assurance-maladie

Après le consensus fragile, le temps des choix périlleux

Le quotidien du médecin 27 janvier 204

Améliorer le fonctionnement du système de soins, éprouver la " qualité " et l'" utilité " de ce qui est remboursé, promouvoir l'évaluation et l'accréditation à tous les étages... : loin d'un colmatage financier, c'est une réforme de structure que suggère le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie. Jean-François Mattei, qui s'est félicité de ce consensus, doit maintenant entrer dans le vif du sujet. La phase de concertation sur la réforme s'annonce autrement plus délicate.

" REMETTRE de l'ordre dans la maison ", " se retrousser les manches", " se battre sur tous les fronts "... : pour sauver notre " bon " système d'assurance-maladie, voué à la faillite si rien n'est fait, Bertrand Fragonard, qui a dirigé avec un talent incontestable les travaux du Haut Conseil, invite fermement le gouvernement à l'action. Tout en précisant qu'il " n'y a pas de recette magique et pas de miracle ". Le diagnostic partagé par les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les usagers, les parlementaires, les régimes obligatoires et les complémentaires (1), ce qui constitue en soi une prouesse, a été salué par Jean-François Mattei comme un " succès " et " la première étape indispensable " de la réforme. Le ministre de la Santé a même déclaré qu'il rejoignait l'analyse des " pistes d'action " avancées par les membres du Haut Conseil, à savoir l'urgence d'un redressement par la qualité. Mais Bertrand Fragonard n'a pas voulu en rajouter, conscient que le consensus ne porte que sur les maux qui rongent l'assurance-maladie, pas sur les remèdes précis à administrer. " Il s'agit d'une base de travail commune à laquelle adosser la négociation " même si, le moment venu, " chacun dégagera sa sensibilité ". La phase de concertation avec tous les acteurs, qui s'ouvrira au début de février, risque de mettre à l'épreuve ce fragile équilibre.

" 10 % de marge " dans le système.

Le gouvernement est en effet au pied du mur. Pour desserrer l'étau financier, éviter des prélèvements de plus en plus insoutenables ou des déremboursements qui pénaliseraient les ménages les plus modestes, le rapport du Haut Conseil fixe une priorité : l'amélioration de l'efficience des soins et de la qualité des pratiques, la lutte à tous les étages contres les " abus " et les " gaspillages " (encadré). Bertrand Fragonard est intarissable sur les gisements de productivité qui existent dans le système. " Les soins sont mal coordonnés, il y a parfois un excès d'offre, certaines habitudes de prescriptions ne sont pas assez rigoureuses, le rapport qualité-prix est insuffisant, bref le système ne fonctionne pas à l'optimum, ce qui est inadmissible ", énumère-t-il. " On dit couramment qu'il y a là 10 % de marge, soit l'équivalent du déficit annuel " (une dizaine de milliards d'euros) ", ajoute Bertrand Fragonard. En 1999, le rapport stratégique de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), concocté par Gilles Johanet, évaluait à " 60 milliards de francs " les économies possibles.

Mais presque dix ans après le plan Juppé, le gouvernement choisira-t-il la voie d'une réforme structurelle, qui agisse directement sur les comportements des institutions, des soignants et des assurés ? Bertrand Fragonard est formel. " En dix ans, les choses et les esprits ont bougé : il y a dans le rapport des phrases que je n'aurais jamais pu écrire à l'époque. " En témoigneraient les passages sur la diversification des modes de rémunération des libéraux, l'interrogation sur le bien-fondé de la totale liberté d'installation, la nécessité d'évoluer vers une certaine " protocolisation " des soins ou la réflexion sur la modulation du ticket modérateur pour responsabiliser les patients. " Mission accomplie ", se réjouit Bertrand Fragonard. Mission impossible pour le gouvernement ?

CYRILLE DUPUIS

(1) " Le Quotidien " reviendra demain sur les réactions au rapport du Haut Conseil.

L'optimisation du système de soins, priorité des priorités Le Haut Conseil ne se contente pas d'établir un diagnostic froid. Il oriente la thérapie. Au-delà de décisions à court ou à moyen terme sur les recettes (recours à la CSG, modification de l'assiette des prélèvements) ou sur l'" ajustement des taux de remboursement " (à condition d'épargner les ménages modestes et ceux qui supportent des dépenses lourdes), il pose les jalons d'une réforme de structure autour de " l'amélioration du système de soins ". Tous les acteurs sont mobilisés. L'assurance-maladie d'abord, en coordination avec les organismes complémentaires, doit parvenir à une gestion " plus active du périmètre de remboursement, avec un regard critique et sélectif. Il s'agit d'" éprouver " la qualité et l'utilité de ce qui est pris en charge. Les soignants (libéraux comme hospitaliers) doivent, quant à eux, rapidement s'approprier les outils de promotion de la qualité : évaluation périodique des pratiques professionnelles, formation continue, procédures d'accréditation. Le rapport va plus loin. La tarification et le remboursement doivent encourager les comportements vertueux. Du côté des patients, une modulation du ticket modérateur pourrait inciter à " une meilleure utilisation de l'offre de soins ". Sans parler de filières, le rapport cite le recours à des soins coordonnés permettant d'éviter " les examens redondants, les prescriptions contradictoires ". Et préconise la généralisation du dossier médical.

C. D.

Les réactions au rapport du Haut Conseil

Après le diagnostic partagé, tout reste à faire

Le quotidien du médecin 27 janvier 204

Pour la plupart des acteurs, le consensus obtenu sur le diagnostic du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie pourrait ne pas durer quand seront discutés les remèdes.

AU LENDEMAIN de la remise du rapport consensuel du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, tout le monde s'accorde pour n'y voir qu'une première étape plus facile que les suivantes.

Du côté des médecins libéraux, la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf) " se félicite " du rapport et relève aussitôt que " le plus dur reste à faire ", notamment la négociation d'" un traitement approprié pour sauver l'assurance-maladie du naufrage ". La Csmf annonce qu'elle y participera " activement ", " dans un esprit constructif, mais avec fermeté dans ses convictions " et qu'elle présentera ses " lignes politiques " à l'issue de son conseil confédéral du 21 février.

Le président de MG-France voit surtout deux " éléments positifs " : " La prise en compte de l'ensemble du système de soins " (ville et hôpital) et l'acceptation d'une " modulation du ticket modérateur, voire du reste à charge [après remboursement de la complémentaire santé, Ndlr] suivant les comportements " des assurés, comme pour la visite à domicile.

A la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Jean-Claude Régi est " surpris de voir tout le monde s'extasier sur la mission accomplie, alors que le constat, tout le monde l'avait ". " Maintenant, tout reste à faire ", souligne aussi le président de la FMF, qui salue cependant " la manœuvre subtile du gouvernement " pour obtenir " une base consensuelle ".

Le Syndicat des médecins libéraux (SML) pense aussi qu'après ce " consensus attendu (...), les différences et les divergences resurgiront dès que les propositions concrètes seront abordées ". Le SML prévient que " les médecins sont prêts à prendre leur part de la responsabilisation " à condition d'avoir " les moyens de conclure des accords en partenariat avec un financement adapté ".

Le Dr Jean-Gabriel Brun, de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (Uccsf-Alliance), regrette que le Haut Conseil " se défausse de toute comparaison entre hôpital et cliniques privées au motif qu'ils relèvent de deux échelles de tarification différentes ".

Modifier les comportements.

Quant au Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg), il " appelle à la mobilisation " de sa base contre " toute remise en cause " de la liberté d'installation sur le territoire (évoquée par le rapport).

Dans le camp des partenaires sociaux, Guillaume Sarkozy, qui représentait le Medef au Haut Conseil, rejette d'emblée " une action sur les recettes, via la CSG ", comme l'évoque le rapport, préférant agir sur le panier de soins. Soulignant la nécessité d'" une modification des comportements " de tous les acteurs, il suggère de responsabiliser les assurés sociaux grâce à une prise en charge des accidents de sports par les complémentaires et à une limitation du nomadisme médical et de la consommation de médicaments.

Les syndicats de salariés mettent tous en avant leur attachement aux principes de " solidarité " et d'" égalité " propres à la Sécu.

Gaby Bonnand, secrétaire national de la Cfdt, souhaite une concertation " approfondie " et revendique " notamment la généralisation de la couverture complémentaire " pour pallier les " inégalités d'accès aux soins de qualité ".

A la CGT, Daniel Prada note que " le consensus n'était pas gagné d'avance " et que le rapport " s'éloigne des pistes du Premier ministre qui excluait le recours à de nouvelles recettes ". La CGT rappelle à cet égard sa revendication relative à un nouveau " prélèvement sur les revenus financiers du capital ".

Pour FO, il n'est " pas question d'accepter une réforme aux forceps " (par voie d'ordonnances). Pour la Cftc, l'amélioration du système garantissant l'égalité dans l'accès aux soins de qualité " oblige chaque acteur à davantage se responsabiliser ". Mais, nuance la Cftc, cette priorité donnée à l'amélioration du système de santé " ne doit pas pour autant occulter les efforts à accomplir pour retrouver un équilibre financier ".

La CFE-CGC se dit " d'accord pour réorganiser l'offre de soins, lutter contre la non-qualité (...), entrer dans les démarches d'évaluation des pratiques médicales et encadrer les conditions de remboursement ".

La Mutualité française (dont les mutuelles couvrent 36 millions de personnes) se " réjouit " que le Haut Conseil fasse aujourd'hui le constat " qu'elle fait publiquement depuis des années et qui est à l'origine des 25 mesures qu'elle propose pour rénover le système de santé " (propositions présentées lors de son congrès de Toulouse en juin 2003). Dans les discussions qui vont s'ouvrir, la Mutualité " ne ménagera ni son temps, ni son énergie, pour créer ce front indispensable au maintien d'un système de santé solidaire, accessible à tous, et prévilégiant en toutes circonstances la qualité des soins ".

Enfin, la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) " approuve le rapport et sa synthèse ", car ils permettent " un débat constructif " auquel elle " contribuera activement ".

AGNÈS BOURGUIGNON

 

 

Sécu: Mattei salue le Haut Conseil, sans dévoiler ses choix

Dominique Rodriguez Libération 23 janvier 15:44:25

 

PARIS - Le ministre de la Santé Jean-François Mattei a salué les travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie mais s'est borné à partager son "analyse des pistes d'action" sans rien dévoiler de ses préférences.

"Les membres du Haut Conseil ont conclu à l'urgence d'un redressement en mettant en avant la qualité des soins. Je rejoins leur préoccupation comme je rejoins leur analyse des pistes d'action", a-t-il indiqué dans une déclaration publiée à l'issue de la remise officielle du rapport du Haut Conseil.

"Ce diagnostic est partagé par tous. Ce point accroît encore sa force", a-t-il ajouté, se félicitant de ce premier "succès" et réaffirmant la détermination du gouvernement à "assurer un avenir pérenne" à un "système à la française, juste et solidaire" qui "assure à chacun des soins de qualité dans un souci constant de responsabilité de tous les acteurs".

Pour le reste, les assurés devront attendre la première quinzaine de février. Jean-François Mattei, qui engage d'ores et déjà les contacts au niveau bilatéral, ne devrait commenter officiellement le rapport du Haut Conseil qu'à l'occasion d'un "sommet de la santé" qui réunira les partenaires sociaux gestionnaires, les professionnels et le monde mutualiste.

La date du 9 février a été avancée, sans être confirmée par le ministère. Un projet de loi doit être présenté en juin en conseil des ministres pour un examen au Parlement en juillet, la question étant de savoir si le gouvernement choisira de légiférer par ordonnances. Conformément au "souhait du gouvernement que tous disposent d'une base commune de travail sur laquelle adosser la négociation" promise, le rapport a été adopté jeudi "par consensus", a rappelé le président du Haut Conseil, Bertrand Fragonard, lors d'une conférence de presse.

Il a résumé le rapport en deux mots-clés, "urgence et exigence". "Il n'y a pas de miracle, pas de recette magique. Il faut se battre sur tous les fronts", a-t-il dit. "Le fil rouge de ce rapport c'est de dire que la Sécurité sociale c'est tellement bien qu'on ne peut pas l'hypothéquer par un système de soins qui ne soit pas optimum."

Le système est "très loin de l'optimum" en termes de qualité, d'égalité et de rapport qualité/prix, a-t-il souligné. Il est aussi "trop coûteux" et "on peut demander plus de rationalité et plus d'économies".

"Structurellement, on est sur une tendance haussière. Donc il faut infléchir cette tendance et 'gratter' là où c'est possible sans toucher à la qualité des soins", a-t-il dit. "Il y a des marges."

"NOS PROPRES POSITIONS"

Bertrand Fragonard a également réfuté l'idée selon laquelle le contenu du rapport a été affadi pour permettre son adoption à l'unanimité. "Nous avons eu des débats complexes, riches, intenses", s'est-il défendu. "Le moment venu, chacun exprimera sa sensibilité, son opinion." Force ouvrière a donné le ton vendredi en réaffirmant, dans un communiqué, que "toutes les pistes envisagées n'emportent pas l'adhésion" de la confédération. "Nous gardons, comme l'ensemble des membres (du Haut Conseil), nos propres positions et notre liberté pour les défendre."

Le patronat s'est de même empressé de réaffirmer qu'il "ne peut accepter" une hausse des cotisations patronales pour assainir les finances de l'assurance maladie. "Le Medef ne peut accepter que soit évoquée une action sur les recettes, via la CSG, alors que les taux de prélèvements collectifs sur notre richesse nationale sont parmi les plus élevés de tous les pays développés", a déclaré au Figaro Guillaume Sarkozy, membre du conseil exécutif de l'organisation patronale, au Figaro. "Toute action sur le plan fiscal ne pourrait que casser la reprise à venir", a-t-il ajouté.

Il a de même "regretté" que le diagnostic n'insiste pas davantage sur la responsabilité des assurés et des professionnels de santé et a plaidé pour l'introduction d'une franchise sur les soins et médicaments remboursables. A l'appui de son propos, il a cité "le nomadisme médical" ainsi que "la prescription et la consommation extravagante de médicaments". Il a en outre défendu l'idée d'une redéfinition des rôles entre l'assurance maladie et les assurances complémentaires de santé, en prenant l'exemple des accidents de sport qui pourraient selon lui être "pris en charge par les mutuelles et assurances complémentaires".

Une proposition immédiatement rejetée par le président de la Mutualité française, qui l'a comparée à "un sparadrap sur une jambe de bois, une goutte dans l'océan infini du déficit". "On ne règle pas les problèmes ainsi", a ajouté Jean-Pierre Davant sur France Info, en estimant "certain que les Français auront à payer", ne serait-ce qu'en raison du poids de la dette de l'assurance maladie.

 

 

Assurance maladie.

Sécu : de grands maux et peu de remèdes

Eric FAVEREAU et Hervé NATHAN et François WENZ-DUMAS

Libération vendredi 23 janvier 2004

Mattei reçoit le rapport mesurant les dégâts de la branche maladie et proposant quelques outils. Extraits et décodage.

La première étape de la réforme de la Sécu vient d'être franchie. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a adopté, hier, à l'unanimité, un rapport de plus de 500 pages (en comptant les annexes), qui doit être remis ce matin au ministre de la Santé, Jean-François Mattei. Le président du Haut Conseil, Bertrand Fragonard, s'est sorti habilement de cet exercice délicat. Peu avant 16 heures, les dernières modifications ayant été apportées au "document de synthèse" de 25 pages qui résume les principales analyses et préconisations du rapport, il a lancé : "Bon, tout le monde est d'accord ? Ceux qui ne le sont pas lèvent la main." Et personne ne l'a levée. Les 53 membres de ce Haut Conseil ont ainsi validé le rapport sans avoir à engager les organisations ­ syndicats, mutuelles, partis politiques ­ qu'ils y représentaient.

Ce consensus ne signifie par pour autant que le rapport soit anodin. Sur le financement et sur la "gouvernance" de la Sécurité sociale, il mesure l'étendue des dégâts, et dresse l'inventaire des outils qui pourraient servir à les réparer. Côté recettes, la CSG a ses faveurs. Mais il précise bien que l'augmenter ne suffira pas. Côté économies, il met en garde contre le risque de déremboursements mal ciblés, qui fragiliseraient les plus faibles et paupériseraient les plus pauvres. Et sur les structures de décision et de gestion, la "gouvernance", il botte en touche : "Ce n'est pas au Haut Conseil de proposer un redécoupage des compétences", mais aux politiques.

Reste l'essentiel : une réflexion de fond sur l'"optimisation du système de soins". Il en ressort que les gaspillages nés de la mauvaise coordination entre tous les acteurs coûtent chaque année des milliards d'euros. Les réduire, ce serait déjà faire la moitié du chemin. Le rapport Fragonard dresse la carte détaillée de ces "gisements de qualité et de productivité" exploitables. Revue de détail.

Comptes. La grande menace

"Les projections financières ­ c'est-à-dire les prévisions "toutes choses inchangées" - sont claires pour les années à venir : avec l'hypothèse d'une croissance des dépenses supérieure de 1,5 point à l'évolution du PIB (de l'assurance maladie), le déficit annuel (en euros constants 2002) passerait à 29 milliards d'euros en 2010 et à 66 milliards en 2020 (hors charges de la dette). Un tel niveau de déficit ne peut être raisonnablement envisagé. [...] S'en remettre à la seule augmentation des recettes aboutirait à doubler la CSG ; son taux passerait de 5,25 à 10,75 % à l'horizon 2020, soit un prélèvement supplémentaire de 66 milliards d'euros." Le Haut Conseil expose ce que coûterait une "non réforme". Le poids de la santé serait tel qu'il rendrait impossible toute autre action collective (autres dépenses sociales, investissement, etc.)

Médicaments. Halte à la surconsommation

"Rien ne justifie que l'assuré français se voie prescrire entre deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que les usagers des pays voisins. La dépense totale est considérable (plus de 16 milliards d'euros par an, 260 000 euros prescrits, en moyenne, par chaque médecin généraliste), et les dangers aussi : les risques d'interaction médicamenteuse toxique sont très sérieux au-delà de trois médicaments pris simultanément, or un très grand nombre d'ordonnances dépassent ce chiffre. [...] Le Haut Conseil estime qu'il faut engager, sur ce sujet, des actions extrêmement décidées. Elles supposent une participation active de tous les acteurs de la "chaîne du médicament" : laboratoires pharmaceutiques, prescripteurs, pharmaciens, caisses d'assurance maladie, organismes complémentaires... et assurés sociaux eux-mêmes."

C'est un défi réel : comment diminuer la consommation de médicaments en France ? Le gouvernement s'est lancé dans une politique de déremboursement en fonction de l'efficacité des produits, "pour permettre de financer et rembourser les nouveaux médicaments les plus innovants". Politique apparemment courageuse, mais, aujourd'hui, le gros problème est l'arrivée de nouveaux médicaments, présentés comme très innovants, vendus à des prix très élevés. Ils envahissent en quelques mois le marché alors que leurs avantages thérapeutiques peuvent se révéler très limités.

Tarification. Non aux rentes de situation

"L'assurance maladie doit mieux utiliser ses instruments tarifaires. [...] Le système n'utilise pas assez les espaces de concurrence par les prix dont il dispose, ou ceux qu'il pourrait introduire sans remettre en cause les grands principes. [...] Le Haut Conseil remarque qu'au cours des dernières années, beaucoup de réticences ont été levées s'agissant de certaines modalités de tarification, dont on avait pu penser qu'elles posaient des problèmes de principe : on a cité la tarification "à la pathologie" ; on peut citer les systèmes de tiers payant, ou l'introduction d'une certaine diversification des modes de rémunération des praticiens libéraux, pour des tâches ou des missions particulières. Il existe aujourd'hui des espaces de consensus pour faire évoluer les instruments tarifaires. C'est un tournant important dont il faut saisir l'opportunité pour innover plus résolument, en veillant toutefois à ce que, si l'assurance maladie paie mieux ou autrement, ce soit dans le cadre d'une politique conventionnelle, en faveur d'une qualité mieux définie et contrôlée."

Pour éviter que se multiplient des actes peu utiles et les prescriptions à rallonge, il faut jouer plus finement de l'arme des tarifs "opposables" que doivent respecter les praticiens. Mieux payer ceux qui accaparent le plus de temps et empêcher que certains profitent de rentes de situation. Le Haut Conseil approfondit ici la réflexion qui a été celle de la Caisse nationale d'assurance maladie et des syndicats de médecins lors de la négociation, en 2002-2003, de la dernière convention des généralistes, qui a porté la consultation à 20 euros et la visite, mieux encadrée, à 30 euros.

Prise en charge. Le coût du "nomadisme"

"Le Haut Conseil estime que tout doit être fait pour casser les différentes césures qui existent entre les prises en charge successives dont un même patient peut faire l'objet : prises en charge cloisonnées entre praticiens de ville, entre services d'un même hôpital, et entre soins hospitaliers et soins de ville. On doit déplorer, à cet égard, le retard pris dans la généralisation d'un dossier médical partagé, et du "réseau de soins virtuel" qui peut se bâtir autour de lui. [...] Il convient aussi de réfléchir à des formes nouvelles de "ticket modérateur" pour introduire au sein du système des incitations à une meilleure utilisation de l'offre de soins. Notamment selon des modalités qui sachent distinguer les différentes formes de prise en charge, et orienter vers celles qui présentent la meilleure organisation, et donc le meilleur emploi des fonds collectifs. De ce point de vue, l'application systématique d'un ticket modérateur sans modulation ni possibilité de choix ne permet pas à l'assuré d'adapter son comportement."

Autre "gisement de qualité et de productivité" que pointe le rapport Fragonard : le coût du "nomadisme" médical et du cloisonnement entre les deux secteurs. L'allusion à la modulation éventuelle du ticket modérateur est très claire : un patient qui irait, pour se rassurer, voir successivement trois cardiologues serait moins bien remboursé que celui qui consulterait d'abord son généraliste, lequel pourrait, ou non, lui conseiller de voir un spécialiste.

Information des usagers. Le parent pauvre

"Le principe déontologique, parfaitement légitime, consistant à ne pas introduire entre praticiens une concurrence de type commercial a pour effet que la performance et la qualité des activités de santé restent, en France, d'une grande opacité [...] Une évolution paraît nécessaire. Le souci d'éviter la concurrence ne justifie pas qu'on ne puisse transmettre en toute clarté une information claire et détaillée à tout assuré social. Le choix "libre et éclairé", devenu principe législatif pour ce qui concerne l'acte de soins, n'a, paradoxalement, pas encore été consacré pour la relation du patient à ceux qui le soignent. Il s'agit pourtant d'une aspiration fondamentale, qui passe aujourd'hui par les aléas du bouche à oreille, les classements très imparfaits de la presse généraliste, voire par la recherche d'introductions privilégiées. L'inégalité dans l'information, notamment en fonction du capital relationnel dont dispose le malade, constitue une des plus profondes inégalités dans l'accès aux soins."

Le Haut Conseil pointe un manque et une urgence. Le patient n'est pas au coeur du système de santé. Au point qu'il n'accède qu'à peu d'informations. "Lui donner une place, lui permettre de choisir et donc de sanctionner les mauvais services ou les médecins incompétents ne peut avoir que des conséquences bénéfiques, non seulement pour le patient, mais pour le système lui-même", martèlent les associations de malades.

Système de soins. Un meilleur rapport qualité/prix

"Il faut entreprendre dès à présent une action méthodique et résolue pour réorganiser le système de soins autour d'un meilleur rapport qualité/prix, et une meilleure réponse aux besoins de la population. [...] Le Haut Conseil est unanime à considérer que [...] les gisements de qualité et de productivité dans l'organisation des soins représentent des marges qui permettraient de desserrer très substantiellement la contrainte financière à laquelle il faut faire face, à court et moyen terme."

C ette réflexion sur l'amélioration du rapport "qualité/prix" du système de soins justifie l'accent mis par le Haut Conseil sur l'enjeu que représente une meilleure coordination entre les différents acteurs de l'économie de la santé. La "section 2", partie centrale du rapport (la première est consacrée aux équilibres financiers, la dernière à la "gouvernance"), analyse les principaux dysfonctionnements du système et ouvre le débat sur les remèdes envisageables. L'idée est de supprimer les doublons et les concurrences inutiles entre tous les intervenants : hôpital public ou privé, médecins de ville et autres professionnels de santé, services sociaux.

Les firmes étrangères font une cure de génériques en France

Elles sont attirées par un marché qui explose. Dernier rachat: une filiale d'Aventis.

Florent LATRIVE Libération 23 janvier 2004

Et un de plus : après l'américain Ivax et l'israélien Teva en 2002, voici l'indien Ranbaxy qui déboule en France pour croquer une part du marché en pleine explosion des médicaments génériques, ces copies conformes de molécules tombées dans le domaine public. Pour s'implanter, le plus important des laboratoires indiens (lire ci-contre) a racheté RPG, la filiale générique d'Aventis, rebaptisée pour l'occasion Ranbaxy Pharmacie générique. "C'était le bon moment pour arriver car le marché du générique va exploser dans les mois et les années à venir", a indiqué hier le patron de Ranbaxy France, Thierry Hoffmann, lors d'une conférence de presse.

L'effervescence autour du marché français remonte à 1999, quand le gouvernement Jospin autorise les pharmaciens à substituer des génériques aux molécules originales. Objectif ? Tailler dans les dépenses de la Sécurité sociale, car les copies sont vendues jusqu'à 40 % moins cher que les originaux. Depuis trois ans, le marché français s'envole, avec des croissances autour de 50 % par an. Aujourd'hui, une boîte sur 10 vendues en pharmacie contient des génériques. Et l'année 2004 s'annonce radieuse, avec l'expiration des brevets de plusieurs médicaments parmi les plus vendus en France, comme l'antihistaminique Zyrtec ou le somnifère Stilnox. Le 14 avril sera à ce titre LA date pour les "génériqueurs" : le Mopral, antiulcéreux et numéro un des ventes en valeur, avec près de 450 millions d'euros, ne sera plus couvert par un brevet. "Tout le monde se prépare, ça va être un choc", confirme Luc Beaulieu, le porte-parole de Merck Génériques, coleader français avec Biogaran (groupe Servier), chacun comptant pour 25 % du marché. En 2005, c'est au tour d'une autre molécule parmi les plus lucratives, l'anticholestérol Zocor, d'intégrer la liste des "génériquables". D'ici à 2010, la moitié des molécules aujourd'hui couvertes par des brevets seront copiables.

Avec de telles perspectives, rien d'étonnant à ce que la France se soit soudain retrouvée sur le radar des spécialistes internationaux des génériques, comme Ranbaxy, l'américain Ivax ou l'israélien Teva, qui partage la place de leader mondial avec Sandoz. "Vue du reste du monde, la France paraît extrêmement attractive, mais la rentabilité est difficile à atteindre", rappelle Pascal Brière, de Biogaran. S'ils n'ont pas à assumer les lourdes dépenses de recherche et développement comme les laboratoires fabriquant les nouvelles molécules, les "génériqueurs" se tirent la bourre sur les coûts de production, au risque d'écraser leurs marges. "Seules deux ou trois firmes sont aujourd'hui profitables en France, souligne le patron d'un "génériqueur". Et aucune de celles arrivées depuis 2000 ne décolle en terme de parts de marché." Ce qui n'empêche pas Ranbaxy de viser la troisième place française d'ici quatre ans.

 

Le Haut Conseil pour l'assurance-maladie parvient à un "diagnostic partagé" sur les maux du système

Claire Guélaud, Le Monde 23 janvier 2004

Son président, Bertrand Fragonard, a remis son rapport, vendredi 23 janvier, au ministre de la santé. Il souligne l'"urgence d'un redressement" par l'amélioration de la qualité des soins

Mission accomplie pour Bertrand Fragonard. Le premier ministre avait chargé, à la mi-octobre, ce magistrat de la Cour des comptes d'établir un "diagnostic partagé" du système de soins. Le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie a tenu le pari. Le rapport qu'il a remis, vendredi 23 janvier, au ministre de la santé, Jean-François Mattei, engage en effet les 53 membres de cette instance. Les représentants des organisations syndicales et patronales, des professions de santé, des caisses nationales d'assurance-maladie, des parlementaires, des associations de malades, des pouvoirs publics ou des personnalités qualifiées l'ont approuvé à l'unanimité, ainsi que les vingt notes de synthèse qui l'accompagnent, intitulées

"L'avenir de l'assurance-maladie : l'urgence d'un redressement par la qualité".

Le gouvernement va maintenant passer à une nouvelle phase de la préparation de la réforme. Le ministre de la santé devrait réunir, début février, un sommet sur la santé avec tous les acteurs concernés. Puis des groupes de travail réunissant les partenaires sociaux seront mis en place. Ils devront remettre leurs conclusions fin mars, a indiqué M. Raffarin, qui a annoncé, le 12 janvier, lors de ses vœux à la presse, qu'un "texte" serait soumis au Parlement en juillet. Le premier ministre n'exclut pas de légiférer par voie d'ordonnances - une procédure jugée "indispensable" par Jacques Barrot, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale.

M. Mattei dispose désormais d'une base solide pour sa réforme. M. Fragonard, ancien directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), aborde de nombreux sujets : qualité des soins, rôle des professionnels de santé, fermetures ou reconversions d'hôpitaux, dépenses et recettes, luttes contre les gaspillages, comportements à changer. L'essentiel du diagnostic tient dans cette conviction que la sauvegarde de l'assurance-maladie passe par un meilleur fonctionnement du système de soins, que les membres du Haut Conseil jugent "inorganisé".

Le gouvernement voit, certes, conforter son désir de réforme. La situation financière de l'assurance-maladie, dont le déficit frisera 11 milliards d'euros en 2004, est jugée "critique" et le niveau prévisible du déficit (66 milliards à l'horizon 2020) en l'absence de réforme qualifié d'"insupportable". Le Haut Conseil rejette tout recours à un endettement massif. Il préconise d'améliorer le fonctionnement du système, d'ajuster les conditions de prise en charge et d'agir sur les recettes, la principale piste évoquée restant l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée par un alignement des chômeurs et des retraités sur les actifs. Cette mesure ferait rentrer 7,5 milliards d'euros dans les caisses. Le Medef reste cependant opposé à toute augmentation des prélèvements obligatoires : "Ce serait la meilleure façon de casser la reprise naissante", a fait valoir en séance, jeudi, Guillaume Sarkozy, qui n'en a pas moins jugé "bon" le rapport Fragonard.

Un effort de maîtrise de l'ensemble des dépenses de santé, et pas seulement des dépenses prises en charge collectivement, apparaît indispensable au Haut Conseil, qui "borde" la question du remboursement. Estimant que la combinaison d'un taux élevé de prise en charge et d'une gratuité quasi complète en cas de fortes dépenses, quel que soit le niveau de revenu des assurés, est "au cœur de l'égalité dans l'accès aux soins", il propose de sauvegarder l'armature de ce système. "On peut en changer les paramètres mais pas la logique", insiste-t-il.

Les membres de la mission Fragonard sont visiblement satisfaits de leurs trois mois de travaux. "Le Haut Conseil est parti d'une commande d'ordre essentiellement financier. Il aboutit à la conclusion qu'il n'y aura pas de réforme durable sans refonte du système de soins. C'est une avancée majeure et intéressante", commente Jean-Marie Le Guen, député (PS) de Paris. Député (UMP) du Morbihan, François Goulard souligne, comme beaucoup d'autres, "la qualité du travail" de M. Fragonard, dans la rédaction et dans la conduite des débats. "Je pensais que nous aurions plus de mal à accoucher d'une position commune", a-t-il confié. La plupart des participants, notamment M. Sarkozy (Medef) et les syndicalistes Jean-Louis Deroussen (CFTC) et Gaby Bonnand (CFDT), étaient dans le même état d'esprit.

"Le plus dur reste à faire. Il va nous falloir passer au stade des propositions et essayer d'avancer un socle commun de mesures, sans quoi nous ne serions guère crédibles face à l'Etat", estimait, jeudi, Etienne Caniard. Ce dirigeant de la Mutualité française a participé avec les syndicats à de multiples réunions informelles qui ont, avec le travail en séance, fait évoluer les esprits. "Si le statu quo n'est pas tenable, les solutions à inventer ne feront pas forcément consensus", faisait toutefois remarquer Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, dans une tribune publiée le 21 janvier par Libération. "Nous attendons la réforme. Ce ne peut pas être un exercice consensuel", souligne comme en écho M. Goulard. "Entre le renforcement des pouvoirs de l'Etat et la responsabilisation des organismes de santé, dont je suis partisan, le gouvernement n'a pas encore tranché", ajoute le député. Il ne le fera pas avant les élections cantonales et régionales du 21 et du 28 mars.

 

 

 

Le rapport suggère de mieux rembourser les assurés qui ont une démarche de prévention

Claire Guélaud, Le Monde 23 janvier 2004

 

 

C'est un des axes forts du constat du Haut Conseil, et celui sur lequel les responsables politiques et syndicaux les plus réservés à l'égard des projets gouvernementaux s'appuient déjà pour conforter leurs analyses : la sauvegarde de l'assurance-maladie ne peut se limiter à des ajustements financiers et elle passe par un effort "résolu" pour obtenir un meilleur fonctionnement du système de soins, une véritable coordination des acteurs et une plus grande information des usagers.

Près de soixante ans après l'ordonnance du 4 octobre 1945 créant la Sécurité sociale, le Haut Conseil affirme que l'assurance-maladie "ne peut plus se contenter d'être un simple dispositif de paiement pour des soins qui s'organiseraient tout seuls". Face à une demande de biens médicaux en constante augmentation, elle doit être capable de faire des choix vis-à-vis d'une offre de soins "infiniment plus riche et variée qu'autrefois", mais "sans remettre en cause l'universalité de la couverture".

Une fois posé ce double diagnostic, le Haut Conseil analyse longuement les insuffisances et les lacunes du système tout en ouvrant des pistes de réflexion et, parfois, de réformes sur nombre de sujets délicats : le niveau du "panier" des biens et soins remboursables ; les assureurs qui le prendraient en charge ; les inégalités territoriales et sociales dans l'accès aux soins ; les nouvelles formes possibles de prise en charge. Ainsi propose-t-il de "moduler le remboursement selon la démarche de soins qui serait librement choisie par l'assuré". Parmi les mesures évoquées - et appliquées en Allemagne - figure l'augmentation du taux de remboursement pour les assurés qui ont une démarche de prévention.

"Le système de financement s'épuiserait à vouloir couvrir sans aucun tri tout ce que les industries et professions de santé peuvent offrir", note le Haut Conseil. Il insiste sur la nécessité de hiérarchiser les priorités et de passer "de choix implicites à des décisions explicites et raisonnées". "A quelles pathologies, à quels traitements et sous quelles conditions doit-on prioritairement consacrer le financement socialisé ?", s'interroge-t-il.

Il propose trois critères de prise en charge d'un acte ou d'un produit : la sécurité, l'efficacité, "qui s'apprécie selon des critères objectifs élaborés et reconnus par la communauté scientifique", et l'efficience, qui rapporte l'utilité au coût. Le Haut Conseil est partisan d'une gestion plus "active" et plus "critique" du périmètre des biens et services pris en charge collectivement. Ce qui suppose, ajoute-t-il, une coordination "le plus en amont possible" avec les organismes de couverture complémentaire (mutuelles et assurances).

Le système de soins et de remboursement n'est pas "suffisamment orienté vers la qualité face au malade", regrette le rapport Fragonard. Il relève, par exemple, de "graves carences" dans l'élaboration, la diffusion et l'application effective des référentiels de bonne pratique médicale. Il faut, estime-t-il, engager tous les professionnels de santé libéraux ou hospitaliers dans une démarche périodique d'évaluation de leurs pratiques, "systématiquement articulée à une offre de formation professionnelle plus substantielle et plus indépendante, et appuyée par des procédures d'accréditation".

Au passage, les dépenses injustifiées sont épinglées. "Rien ne justifie que l'assuré français se voit prescrire entre deux et quatre fois plus d'analgésiques, d'antidépresseurs et de tranquillisants que les usagers des pays voisins", note le rapport, qui préconise d'"engager, sur ce sujet, des actions extrêmement décidées". Tous les acteurs de la chaîne du médicament doivent y participer, "laboratoires pharmaceutiques, prescripteurs, pharmaciens, caisses d'assurance-maladie, organismes complémentaires et assurés sociaux eux-mêmes".

"BEAUCOUP À FAIRE"

L'assurance-maladie, qui a "beaucoup à faire" en matière de vérité des coûts, doit aussi "mieux utiliser ses instruments tarifaires", relève le Haut Conseil. Evoquant l'inégale répartition des praticiens libéraux sur le territoire et ses conséquences sur la consommation de soins, il recommande de "s'interroger sur le bien fondé de la totale liberté d'installation des professionnels de santé libéraux". En matière d'équipement hospitalier, il déplore "la trop grande lenteur avec laquelle les moyens sont redéployés", affirme la nécessité de poursuivre les restructurations hospitalières et plaide pour une meilleure organisation de la permanence des soins par les médecins libéraux. Le cloisonnement entre médecine de ville et hôpital reste "le plus grand obstacle à une bonne recomposition de l'offre de soins", précise le Haut Conseil, qui déplore le retard dans la généralisation d'un dossier médical partagé.

C. Gu.

 

 

Hôpitaux : une journée d'action peu suivie

Claire Guélaud, Le Monde 23 janvier 2004

La journée d'action, jeudi 22 janvier, à l'appel de trois organisations de médecins hospitaliers (INPH, CHG et CMH) et de quatre syndicats (CGT, FO, SUD et CFTC), s'est traduite par de faibles taux de participation, les organisateurs jugeant cependant qu'elle a marqué "un début de remobilisation". Le ministère de la santé a recensé 13,42 % de praticiens grévistes dans les centres hospitaliers universitaires, et le taux de mobilisation aurait atteint 18,79 % dans l'ensemble de la fonction publique hospitalière. A Paris, 5 000 manifestants, selon les syndicats - 2 000 selon la police -, ont défilé contre le "démantèlement" de l'hôpital public. Des milliers de personnes ont manifesté à Marseille, Lille, Bordeaux et dans d'autres villes de province. Le ministre de la santé, Jean-François Mattei, qui ne "nie pas le malaise", a demandé aux hospitaliers "patience, confiance, volonté et détermination".

Réforme de l'assurance-maladie :

unanimisme sur le "diagnostic", mais pas sur les solutions

PARIS (AP) -- S'ils sont unanimes pour approuver le constat établi par le Haut conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie, la plupart des responsables en France continuaient vendredi à se diviser sur les solutions à trouver pour résorber le déficit du système.

Alors que le rapport du Haut conseil rendu public vendredi prône un "redressement par la qualité" du système de soins et juge largement inévitable une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG), le ministre de la Santé Jean-François Mattei a déclaré "rejoindre les préoccupations" et "l'analyse des pistes d'action" développées par ce document.

Il ne s'est cependant pas avancé plus avant sur les solutions que compte proposer le gouvernement, qui entend avoir achevé la réforme de l'assurance-maladie d'ici juillet prochain. Les négociations avec les partenaires sociaux et les acteurs du système de santé devraient débuter en février.

La plupart des acteurs pronostiquaient cependant vendredi une future hausse de la CSG, qu'ils l'approuvent ou pas. Les Français "auront à payer" pour résorber les déficits de l'assurance-maladie, qui doit atteindre près de 11 milliards d'euros en 2004, a estimé sur France-Info le président de la Mutualité française Jean-Pierre Davant. Mais l'Etat, qui a "géré sans partage" le système de santé, "porte la responsabilité" des déficits, a-t-il accusé. Il devra "nous dire comment il entend boucher ce trou".

Pour Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), la hausse de la CSG serait "la meilleure des méthodes" pour résorber les déficits. "On n'échappera pas à une augmentation des recettes", a-t-il jugé sur France-Inter.

Reste qu"'une augmentation des prélèvements (...) ne pourrait se justifier qu'à deux conditions: un caractère limité et exceptionnel" et "une inclusion dans une réforme d'ensemble", met en garde dans un communiqué la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises.

Tous les protagonistes se retrouvent en effet sur la nécessité de procéder à des réformes structurelles. "Les pistes ouvertes par le rapport soulignent à juste titre l'importance des objectifs d'adaptation des structures et du fonctionnement de l'assurance-maladie", souligne l'UMP dans un communiqué. Et de rappeler que "les progrès ne pourront venir que d'une responsabilisation de l'ensemble des acteurs et d'une évolution des comportements de chacun".

Il faut "réformer le système en profondeur", notamment en "responsabilisant l'ensemble des acteurs" et en redéfinissant "ce que l'assurance-maladie et l'assurance complémentaire doivent rembourser", a approuvé Michel Chassang. Pour Jean-Pierre Davant en effet, "le déficit n'est pas une cause du dysfonctionnement mais une conséquence". A ses yeux, la réforme à venir devra donc "adapter le système de soins aux besoins de santé de nos concitoyens", et "en finir avec les gaspillages et les abus" tout en préservant la qualité et la permanence des soins.

De son côté, le secrétaire général de Force ouvrière Marc Blondel a mis en garde vendredi contre la tentation du gouvernement de recourir à la méthode des ordonnances pour réformer la Sécurité sociale, comme le Premier ministre Alain Juppé l'avait fait en 1996. "Je veux une négociation", a demandé Marc Blondel sur France-Info. "Je ne veux pas qu'on arrive avec des ordonnances et ensuite (...) au mois de juillet, là où les salariés ne pourront pas réagir, on fait passer ça au Parlement". AP

 

 

 

 

Mission accomplie pour le Haut Conseil

Quotidien du médecin 23 janvier 2004

C'EST CE MATIN que Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie, remet son rapport au ministre de la Santé, Jean-François Mattei. Elaboré en trois mois, dans un délai légèrement plus long que ce qui était prévu initialement puisque Jean-Pierre Raffarin avait passé commande pour " avant Noël ", " L'avenir de l'assurance-maladie : l'urgence d'un redressement par la qualité " passe des mains des experts et des professionnels à celles de l'exécutif. La première pierre de la réforme est posée.

Que trouve Jean-François Mattei dans le rapport du Haut Conseil ? Un diagnostic - devenu " constat " - de la situation de l'assurance-maladie, un catalogue des qualités et des travers du système tel qu'il existe aujourd'hui, une ébauche de pistes à explorer pour le réformer sans le dévoyer (" le Quotidien " des 15 et 22 janvier). Le tout largement approuvé par les 53 membres du Haut Conseil (représentants des régimes d'assurance-maladie, des complémentaires santé, des assurés sociaux, des employeurs, du Parlement, de l'Etat, des professionnels et des établissements de santé, des usagers). Les choses sont dites clairement, simplement et sans tourner autour du pot. Elles sont éclairées par des exemples précis. Elles sont aussi présentées sous un jour plus " politique " que la précédente version du document. Un effort diplomatique a été fourni en direction des professionnels - par exemple, les angles que les médecins libéraux trouvaient trop aigus ont été pour la plupart arrondis (" le Quotidien " d'hier). La pilule a également été adoucie pour les assurés sociaux. Certes, on pourrait leur demander plus, explique le Haut Conseil, via une CSG augmentée et/ou un ticket modérateur modulé avec l'usage bon ou mauvais que chacun fera de l'offre de soins (ce ne sont que des hypothèses). Mais en échange de leurs efforts de responsabilisation, les Français pourront compter sur une assurance-maladie efficace, de qualité, et remise en ordre. La réforme, inéluctable, se fera sur le mode " gagnant-gagnant ", souffle-t-on à une opinion et à des partenaires sociaux qu'on ne souhaite pas particulièrement retrouver dans la rue dans quelques mois.

Six mois pour convaincre.

Mais, de l'avis quasi général, le Haut Conseil a fait " du bon travail ". Reste que son rapport n'est " qu' "un état des lieux. Le plus dur reste à faire. Comme le remarque un expert, " la difficulté, c'est qu'on est toujours meilleur en diagnostic qu'en solutions ".


Pour dégager ces indispensables " solutions ", le gouvernement va procéder pas à pas. Jean-François Mattei, qui estime que la réforme de l'assurance-maladie s'annonce " plus ardue encore que la réforme des retraites ", se donne tout d'abord quelques jours pour digérer les travaux du Haut Conseil. Au début de février (peut-être le 9), il présentera au cours d'un " sommet " son analyse du rapport aux acteurs du système de soins. Des rencontres bilatérales auront lieu qui déboucheront sur une nouvelle réunion plénière à la fin du mois de mars ou au début d'avril. Viendra ensuite, jusqu'en mai, le temps de la négociation du texte gouvernemental. En juin, un projet de loi devrait être présenté en conseil des ministres qui sera soumis en juillet aux députés.

Le gouvernement a six mois pour choisir et pour convaincre. " Choisir " ne sera peut-être pas la plus mince affaire. Car si l'on en croit la rumeur, tout reste à faire. C'est à Matignon que l'on aurait les idées les plus arrêtées sur la marche à suivre ; ailleurs, ironise un observateur averti, " on essaie désespérément d'interpréter la pensée présidentielle ".

KARINE PIGANEAU

 

François Goulard (UMP) salue " un diagnostic pertinent "

Quotidien du médecin 23 janvier 2004

Le député (UMP) du Morbihan, François Goulard, estime que le Haut Conseil a fait un travail de qualité et livré des messages utiles, notamment sur l'impossible maîtrise des dépenses.

FRANÇOIS GOULARD, député (UMP) du Morbihan, est un des six parlementaires membres du Haut Conseil sur l'avenir de l'assurance-maladie. Il se félicite de la tâche accomplie. " Le rapport du Haut Conseil est un très bon travail d'analyse et de synthèse. Il constitue un document comme on n'en a pas beaucoup à notre disposition. "

Sur le fond, François Goulard trouve que " le diagnostic est assez pertinent ". Il juge particulièrement intéressant le " message " selon lequel " la hausse des dépenses de santé n'est pas quelque chose que l'on pourra maîtriser ". " C'est nouveau. Le débat maîtrise comptable/maîtrise médicalisée est dépassé. On sait que la part des dépenses de santé dans le PIB augmente régulièrement et que cette progression est constante et inéluctable. Ce qu'on se dit désormais, c'est que, dans la mesure où la dépenses de santé est une dépense majeure, autant qu'elle soit optimale. En bref : dépensons mieux que nous le faisons mais ne croyons pas que cela va sauver l'assurance-maladie ".

Le mot " efficience ", qui figure dans le rapport, lui paraît approprié. " Notre système n'est pas efficace, ni à l'hôpital, ni en médecine libérale. Il s'agit pourtant d'un secteur économique majeur et il n'y a aucune raison qu'il échappe à ce genre de contraintes. "

Sur la forme, François Goulard est presque étonné d'avoir travaillé au Haut Conseil dans une ambiance sereine. " Au cours de nos débats, les réactions ont toujours été positives, explique-t-il. Il n'y a pas eu de rejets, de refus, de positions dogmatiques. Et ça, ce n'était pas acquis d'avance. En ce sens, nos travaux ont donné presque plus que ce qu'on pouvait en attendre. "

Voilà pour l'heureuse surprise. Moins satisfait le laissent les interprétations qui sont faites des intentions du Haut Conseil depuis que ses recommandations sont connues, en particulier en ce qui concerne la hausse de la CSG. François Goulard conteste " cette lecture consistant à chercher à travers les lignes du rapport des solutions à la crise de l'assurance-maladie ". Car, insiste le député, " ce n'est pas comme ça que le document doit être lu. Le Haut Conseil fait plus un constat de dysfonctionnement qu'il ne formule des propositions nouvelles - ce n'était d'ailleurs pas sa mission ".

Aux yeux de François Goulard, il est très important de comprendre que le choix entre des orientations étatistes et celles d'un paritarisme retrouvé n'a pas été fait. " C'est une ligne de fracture, et on ne sait pas de quel côté se rangera le gouvernement. Ou bien on est dans la ligne de 1996 et on va plus loin en matière de renforcement des pouvoirs de l'Etat. Ou bien on responsabilise les organismes de Sécurité sociale en donnant une nouvelle vie au paritarisme. "

Une réforme plutôt qu'un bouleversement.

Que va-t-il advenir du rapport du Haut Conseil ? Le gouvernement va-t-il oser, contrairement à ce que pensent les socialistes (voir ci-contre), lancer une réforme courageuse de l'assurance-maladie ? Le député UMP du Morbihan penche plus pour " une réforme importante " que pour un " bouleversement " du système. Il s'amuse, au passage, des accusations de frilosité déjà lancées par l'opposition : " Dans la bouche des représentants du PS, la critique ne manque pas de sel. Qu'ont-ils fait pendant cinq ans ? Ils ont observé l'inaction la plus pure, se sont contentés de faire rentrer l'argent. Ils ont bricolé... Alors, qu'ils reprochent par avance au gouvernement de ne pas faire une réforme, c'est presque drôle ".

K. P.

 

Hôpitaux et cliniques

La Générale de Santé se réjouit de la généralisation de la tarification à l'activité

Quotidien du médecin 23 janvier 2004

 

La Générale de Santé, leader de l'hospitalisation privée en France et en Europe, se félicite de la réforme de la tarification à l'activité, dans un contexte pourtant difficile pour elle et ce secteur d'activité.

Daniel Bour, P-D-G de la Générale de santé:les trois mérites de la réforme de l'hôpital (dr)

LE PRESIDENT de la Générale de Santé est à l'évidence satisfait. Il s'est déclaré " tout à fait favorable " à la réforme gouvernementale en cours dans les établissements de santé, à l'occasion de ses vœux à la presse.

Du plan Hôpital 2007 et de son volet " gouvernance " à la tarification à l'activité (T2A), " tout cela a un vrai sens ", estime Daniel Bour. Pour le P-DG du leader de l'hospitalisation privée en France et en Europe (avec 127 établissements), la loi, qui a généralisé la T2A à compter de 2004 (1), " a trois grands mérites ".

Tout d'abord, insiste-t-il, elle " oriente l'activité de l'hôpital sur la production de soins ", à l'heure où il existe " un vrai risque en France de voir apparaître des listes d'attente ". D'autre part, cette loi votée en décembre 2003 " reconnaît l'ensemble des acteurs de l'hospitalisation ", en leur donnant " les mêmes droits et les mêmes devoirs ", alors qu'" on connaît très peu le poids de l'hospitalisation privée " (qui assure " 2 opérations chirurgicales sur 3 et 10 % des urgences ").

Enfin, elle répare une " injustice " entretenue jusqu'à présent par " le manque de transparence ", souligne-t-il, puisque cette loi consacre désormais le principe " à prestation égale, tarif égal " à l'hôpital ou en clinique privée.

Vigilance malgré tout.

" C'est la première fois qu'on a les éléments de base pour contruire l'avenir ", résume le P-DG de Générale de Santé. Ce groupe de cliniques privées se montrera par conséquent " vigilant " afin que cette loi " soit appliquée et non démolie ", sachant qu'elle " n'a pas que des supporters ". Grâce aux nouveaux textes, les établissements de Générale de Santé seront " amenés de plus en plus à assumer davantage de missions d'intérêt général " (urgences, par exemple) et à coopérer avec le secteur public (comme à Lens, en chirurgie cardiaque).

Au nom de la " transparence " de l'hospitalisation publique et privée, le groupe se dit " favorable à des publications établissement par établissement sur les infections nosocomiales ".

Générale de Santé communiquera son bilan d'activité pour l'année 2003 le 12 février et les résultats du groupe le 18 mars. En attendant, Daniel Bour précise que le plan social annoncé auparavant " a eu lieu " et que le rachat de 33 % des parts du groupe par la société italienne Santé Holdings SRL (contrôlée par le Dr Antonino Ligresti), a été suivi de " quelques mois difficiles à gérer ". Localement, l'hôpital privé d'Antony (Hauts-de-Seine), issu du regroupement de quatre cliniques et inauguré en grande pompe l'an passé par Générale de Santé, en présence de deux ministres (" le Quotidien " du 20 mai 2003), connaît aujourd'hui des problèmes financiers. Daniel Bour explique en effet que cet établissement, pénalisé par des " loyers très lourds ", a ouvert trop tôt et " n'a pas bénéficié du plan hôpital 2007 " (dont le programme d'investissement devrait concerner " pas plus de dix " projets de la Générale de Santé).

Quant au groupe Capio, qui vient de racheter la clinique des Cèdres à Toulouse, Daniel Bour constate que Générale de Santé " risque de retrouver ce groupe concurrent plus souvent sur (son) marché ", tout en rappelant que son groupe figure loin devant Capio sur le secteur de l'hospitalisation privée française avec " 11 % de parts de marché " contre " moins de 2 % " pour son concurrent.

AGNÈS BOURGUIGNON

(1) Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004, qui prévoit la généralisation de la T2A avant octobre 2004 dans les cliniques et d'ici à 2012 dans les hôpitaux.

 

Jean-Marie Le Guen (PS) met le gouvernement au pied du mur

Quotidien du médecin 23 janvier 2004

Jean-Marie Le Guen (PS) approuve le rapport du Haut Conseil qui affirme, selon lui, la nécessité d'une " réforme de structure ". Mais il doute que le gouvernement suive cette voie.

SEUL PARLEMENTAIRE de l'opposition à siéger au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, Jean-Marie Le Guen, député (PS) de Paris, ne rejette pas l'état des lieux remis ce matin à Jean-François Mattei. Bien au contraire, la stratégie adoptée par le groupe socialiste est à l'évidence d'approuver ce constat " utile " et " équilibré ", sans doute pour mieux attaquer le gouvernement sur le fond de la réforme dans les mois qui viennent. " Le travail du Haut Conseil est bon, argumente Jean-Marie Le Guen, car il constitue un point d'appui en affirmant qu'une réforme de structure est possible, et en appelant toutes les parties à l'effort, y compris la médecine de ville, l'hôpital et le médicament. Hélas, on peut douter que le gouvernement s'engage dans cette voie. "

Pour le député socialiste, ce rapport signe un " retour au réel " : non seulement, il affirme des " choses importantes comme l'existence de marges de qualité dans l'organisation des soins ", mais il permet aussi de " chasser certains fantômes ". Ainsi, précise Jean-Marie Le Guen, le document " ne dit pas qu'il suffit de dérembourser, et il n'exalte pas les valeurs du libéralisme médical ".

Le PS ne crie pas au loup non plus quand le rapport du Haut Conseil avance l'idée d'une modulation du ticket modérateur qui permettrait d'inciter les patients à mieux utiliser le système de soins (tout en épargnant les revenus modestes et les ménages qui supportent des dépenses très lourdes). " Sous ces conditions, je ne suis pas contre l'idée d'un recul du remboursement si on avance sur les protocoles de soins, le dossier médical ", résume Jean-Marie Le Guen. " Le droit à la santé n'est pas un droit de tirage... ", admet le député socialiste.

Au chapitre de la médecine de ville, le PS reprend également à son compte le constat amer du Haut Conseil sur " le manque de système d'évaluation et de procédures de bonne pratique, l'insuffisance d'élaboration et de diffusion des références médicales ". Sur ces points, Jean-Marie le Guen accuse le gouvernement d'avoir ménagé son électorat traditionnel depuis 2002.

Signes inquiétants.

Si le PS approuve la copie du Haut Conseil et en vante même les mérites, il met déjà en garde contre toute exploitation politique de ce large consensus. " Si le gouvernement communique à ce stade en présupposant un accord sur la réforme, il y aura détournement de procédure! ", s'emporte Jean-Marie Le Guen.

Pour le député, les " premiers signes envoyés par le gouvernement sont plutôt négatifs ", et en particulier l'éventuel recours aux ordonnances pour réformer l'assurance-maladie. Et il n'exclut pas que les travaux du Haut Conseil ne soient finalement qu'un " simple rideau de fumée " utilisé par Matignon et l'Elysée.
Encore assez peu audible sur les questions de santé et d'assurance-maladie, le PS a décidé de ne pas se découvrir trop tôt. Après " consultation " des partenaires sociaux, il devrait réunir un grand colloque sur l'assurance-maladie en avril et proposer des mesures alternatives en juin. Jean-Marie le Guen annonce déjà des " propositions majeures " sur la démographie des professions de santé, l'accès aux urgences, ou la redéfinition des compétences.

CYRILLE DUPUIS

 

 

Sécurité sociale: consensus du Haut Conseil sur le "diagnostic"

Dominique Rodriguez, Libération 22 janvier

PARIS - Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie est parvenu à dégager un consensus sur le "diagnostic" qu'il remettra vendredi au gouvernement.

Son rapport, adopté à l'unanimité de ses 53 membres, fournit des axes pour une réforme: financement, qualité et organisation du système de soins, politique du médicament et "gouvernance".

Deux orientations s'en dégagent: la nécessité d'améliorer "par une action résolue" le fonctionnement du système et la coordination des acteurs du monde de la santé, ainsi que la capacité à "faire des choix" fondés sur la qualité médicale, le remboursement devant jouer là un "rôle d'incitation".

Premier à réagir à l'issue de l'ultime séance des travaux, le député socialiste Jean-Marie Le Guen a parlé d'un "travail collectif porté par la pluralité de ses membres".

Il a cependant mis l'accent sur le fait que "son contenu est substantiellement différent des intentions que lui avait assignées au départ le gouvernement, dont les intentions étaient essentiellement financières".

"Passée cette phase de diagnostic consensuel, on entre dans le vif du sujet, à savoir choisir un traitement pour soigner l'assurance maladie. Et c'est là que vont réellement s'exprimer les divergences", a commenté le Dr Michel Chassang, président de la CSMF (médecins libéraux).

Les clivages ont en fait ressurgi dès la levée de la séance, la neuvième depuis son installation le 13 octobre par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

La CGT a ainsi réaffirmé la nécessité d'élargir les prélèvements aux revenus financiers. La CFDT a une nouvelle fois revendiqué "la généralisation de la couverture complémentaire". Le gouvernement avait souhaité l'émergence d'un "diagnostic partagé" pour servir de base à la concertation promise sur la future réforme de l'assurance maladie.

Le rapport - une synthèse de 23 pages et trois chapitres sur les "paramètres financiers et économiques", "la "qualité du système de soins" et la "gouvernance" de l'assurance maladie - sera remis vendredi matin à Jean-François Mattei.

Le ministre de la Santé a confirmé lundi les étapes de la réforme: la remise du rapport donnera le coup d'envoi d'une phase de "dialogue, concertation" puis de "négociations" avec les professionnels de la santé, le monde mutualiste et les partenaires sociaux gestionnaires. Le ministre, dit-on de source proche du dossier, devrait commenter le rapport et lancer la concertation lors d'un "sommet de la santé", début février. La date du 9 février a été avancée. Un projet de loi sera in fine présenté en juin en conseil des ministres, pour son examen au Parlement en juillet.

LA CSG, "UNE DES REPONSES POSSIBLES"

Dans sa synthèse, intitulée "L'avenir de l'assurance maladie: l'urgence d'un redressement par la qualité", le Haut Conseil dresse un constat volontairement orienté sans toutefois aller jusqu'à formuler de véritables propositions. Soucieux de répartir les efforts, il écrit que "l'impérieuse remise en ordre des comptes doit servir d'élan" et souligne que "tous, institutions, professionnels de santé et assurés sociaux, nous serons appelés à faire évoluer nos comportements".

Le chapitre le plus long est d'ailleurs celui consacré à l'amélioration du système. En préambule, il réaffirme les principes et valeurs du système, solidarité et égalité dans l'accès aux soins. Il souligne que "l'assurance maladie constitue un de nos grands succès collectifs" mais se trouve "désormais en situation de grave péril" en raison de son déficit.

Il estime que les dépenses de santé vont continuer à croître à un rythme "très vraisemblablement significatif" et qu'en conséquence, "la conservation d'un système d'assurance maladie solidaire et économe en prélèvements obligatoires passe par la conjugaison de trois actions": améliorer le fonctionnement du système de soins et de protection sociale, ajuster les conditions de prise en charge et agir sur les recettes.

Une réforme structurelle "ne saurait exclure avec certitude toute augmentation de recettes sur longue période", écrit-il.

"La CSG, par son assiette large et le principe de proportionnalité qui la sous-tend, peut apparaître, de ce point de vue, comme une des réponses possibles", ajoute-t-il, évoquant "l'étude d'une modification de l'assiette des prélèvements". S'agissant du système de soins et de sa gestion, le constat du Haut Conseil est sans appel et évoque notamment "les dérives d'une assurance maladie mal régulée et mal gouvernée".

Il plaide pour une réorganisation du système autour d'un meilleur rapport qualité/prix, en soulignant que "cette recherche de qualité doit être un moteur".

Il estime de même possible d'ajuster les taux de remboursement en fonction du comportement plus ou moins "responsable" de l'assuré. Une mesure qui ne concernerait ni les ménages modestes ni les malades pris en charge à 100%. Sur la gestion de l'assurance maladie, "le Haut Conseil estime que l'enchevêtrement des compétences explique en partie, et en tous cas favorise les dérives du système". Il "constate de graves carences dans les outils de pilotage" qui nuisent à l'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins.

L'urgence est, selon lui, de mieux répartir les pouvoirs et les responsabilités entre l'Etat et les organismes de gestion.

Sans proposer de redécoupage des compétences, il fournit deux pistes: procéder "par délégation de blocs de compétence à un acteur précis" et associer transfert de compétences avec transfert de responsabilité.

 

EDF aujourd'hui, la SNCF demain, la semaine sociale s'annonce agitée.

Services publics en rogne, mais Matignon s'en moque

Vanessa SCHNEIDER et François WENZ-DUMAS, Libération mardi 20 janvier 2004

 

Raffarin espère qu'une reprise de l'emploi interviendra à temps pour lui éviter de nouveaux déboires avec la rue.

EDF-GDF, SNCF, hôpitaux : après des mois d'accalmie, les organisations syndicales reprennent le chemin de la mobilisation. Sans inquiéter outre mesure le gouvernement. "Ce n'est pas une préoccupation", indique un membre du cabinet de Jean-Pierre Raffarin qui précise que la grogne des prochains jours n'a même pas été abordée lors des réunions autour du Premier ministre.

Pour Matignon, la diversité des revendications entre les différents secteurs limite l'effet boule de neige qui avait été observé au printemps autour des retraites et de la décentralisation. Un autre facteur rassure le Premier ministre : persuadé que sa cote de popularité est indexée sur la croissance, il croit dur comme fer à l'amélioration de la conjoncture prévue par les économistes. Et il espère qu'une reprise de l'emploi interviendra à temps pour lui éviter de nouveaux déboires avec la rue. Sa remontée dans les sondages lui laisse à penser que le pire est derrière lui.

Optimisme. En martelant son message sur le "social durable", Jean-Pierre Raffarin veut convaincre l'opinion qu'il s'attaque aux "problèmes de fond" comme ceux de la retraite et de l'assurance maladie. S'il sait qu'une grande majorité de Français ne lui fait guère confiance en matière de politique économique, il mise sur le volontarisme en matière d'emploi exprimé par Jacques Chirac lors de ses voeux pour faire patienter les mécontents au moins jusqu'aux élections du printemps. Ce bel optimisme n'est pas partagé par l'ensemble du gouvernement. Un ministre important rappelle ainsi que les ennuis d'Edouard Balladur ont commencé avec l'amélioration de la situation de l'emploi et estime que "c'est lorsque l'on retrouve des marges de manoeuvre économiques que les revendications se réveillent". D'autant plus que le gouvernement a des dossiers minés à gérer. Et les mouvements sociaux ont au moins un fil conducteur : la défense des services publics.

Aujourd'hui, les salariés d'EDF-GDF partent en guerre contre la privatisation (lire ci-contre). Demain ce sera le tour des cheminots (1), avec l'appel à la grève lancé par quatre fédérations (CGT, FO, Sud Rail et autonomes de la FGAAC). Les syndicats vont se mobiliser très fortement contre la faiblesse des hausses de salaire annoncées (1 %) et les perspectives de réduction d'effectifs (moins 3 500 emplois sur 172 400). Mais la menace d'un service minimum les inquiète aussi, en dépit de la prudence de Jacques Chirac qui n'a parlé que d'un "service garanti" à négocier avec les syndicats lors de ses voeux. Sans oublier le dossier "retraites" : épargnés par la réforme Fillon, les cheminots sont désormais en première ligne.

Jeudi, les salariés d'Aéroports de Paris manifesteront contre la privatisation annoncée de cet établissement public. Le personnel hospitalier est également appelé à la grève jeudi par quatre syndicats (CGT, FO, CFTC et Sud) pour réclamer des recrutements.

Sages-femmes. Hier, les sages-femmes de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont donné un avant-goût de ce mouvement, contre la modification de leur système de garde. Leur grève aurait été suivie, selon les organisatrices, à plus de 80 %, même si, en raison des réquisitions, les accouchements ont été assurés normalement. Autant de points de fixation qui seront décortiqués par le gouvernement.

 

Le Sénat épargne les psychanalystes

L'amendement Accoyer encadrant la psychothérapie

a été modifié pour éviter le tollé et a été voté.

Eric FAVEREAU Libération mardi 20 janvier 2004

"Nous avons jusqu'à juin, avec les différentes navettes parlementaires, pour trouver la bonne formulation." Jean-François Mattei, ministre de la Santé. Après de multiples reports de séance, le Sénat a voté finalement, hier en début de soirée, un amendement tendant à réglementer l'usage du titre de psychothérapeute. Est ainsi créé un "registre national des psychothérapeutes" pour tous ceux qui voudraient se servir de ce titre. Seraient néanmoins "dispensés de s'inscrire les médecins, les psychologues d'Etat ainsi que les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leur association". Une façon de ne pas toucher à la psychanalyse.

Fin du débat ? Nullement. Le ministre de la Santé s'est montré on ne peut plus prudent. Prenant bien soin de préciser que "le gouvernement reste très ouvert". "Nous avons jusqu'au mois de juin, avec les différentes navettes parlementaires, pour trouver la bonne formulation. Et quand bien même, ajoute Jean François Mattei, la rédaction ne serait pas très satisfaisante, il nous appartiendra encore de l'améliorer." En d'autres termes, rien n'est définitif.

Fronde. Drôle d'impression, en tout cas, hier au Sénat sur les bancs de la majorité ! On aurait dit qu'elle avait entre les mains une "patate chaude" dont elle ne savait comment se débarrasser. Obligés de discuter de l'amendement dit Accoyer ­ voté en première lecture le 8 octobre par l'Assemblée, et qui entendait réserver aux seuls médecins et psychologues la pratique de psychothérapie ­, nos sénateurs ont tenté durant toute la séance de se dépêtrer de ce texte qui avait provoqué une véritable fronde dans la planète psy. "On vit, depuis le début, dans un débat surréaliste. On ne saurait compter sur ce sujet le nombre de changements d'ordre du jour, de saucissonnages successifs. Il nous est dit qu'il va y avoir un amendement du gouvernement, mais celui-ci dément", a expliqué en préalable Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste.

Jean-Pierre About (UMP), président de la Commission des affaires sociales et manifestement très agacé par ce débat, s'énerve. Puis lâche : "Ce texte n'a pas plus d'importance qu'un autre. En tout cas, vos propos relèvent du fantasme, et très logiquement ils vont avoir toute leur place dans le débat qui va suivre." Le sénateur UMP Françis Giraud, pourtant rapporteur du projet, ne cache pas non plus son peu d'intérêt pour le sujet. Et fait ouvertement le service minimum. "Nous n'avons pas voulu encadrer la pratique de psychothérapie, mais l'usage du titre, dont tout le monde peut se prévaloir aujourd'hui." La solution proposée est donc de le réserver aux seuls médecins ou psychologues, mais pour avoir la paix, on exclut les psychanalystes de toutes obligations. Voilà, c'est simple, pas besoin de longues diversions, et fermez le ban.

Dialogue. "Je voudrais affirmer mon opposition totale, radicale, sur la forme comme sur le fond, a rétorqué Jean-Pierre Sueur. C'est une question grave dont il n'est pas admissible qu'elle ait été traitée de cette façon-là. Nous demandons le retrait pur et simple de cet amendement pour deux raisons. Nous n'acceptons pas l'idée d'une tutelle de la psychiatrie sur l'ensemble des psychothérapies. Car ce serait un retour à l'hygiénisme. Et, en second lieu, nous considérons que le dialogue est la ligne essentielle pour légiférer. C'est pour cela que nous demandons une mission d'information."

La gauche, qui avait voté en faveur de l'encadrement, y est aujourd'hui radicalement opposée. Jack Ralite, ex-ministre communiste, appelant à la rescousse poètes et philosophes, dénonce un "grignotage de l'Etat de droit". Rien n'y fait. Par 198 voix contre 117, l'amendement est adopté.

 

 

EDF-GDF, SNCF, hôpitaux : accès de fièvre dans le secteur public

Le Monde 21 janvier 2004

Les salariés des entreprises sous statut multiplient les actions cette semaine pour défendre des revendications variées : hausse des salaires, rejet du service minimum, refus de la privatisation, demande de moyens supplémentaires. Hormis à la SNCF, les syndicats ont du mal à mobiliser

Les foyers de tensions se multiplient dans le secteur public. Après la journée d'action organisée par les syndicats d'EDF ET DE GDF, mardi 20 janvier, pour protester contre les projets de changement de statut, les agents de la SNCF étaient appelés à une journée de GRÈVE, mercredi, par quatre syndicats (CGT, SUD-Rail, FGAAC-autonome, FO), qui réclament des augmentations de salaires et rejettent l'instauration d'un service minimum. Le trafic devrait être très perturbé. Jeudi, les AGENTS HOSPITALIERS sont appelés à la grève par des syndicats de salariés et trois organisations de praticiens, qui dénoncent le manque de moyens alloués aux hôpitaux. Un préavis de grève a été déposé pour le 26 janvier à FRANCE TÉLÉCOM, qui a annoncé, lundi, 14 500 suppressions d'emplois cette année, dont 8 800 en France.

D'arrêts de travail ponctuels en grèves de 24 heures, le secteur public va renouer, cette semaine, avec les mouvements sociaux. Les entreprises publiques devaient ouvrir le ban, à partir de mardi 20 janvier, suivies par les hôpitaux jeudi. Les fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales sont invités à prendre le relais de la mobilisation à partir du 26 janvier.

Alors que le gouvernement, confiant dans les chances du redémarrage de la croissance, espère faire reculer le chômage, la question des effectifs reste extrêmement sensible tant à l'hôpital que dans les entreprises publiques. L'annonce par France Télécom de la suppression de 14 500 postes dans le monde (dont 8 800 en France) l'atteste. S'y ajoutent, ici ou là, les craintes alimentées par les projets de changement de statut - à EDF-GDF ou Aéroports de Paris (ADP) -, et le fort ressentiment des salariés, à l'instar des cheminots, sur la question des salaires, qui est aussi objet d'un lourd contentieux entre les syndicats et le ministre de la fonction publique, Jean-Paul Delevoye.

EDF-GDF : contre le changement de statut.

C'est un étrange jeu de chat et de souris auquel se livrent depuis des mois les syndicats, le gouvernement et les directions des deux entreprises publiques. La journée d'avertissement lancée mardi par la CGT, la CFDT et FO, à EDF et Gaz de France, et assortie d'arrêts de travail de deux à huit heures et de rassemblements locaux, vise à dénoncer le projet de changement de statut des entreprises. Un projet sans cesse annoncé, sans cesse reporté par le premier ministre, malgré la poussée très forte des deux ministres en charge du dossier à Bercy, Francis Mer et Nicole Fontaine, et par les présidents des deux entreprises, François Roussely et Pierre Gadonneix. Jean-Pierre Raffarin a de nouveau botté en touche, le 12 janvier, se contentant de déclarer que le changement interviendrait "en 2004". Le 16 décembre 2003, Bruxelles a donné à Paris jusqu'au 31 décembre 2004 "au plus tard" pour réformer le statut d'EDF, en supprimant la garantie illimitée de l'Etat. Le premier ministre semble décidé à exploiter ce délai, et en tout cas à laisser passer les élections régionales, au grand dam de Francis Mer.

M. Roussely, pour sa part, a réitéré, dimanche, au "Grand jury RTL-Le Monde-LCI" (Le Monde du 20 janvier), son souhait de voir levé le "principe de spécialité" - qui empêche statutairement EDF de faire autre chose que de l'électricité, en France -, "avant le 1er juillet", date de l'ouverture du marché de l'énergie à l'ensemble des professionnels. Le président d'EDF a rappelé que l'ouverture du capital "devait être traité consécutivement" au changement de statut. "Nous avons besoin d'une ouverture minoritaire de capital, à hauteur de 10 à 20 milliards d'euros, tout simplement parce que nous sommes sous-capitalisés".Un vrai chiffon rouge pour les syndicats. La CGT s'est dite "prête à une confrontation majeure"avec le gouvernement sur le sujet.

SNCF :

les salaires en jeu. CGT, FO, SUD-RAIL et FGAAC ont appelé à une grève "carrée" (sans reconduction) de 24 heures. Ce mouvement devait débuter mardi 20 janvier à 20 heures et durer jusqu'à jeudi 8 heures. Mercredi, la SNCF prévoit de faire circuler en moyenne 65 % des TGV et 50 % des trains Corail. Le trafic des trains et RER Transilien pour la partie SNCF, sera assuré, aux heures de pointe, à hauteur de 20 % pour le RER A et 25 % pour les RER B, C et D. Pour le RER E, seulement 10 % des trains rouleront. Pour le réseau de trains Paris-Est, le trafic sera assuré à hauteur de 35 %, tandis que sur le réseau Paris-Nord (hors RER B et D) seuls 25 % des trains circuleront.

Aéroports de Paris :

contre la privatisation. Les salariés d'Aéroports de Paris (ADP) sont invités à faire grève, jeudi, à l'appel de tous les syndicats, pour exprimer " leur refus de la privatisation y compris partielle" et exiger " le maintien du statut actuel" de cet établissement public. Son nouveau président, Pierre Graff, avait annoncé, le 7 décembre, qu'ADP serait transformé en société anonyme par une loi qui " devrait être déposée devant le Parlement au printemps 2004". Ensuite, sans doute au printemps 2005, l'Etat procédera à l'ouverture du capital mais restera majoritaire, avait-il ajouté. Estimant, que seul son statut actuel permet à ADP (et à ses 3 000 salariés) de poursuivre ses missions de service public, et notamment de garder la gestion de ses plates-formes, les syndicats ont demandé à être reçus jeudi par M. Graff et par le ministre des transports, Gilles de Robien.

hôpitaux : contre le plan Mattei.

Les fédérations de la santé CGT, FO, SUD et CFTC ainsi que trois syndicats de praticiens hospitaliers - la Confédération des hôpitaux généraux (CHG), la Coordination médicale hospitalière (CMH) et l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) - appellent les personnels à une "journée nationale d'actions et de grève", jeudi 22 janvier, après une première tentative de mobilisation, le 16 décembre. Ils dénoncent "la dégradation permanente des conditions de travail" à l'hôpital et "la réduction continue de l'offre de soins", et exigent notamment l'ouverture de "réelles négociations" sur les effectifs et la formation. Sud réclame, en outre, le "retrait" pur et simple du plan Hôpital 2007 dont deux volets importants seront mis en œuvre en 2004 : la réforme budgétaire avec la tarification à l'activité ; celle de la gouvernance, avec la création de pôles d'activité et de nouvelles procédures de nomination des chefs de service. Deux syndicats (CMH, Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics) ont toutefois approuvé le texte sur la gouvernance proposé par Jean-François Mattei.

Fonctionnaires : refus du gel des salaires en 2003. Les fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales devraient prendre le relais de la mobilisation dans la semaine du 26 au 30 janvier. Sans lancer de mot d'ordre de grève, les sept fédérations ont appelé à une "semaine d'actions unitaires" sur les salaires. Après un mois d'interruption, le dialogue avec le ministre de la fonction publique a certes repris début janvier, mais le contentieux salarial reste entier. Les syndicats, qui jugent inacceptable la décision du gouvernement de faire de 2003 une année blanche et de ne consentir pour 2004 qu'une simple revalorisation générale de 0,5 %, exigent l'ouverture "sans délais" de négociations salariales. La contestation dépassant la seule question des salaires pourrait déboucher sur des arrêts de travail. Dans les académies de Lille et de Limoges, des mots d'ordre de grève ont été lancés pour protester contre les suppressions de postes et la nouvelle carte scolaire.

Séquences Entreprises et France

Après les mouvements du printemps, les syndicats ont du mal à remobiliser les salariés

Trois journées nationales d'action en une semaine, c'est plus que durant les quatre derniers mois. Cette "remobilisation des salariés", selon Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, marque-t-elle la fin de la période d'accalmie sociale qui a succédé aux grèves et aux manifestations du printemps 2003 ? Aucun dirigeant syndical ne se risque au moindre pronostic, mais M. Thibault a estimé, le 15 janvier sur France 2, que "la pression sociale va s'accroître dans les prochaines semaines".

De fait, après le conflit sur la réforme des retraites, les directions syndicales ont eu d'autres préoccupations. Engagées dans de nombreuses négociations (formation professionnelle, retraites complémentaires, restructurations) et inquiètes de la réforme du dialogue social préparée par le ministre du travail et des affaires sociales, François Fillon, les confédérations n'ont pas fait descendre leurs troupes dans la rue. Bien qu'en désaccord sur certains de ces dossiers, notamment celui du dialogue social, et opposés à la politique sociale du gouvernement et aux revendications du Medef, les responsables syndicaux n'ont pas estimé être capables de mobiliser.

"LES TEMPS FORTS, CELA USE"

La longue série de journées d'action qui a marqué le printemps 2003 a aussi laissé des traces. Et certains s'interrogent sur l'efficacité de la tactique employée. Jean-Claude Mailly, secrétaire confédéral de FO et probable successeur de Marc Blondel à la tête de la confédération, en février, confie ses doutes sur une telle stratégie : "Concernant les journées d'action, on ne fera pas cela dix fois, avec des sauts de puce. Les "temps forts" de la CGT chaque semaine, cela use."

Dans la fonction publique en particulier, les fédérations syndicales se montrent prudentes. Si elles ne sont pas disposées à lâcher sur la question des salaires, elles ne se sont pas risquées pour autant à appeler à une journée de grève, ni même à une manifestation nationale. Le choix d'une "semaine d'actions unitaires" est une façon de tester la capacité de mobilisation des fonctionnaires sans prendre le risque d'un échec. "Ayant fait le constat qu'avec trois semaines à un mois de grève ils n'avaient pas réussi à faire reculer le gouvernement sur les retraites, les agents ne sont pas prêts aujourd'hui à s'engager dans une grève de 24 heures, observent tous les responsables syndicaux. D'autant que le mouvement du printemps leur a coûté cher." La fermeté avec laquelle le gouvernement a décidé d'appliquer les retenues sur salaire à l'issue de ce mouvement pèse. En décembre, certains salariés l'ont encore constaté sur leur fiche de paye. Et sur fond de rigueur salariale, les agents évaluent d'autant plus l'impact d'un mouvement sur leur pouvoir d'achat.

Au-delà des interrogations sur leurs capacités réelles à mobiliser, les syndicats sont aussi occupés sur leur "front intérieur". La CFDT est sortie du mouvement des retraites marquée par une crise importante. La direction confédérale a dû alors se mobiliser pour convaincre nombre d'équipes syndicales du bien-fondé de sa stratégie au printemps. FO est, quant à elle, plongée depuis l'automne dans la préparation de son congrès. Au point que M. Blondel s'est énervé de n'avoir "personne" auprès de lui pour suivre les nombreux dossiers en cours. La même semaine que FO se tiendra le congrès de la FSU, qui doit débattre, entre autres thèmes, de l'élargissement de son champ de syndicalisation. L'UNSA, qui accueille de nouvelles équipes, doit, elle, définir son identité et sa stratégie.

Chaque organisation fait donc face à des débats internes, et sa stratégie unitaire est parfois à redéfinir. Autant de difficultés supplémentaires qui freinent la mobilisation et rendent difficile l'unité syndicale.

Rémi Barroux et Laetitia Van Eeckhout

 

Le Sénat crée un registre national des psychothérapeutes

qui ne sera pas imposé aux psychanalystes

Le Monde 21 janvier 2004

L'amendement adopté a été présenté par le ministre de la santé et remplace celui, controversé, du député Bernard Accoyer. Pour M. Mattei, sa rédaction n'est toutefois pas définitive

Exit l'amendement Accoyer. Voici l'amendement Mattei. C'est finalement en adoptant un amendement du ministre de la santé à son projet de loi sur la santé publique que le Sénat a créé, lundi 19 janvier, un registre national des psychothérapeutes. Les médecins, les psychologues titulaires d'un diplôme d'Etat et "les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations" seront dispensés de cette inscription pour pratiquer la psychothérapie. Du même coup, M. Mattei et les sénateurs ont sans doute rallumé le feu de la polémique avec les psychothérapeutes et une partie des psychanalystes regroupés autour de Jacques-Alain Miller. Ceux-ci en tenaient pour l'amendement proposé par le vice-président du Sénat, Adrien Gouteyron (UMP, Haute-Loire), qui prévoyait d'instituer un "conseil national des pratiques thérapeutiques relatives au psychisme" (Le Monde du 13 janvier).

Jean-François Mattei avait repris au vol la suggestion du président de la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas About (Union centriste, Yvelines) pour proposer un amendement. L'opposition a d'autant moins apprécié la surprise que M. Mattei avait affirmé, quelques minutes plus tôt, que le gouvernement n'avait pas l'intention de déposer d'amendement sur l'article concerné.

"EXPÉRIENCE PERVERSE"

La demande de priorité formulée par Nicolas About, laquelle est de droit, a fait que les autres amendements proposés - celui de M. Gouteyron, ainsi que ceux, convergents, des groupes socialiste et communiste, supprimant purement et simplement l'article en question - n'ont pas été soumis aux suffrages. Autre sujet de mécontentement, le scrutin public, également demandé préalablement par M. About, et qui s'est soldé par un vote de 198 voix pour et 117 contre. Cette modalité permet en effet de comptabiliser les procurations et de faire le plein des voix, contrairement au vote à main levée, plus aléatoire, de la trentaine de sénateurs présents à ce moment-là dans l'Hémicycle.

Avant d'en arriver à ce résultat, les débats ont été vifs. Tout d'abord sur les conditions de la discussion. Déjà reporté de jeudi à lundi en raison de l'indisponibilité de M. Mattei, l'examen de l'article controversé a eu lieu peu après 17 heures, une fois que le ministre de la santé avait rejoint les sénateurs, en interrompant l'examen d'un autre article.

Avec un ton que n'aurait pas renié Pierre Brasseur, le sénateur communiste Jack Ralite (Seine-Saint-Denis) a qualifié l'amendement Accoyer de "tentative d'expérience particulièrement perverse". Il a appelé à "créer des réseaux de connivence avec les artistes et les chercheurs" et "une commission parlementaire mixte". Dans un style moins flamboyant, sa collègue de groupe Nicole Borvo (Paris) a pointé les problèmes de santé mentale et a invité le Parlement à "se pencher sur la réalité de la santé mentale avant de légiférer".

Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret) a développé son "opposition totale à l'amendement Accoyer, sur la forme et sur le fond". S'adressant à Jean-François Mattei, il a poursuivi : "Monsieur le Ministre, vous auriez tort de vous entêter, car vous en subiriez les conséquences."Cette mise en garde a été reprise dans des termes beaucoup plus virulents lors d'une explication de vote de Gérard Delfau (RDSE, Hérault), favorable à l'amendement Gouteyron : "Monsieur le Ministre, pour le restant de vos jours, vous serez responsable d'avoir fait voter un amendement liberticide." Reprenant une phrase de l'amendement repris par M. Mattei, M. Delfau a lancé : "Vous nous dites : le représentant de l'Etat décide qui est psychothérapeute. Même au temps de Staline, des voix se seraient élevées..."

M. Mattei a été pris à partie plus subtilement par Marie-Christine Blandin (apparentée socialiste, Nord), qui lui rappelait qu'il avait jugé prématurées les propositions faites un peu plus tôt dans le débat pour lutter contre l'obésité : "Trop tôt pour les fontaines d'eau et l'étiquetage des boissons. Pas pour les psychothérapeutes..." Peu à l'aise dans ce débat provoqué par une initiative parlementaire et éclipsant quelque peu les ambitions de son projet de loi, M. Mattei a tenté de convaincre les sénateurs que la navette parlementaire laisserait, d'ici juin, le temps d'"améliorer le texte". Personne ne s'est aventuré à estimer que cela n'était pas nécessaire.

Paul Benkimoun

 

Marseille

L'inquiétude des hospitalo-universitaires

Quotidien du médecin 21 janvier 2004

Le Syndicat hospitalo-universitaire de Marseille, présidé par le Pr Jean-Claude Peragut, et qui rassemble plus de 140 professeurs de la faculté de médecine de Marseille, s'élève contre différentes dispositions du projet de loi hospitalière.

Tout en rappelant qu'ils ont longtemps souhaité une réforme des hôpitaux, ils estiment que le texte proposé par le gouvernement, " qui a pour but essentiel une meilleure maîtrise des dépenses de santé, risque de renforcer l'influence du personnel administratif au détriment du personnel médical, qui aura moins d'influence dans les choix stratégiques : cela aura pour conséquence d'aggraver la tendance, malheureusement déjà en route depuis plusieurs années, de substitution de la logique de soins, seule garante de la qualité, par une logique économique dans la gouvernance hospitalière ".

Ils reprochent également au projet de compromettre le rôle spécifique des CHU en ne les distinguant plus des centres hospitaliers généraux et, au sein même des CHU, de remettre en cause le statut des personnels mixtes (hospitaliers et universitaires), les procédures de nomination des responsables des pôles de spécialité restant très floues dans le projet de loi.

F. C.

 

Les vœux de Jean-François Mattei

" Ni le NHS britannique, ni un système à l'américaine "

Quotidien du médecin 21 janvier 2004

La réforme de l'assurance-maladie est l'" objectif numéro un " de Jean-François Mattei pour 2004. Lors de ses vœux à la presse, le ministre de la Santé a écarté toute évolution vers le système américain " coûteux et inéquitable ", ou vers le NHS britannique étatisé.

Après une année de " bouleversements " marquée par le " terrible bilan humain " (15 000 morts) provoqué par la canicule mais aussi par un contexte économique " maussade " qui " a fortement aggravé " les comptes de l'assurance-maladie, Jean-François Mattei, qui présentait ses vœux à la presse, s'est efforcé de montrer qu'il tenait bon la barre et regardait l'avenir. Evoquant un programme de travail " considérable " pour les 12 prochains mois, il a affirmé que la réforme de l'assurance-maladie était l'" objectif numéro un " de son ministère avec désormais " une obligation de résultat ". " Même avec une croissance satisfaisante, le déficit de l'assurance-maladie dépasserait les 100 milliards d'euros en 2020, soit l'équivalent de 5,5 points de CSG ; ce n'est pas supportable ", a-t-il rappelé pour planter le décor.

Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie remet vendredi à M. Mattei son diagnostic, première étape avant une phase de concertation puis de négociation avec les partenaires sociaux et les professionnels. Mais le ministre de la Santé est resté très discret sur les orientations de la réforme, en se contentant de souligner les " défis " à relever : " manque de clarté dans les responsabilités ", " organisations imparfaite de l'offre de soins ", " gaspillages et abus trop nombreux ".

Les enjeux de la réforme

Sur tous ces points, Jean-François Mattei espère que le rapport du Haut Conseil aura un " rôle pédagogique pour les acteurs puis, plus largement, pour l'opinion publique ". Une nouvelle fois, le ministre a fait appel à " la responsabilité de toutes les parties ": professionnels de santé, patients, gestionnaires des organismes d'assurance-maladie, Etat.

Sur le fond, Jean-François Mattei a expliqué, presque dans les mêmes termes que Jacques Chirac, que l'enjeu de la réforme était de " consolider notre assurance-maladie à la française (...) sans imposer à nos concitoyens des charges excessives ". Il a écarté toute évolution vers un système de soins " comme celui du NHS britannique, géré par l'Etat et sans libre choix du médecin " ou encore " à l'américaine, en raison notamment de son caractère coûteux et inéquitable ".

Il refuse tout autant une organisation qui " mettrait en concurrence les assureurs ", une piste que propose d'explorer le Medef. " En clair, nous ne voulons pas d'une médecine à deux ou trois vitesses ", a-t-il martelé. Loin de sous-estimer la tâche " peut-être plus ardue encore que la réforme des retraites ", le ministre de la Santé s'est dit " prêt et déterminé " à affronter personnellement les difficultés, même si des rumeurs récurrentes annoncent son départ à l'occasion d'un prochain remaniement. Jean-François Mattei aborde ces défis apparemment " impossibles " animé de trois vertus : l'" humilité, l'ambition et la passion, qui conduisent à croire que l'on peut y arriver et que l'on va y réussir ".

CYRILLE DUPUIS

 

 

Assurance-maladie, adoption, Europe : le calendrier du premier ministre

Le Monde 13 janvier 2004

A l'occasion de ses vœux à la presse, Jean-Pierre Raffarin a publiquement parié sur sa longévité à Matignon, qui n'est pas menacée par "tel ou tel magazine", allusion transparente à la"une" de L'Express qui avait annoncé à l'automne sa "fin". Il a d'abord rappelé son attachement au développement de la presse, annonçant une commission de réflexion nationale sur les journaux, qui devrait proposer un programme d'initiative.

Dans son discours, le premier ministre s'est attaché à mettre en perspective l'action gouvernementale et à défendre le rassemblement de la majorité aux régionales. Il a indiqué qu'il tiendrait "le cap défini par l'agenda 2006". Il a cité la baisse des prélèvements, la décentralisation, la baisse de la délinquance, le renforcement de l'autorité républicaine, la modernisation par la négociation de la fonction publique, la maîtrise de l'immigration et "une politique sociale durable".

Sur la réforme de la sécurité sociale, M. Raffarin a annoncé qu'"il reste des impasses sociales qui menacent -notre- modèle". "Ainsi, a-t-il ajouté, pour sauver la sécurité sociale, il nous faut réussir la réforme de l'assurance maladie. Dans quatre ans, l'immobilisme nous menacerait d'un déficit cumulé de 100 milliards d'euros." Le premier ministre a fixé "cinq principes": une assurance maladie"obligatoire et universelle" ; une contribution au financement qui dépende des revenus ; un accès égal aux soins ; le maintien des régimes actuels sans privatisation ; le retour vers l'équilibre en 2007.

Le calendrier de cette réforme débute par la remise au gouvernement du rapport du Haut-Conseil pour l'assurance maladie,"la semaine prochaine".Des groupes de travail avec les partenaires sociaux rendront leurs conclusions"fin mars". M. Raffarin s'est engagé à ce que le parlement débatte "en juillet"d'un texte "dont l'ambition sera de garantir à la sécurité sociale un équilibre".

Le premier ministre a également dit son souci que "l'esprit de justice soit davantage présent au sein de la sphère privée". Prenant acte de la réforme du divorce, votée la semaine dernière à l'Assemblée, M. Raffarin a demandé au ministre de la famille, Christian Jacob, de proposer des solutions permettant de "doubler d'ici à 2006 le nombre d'adoptions en France".

Revenant sur le conflit avec les chercheurs actuellement en cours, il a expliqué que la recherche "fera elle aussi l'objet d'une grande étape législative", comme l'avait annoncé Jacques Chirac, lors de ses vœux, afin de moderniser "la gestion et le pilotage" de celle-ci "avec plus de souplesse et de réactivité". "J'affirme solennellement, a-t-il déclaré, qu'il est faux de dire que les moyens de la recherche diminuent".

M. Raffarin a également réévoqué le conflit des intermittents du spectacle. "La mobilisation, a-t-il dit, pour et par l'intelligence passe aussi par une relance de la création culturelle, avec un effort particulier pour le spectacle vivant".

Le premier ministre a en outre annoncé son intention de faire de 2004 l'année du "combat pour l'égalité des chances et de la lutte contre les discriminations", quelques jours avant la nomination du premier préfet d'origine immigrée, au conseil des ministres du 14 janvier. Il s'est engagé à créer une "autorité administrative indépendante" ainsi qu'à réunir "au second semestre 2004 une grande conférence pour l'égalité des chances, avec les entreprises, les partenaires sociaux et l'Etat pour mettre en place les principes et les moyens d'une vraie mobilisation positive".

Tirant les conclusions de l'échec de la conférence intergouvernementale des pays de l'Union, le premier ministre a indiqué qu'il s'impliquerait "beaucoup dans le rapprochement franco-allemand". "L'amitié germano-française doit servir de pole d'accueil, a-t-il poursuivi, pour ceux qui souhaitent faire progresser l'Europe". Enfin, M. Raffarin a pris son auditoire par surprise en souhaitant "une bonne année à l'opposition". "La belle politique peut être de retour, s'est-il exclamé. La belle politique n'est pas celle du consensus, mais celle de du débat respecté parce que respectable, où la contradiction n'est pas la négation, ou la critique n'est pas le mépris".

Les cinq grands axes du projet de loi sur la santé publique

Composé de 56 articles, ce plan entend notamment donner plus de moyens pour la prévention

L'importance des réactions suscitées par l'adoption le 8 octobre par l'Assemblée nationale de l'amendement Accoyer visant à réglementer la pratique des psychothérapies a quelque peu éclipsé le contenu du projet de loi sur la santé publique, qui vient en discussion au Sénat à partir du 13 janvier. Riche de 56 articles, ce projet "a l'ambition de donner à l'Etat les moyens de tenir son rôle de garant de la santé publique et fait justice d'une compréhension des faiblesses structurelles les plus graves qui ont handicapé notre système de santé cet été", comme l'a expliqué en décembre 2003 le ministre de la santé, Jean-François Mattei, lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat.

Les objectifs du texte sont multiples. Il s'agit, a expliqué le ministre, de "fonder en France, pour la première fois depuis 1902 -date de la première grande loi de santé publique-, une politique pérenne de santé publique" et de remédier au "profond déséquilibre entre le soin et la prévention". Seulement 2,4 % des 150 milliards d'euros consacrés chaque année aux dépenses de santé vont en effet à la prévention. Un ensemble d'objectifs pour le système de santé est donc fixé à un horizon de cinq ans.

En même temps, le projet de loi souhaite répondre à la demande nouvelle des citoyens vis-à-vis de l'Etat et à l'urgence constituée par le "niveau anormalement élevé" de la mortalité prématurée (avant 65 ans) et "l'inégalité des Français face à la maladie et la mort".

Le texte est divisé en cinq grandes parties. Le titre I "définit le périmètre de la santé publique, clarifie les responsabilités, simplifie les instances impliquées", a résumé M. Mattei. Le projet de loi développe des objectifs et des plans régionaux de santé publique, dans le cadre d'une politique nationale. L'Assemblée nationale a rétabli la Conférence nationale de santé que le gouvernement voulait supprimer.

Le titre II porte sur les instruments d'intervention. L'un des éléments-clés est la création des groupements régionaux de santé publique (GRSP) pour coordonner les compétences locales. En effet, une multitude de structures interviennent au côté de l'Etat et de l'assurance-maladie : observatoires régionaux de la santé, comités départementaux d'éducation à la santé, associations, etc. Selon le projet de loi, les GRSP auraient une double tâche : "assurer la surveillance épidémiologique, l'observation de la santé et les investigations épidémiologiques, et mettre en œuvre les programmes de santé contenus dans le plan régional de santé publique". La commission des affaires sociales du Sénat s'inquiète d'éventuels conflits d'intérêts au sein des GRSP et regrette que l'attribution de la présidence de ces groupements d'intérêt public (GIP) aux préfets de région ne "prête le flanc aux reproches d'"étatisation"."

Canicule oblige, le gouvernement a ajouté un chapitre sur la "modernisation du système de veille, d'alerte et de gestion des situations d'urgence sanitaire". Il réaffirme les missions prospectives de l'Institut de veille sanitaire et donne une base légale aux plans blancs de mobilisation hospitalière.

SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Les dispositions relatives aux cinq plans nationaux sont développées au titre III. Ces plans sont les suivants : lutte contre le cancer ; lutte contre la violence, les comportements à risque et les conduites addictives (violence routière, toxicomanie...) ; impact des facteurs environnementaux sur la santé ; amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; amélioration de la prise en charge des maladies rares. Un plan national de santé environnementale a été adjoint. La commission des affaires sociales du Sénat a regretté que "la problématique de la santé au travail ne soit pas explicitement intégrée dans le champ" de ce plan, comme l'indiquent dans leur rapport Francis Giraud (UMP, Bouches-duRhône) et Jean-Louis Lorrain (UC, Haut-Rhin). C'est dans ce titre III que se trouve l'article 18 quater portant sur la "prescription et mise en œuvre des psychothérapies".

Le quatrième titre porte sur la recherche et la formation en santé, avec en particulier la création de l'Ecole des hautes études en santé publique. Il encadre également le dispositif des recherches biomédicales, précisant les règles de fonctionnement des comités de protection des personnes se prêtant à de tels travaux. Bien que favorable au maintien d'une sanction en cas de non-respect de l'obligation de formation médicale continue, la commission des affaires sociales du Sénat n'est pas revenue sur sa suppression, voulue par M. Mattei et adoptée par les députés. Le dernier titre comprend des dispositions diverses : modernisation de l'exercice de la profession de sage-femme, création d'un ordre national de la profession de masseur-kinésithérapeute...

Lors du débat à l'Assemblée, l'opposition socialiste avait souligné l'absence de plan de financement, ce qui hypothéquait la mise en œuvre de la loi. Elle avait également critiqué l'aspect centralisateur du projet, évoquant même une "étatisation larvée". Sur ce point, elle avait été rejointe par l'UDF Jean-Luc Préel, qui déplorait "la marginalisation des associations de terrain". Le président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée, Jean-Michel Dubernard (UMP), avait également porté des critiques sur le poids dévolu à l'Etat. Le débat montrera si ces divisions se retrouvent au Sénat.

 

 

 

La décentralisation appliquée à la santé

La Charente essuie les plâtres

Le Quotidien du Médecin 12 janvier 2004

Une circulaire interministérielle d'août 2003 confiait à la Charente, à la Corrèze et à la Savoie le soin de proposer des initiatives pilotes visant à restaurer les services publics de proximité, y compris en matière de santé.

Le préfet de Charente a remis jeudi dernier son rapport au gouvernement.

Le préfet de Charente, Jacques Gérault, a remis jeudi dernier à Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction publique et de l'Aménagement du territoire, son rapport sur les services publics en milieu rural, dont une bonne partie est consacrée à la " garantie d'un égal accès des citoyens aux services médicaux ". En préambule, Jacques Gérault note que son département était auparavant découpé en 34 secteurs de garde, dont " certains risquent d'être rapidement privés de médecins, ce qui fait que 100 communes sont ainsi menacées de se retrouver sans couverture médicale dans un avenir proche ".

Il rappelle par ailleurs que durant la grève des gardes de 2001-2002, il avait dû procéder à 500 réquisitions pour maintenir la permanence des soins, notamment dans la région de Cognac. En accord avec le cahier des charges élaboré par le cabinet de Jean-Paul Delevoye, le préfet ne s'est pas contenté de propositions, mais a d'ores et déjà effectué un certain nombre de modifications, voire de transformations.

En matière de régulation tout d'abord, depuis le 1er septembre, et pour tous les secteurs de garde qui en ont fait la demande, le centre 15 d'Angoulême est chargé des appels en dehors des heures ouvrables. Le régulateur trie les appels et les envoie s'il y a lieu vers le Samu ou vers le médecin de garde du secteur concerné.

Moins de secteurs de garde.

Par ailleurs, en accord avec le Conseil de l'Ordre et la Ddass, certains secteurs ruraux " souffrant d'une pénurie effective " ont été regroupés ou agrandis pour " permettre à la fois d'assurer la permanence des soins et une moins grande fréquence de gardes ". Le nombre total de secteurs est ainsi passé de 34 à 27. De plus, un projet de maison médicale de garde réunissant 25 médecins sur quatre secteurs de garde est quasiment finalisé. Situé dans un local hospitalier, il sera régulé par le centre 15. Son financement conjoint par l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et l'Urcam interviendra dès l'été prochain. Autre nouveauté : au cours des réunions organisées par le préfet, il est apparu que les usagers comme les élus connaissaient mal l'existence et le fonctionnement du centre 15. Une campagne de communication sur ce thème va être organisée conjointement ce mois-ci par la Ddass et deux quotidiens régionaux.

Le préfet de Charente a organisé un grand nombre de réunions sur le thème de l'installation des médecins. Les suggestions le plus souvent émises ont été (en ordre croissant) l'augmentation du forfait d'astreinte, l'augmentation des honoraires, l'exonération permanente de la taxe professionnelle et, enfin, l'extension aux médecins, vétérinaires, infirmiers et autres professions de santé, du dispositif d'aide à l'installation des artisans et commerçants en milieu rural par le Fonds de soutien à l'artisanat et au commerce. Mais le préfet propose également des mesures coercitives pour les médecins désireux de s'installer dans des zones " à surpopulation médicale criante ", comme le non-conventionnement de médecins s'installant dans des zones excédentaires, " afin de conduire ceux-ci à s'installer dans les territoires où existe un besoin réel de couverture médicale ".

HENRI DE SAINT ROMAN

Mattei : " J'ai répondu aux attentes des médecins "

Le Quotidien du Médecin 12 janvier 2004

Alors que son départ est régulièrement évoqué à l'occasion d'un prochain remaniement, Jean-François Mattei défend son bilan sur tous les fronts et affirme sa " détermination " à poursuivre sa tâche. Il souligne que le " climat a changé " à l'hôpital depuis son arrivée et explique avoir avancé en 2003 sur les dossiers prioritaires pour les médecins libéraux : la démographie, la permanence des soins et la FMC. Il sde l'éve la RCP mais veut clarifier rapidement le mode de calcul des primes. Il ne fait " aucun doute " enfin que la grande réforme de l'assurance-maladie sera bouclée à l'été

LE QUOTIDIEN - La loi de santé publique est discutée aujourd'hui par les sénateurs, alors qu'elle a été votée en octobre par les députés. Pourquoi un délai si long ? Vous attendez-vous à des débats difficiles ?

JEAN-FRANÇOIS MATTEI - Ce délai n'est pas lié à des difficultés particulières que pourrait présenter ce texte, mais à la densité du calendrier parlementaire. L'important c'est qu'il soit voté, j'y compte bien, avant l'été. Il n'y a pas de difficultés majeures liées au contenu du projet ; l'essentiel aura été fait lorsqu'il aura été approuvé par les sQ1:Votre loi prévoit la mise en place des groupements régionaux de santé publique. Pensez-vous qu'ils permettront d'éviter de nouvelles catastrophes sanitaires ?

Si vous me demandez : est-ce que ces groupements régionaux permettront d'éviter à eux seuls que ne se reproduisent des événements comme ceux de l'été dernier, la réponse est évidemment non.

Mais si vous me demandez : est-ce que ces structures seront un élément essentiel dans l'application d'une politique de santé de proximité, permettant la remontée des informations du terrain depuis la région jusqu'aux administrations centrales et au cabinet du ministre, la réponse est oui. De même que le plan Juppé a créé des ARH sur le plan hospitalier en mettant autour d'une même table, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), l'Etat et l'assurance-maladie pour piloter l'hospitalisation publique et privée, je souhaite créer un ensemble cohérent et efficace de santé publique, en rassemblant sous la présidence du préfet et sous la direction des Drass, les opérateurs et financeurs qui vont intervenir dans la mise en ouvre de la politique de santé publique nationale, déclinée en régions.

Quand pourront-ils être opérationnels ?

Si le projet de santé publique est voté avant l'été, les groupements régionaux de santé publique seront en place à la fin de l'année.

Médecine de ville : j'ai pris les problèmes un à un.

Venons-en aux relations un peu difficiles que vous entretenez avec les médecins libéraux. 2003, année morose, ne ressemble pas, sur ce point, à 2002.

Je ne perçois pas du tout les choses comme cela. En 2002, à mon arrivée, j'ai déployé bien des efforts pour renouer le dialogue avec les médecins et retrouver leur confiance. Les généralistes ont obtenu le C à 20 euros contre des engagements sur la prescription des génériques et les visites à domicile. Mais les médecins avaient aussi d'autres souhaits, heureusement. C'est ainsi qu'ensemble nous avons pu avancer sur trois dossiers prioritaires : la démographie, la permanence des soins et la FMC. 2003 a permis de prendre un à un ces problèmes et de chercher ensemble des solutions.

Pensez-vous pouvoir éviter la formation de déserts médicaux ?

J'ai suivi les propositions du rapport Berland, approuvées par l'ensemble des médecins : installation de l'Observatoire national de la démographie des professionnels de santé et d'un comité dans chaque région. J'ai contribué à relever le numerus clausus d'une manière très importante : il est passé de 4 700 à 5 100 puis à 5 600. J'ai augmenté le nombre des places d'internat pour les spécialités les plus en difficulté : l'obstétrique, la pédiatrie, la chirurgie, l'anesthésie-réanimation ont bénéficié d'un coup de pouce qui n'est pas mince : deux cents places leur ont été accordées. Je me suis également préoccupé des zones sous-médicalisées. J'ai publié un décret permettant de les définir. Il faut, sans contrainte, inciter les médecins à s'installer dans ces zones. Dans cet esprit, j'ai tenu à faciliter de nouvelles modalités d'exercice, j'ai préconisé la réouverture des cabinets secondaires et autorisé les médecins retraités à participer à la permanence des soins et à faire des remplacements.

Sur l'organisations des gardes, le bout du tunnel est-il en vue ?

A mon arrivée, l'organisation de la permanence des soins était loin d'être satisfaisante. J'ai demandé à Charles Descours d'animer un groupe de travail, de mener une large concertation avec tous les partenaires. Tout cela a abouti à des propositions, que j'ai mises en application. Il y a eu deux décrets en septembre 2003 : un texte qui modifiait l'article 77 du code de déontologie et un décret qui réorganisait la permanence des soins. Je suis cependant conscient que des problèmes de financement persistent.

Ce point est crucial car le système est fondé sur le volontariat.

Le ministre établit un cahier des charges, définit des objectifs ; mais il appartient aux caisses et aux médecins de se mettre d'accord sur les modalités de financement. C'est la négociation conventionnelle. J'espère vivement qu'ils vont y parvenir. Un compromis doit être trouvé. Le financement de la régulation est aussi un problème. Les médecins veulent trois C par heure. Cela fait 60 euros par heure. S'ils régulent quatre heures de 20 h à 24 h, ce qui est le temps d'une vacation, ça fait 240 euros. Or, les praticiens hospitaliers, qui sont de garde durant quatorze heures, touchent entre 205 et 400 euros. Il faut être réaliste.

Quand l'organisation de la FMC sera-t-elle en place ?

Tout se met en place progressivement. Les recommandations du rapport Laurent sont appliquées. Des dispositions législatives seront votées dans le cadre de la loi de santé publique ; les trois conseils nationaux seront installés dans le courant de février. Quant à l'évaluation des pratiques professionnelles, les unions régionales des médecins libéraux en poursuivent le développement. Pour résumer : démographie, permanence des soins, formation continue, beaucoup a été fait.

Les généralistes ont très peu apprécié les accusations lancées contre eux lors de la canicule et des épidémies de bronchiolites. Etait-ce un malentendu ?

La critique émanait du rapport coordonné par le Dr Lalande. J'ai aussitôt demandé un rapport à l'Igas : il vient d'être publié et que dit-il ? Les médecins étaient là pendant la canicule ; ils ont été un peu moins sollicités qu'on aurait pu le penser, et le système de permanence des soins n'a pas bien fonctionné dans certains départements. Sur les bronchiolites, j'ai évoqué le manque de coordination de la permanence des soins entre médecine de ville et urgences médicales, mais pas le travail des généralistes, qui travaillent 50 à 70 heures par semaine, et sont les pivots de la médecine familiale.

Que dites-vous aux spécialistes qui vous reprochent d'avoir signé le RCM ?

Aucun accord conventionnel concernant les spécialistes n'avait été signé depuis huit ans. On ne pouvait laisser les choses en l'état. Les honoraires des spécialistes n'avaient pas été augmentés depuis 1995, alors que leurs charges augmentaient. Pour relancer le dialogue, j'ai rencontré les représentants des caisses puis j'ai écrit à tous les responsables syndicaux des médecins pour leur demander ce qu'ils souhaitaient. Seule la Csmf a répondu. Il faut saluer l'esprit de responsabilité du Dr Michel Chassang qui s'est rapproché de la Cnam. Ensemble, ils ont élaboré des propositions, que j'ai signées et non pas écrites. Le ministre est garant, il n'est pas gérant du système. Le RCM, que j'ai simplement approuvé, a été défini d'un commun accord.

Certains spécialistes ne décolèrent pas, comme les gynécologues-obstétriciens.

C'est vrai. Leur situation est difficile sur le plan de la démographie. Ils sont soumis à une pression de responsabilité et de contraintes d'exercice difficile. Mais la revalorisation de l'acte obstétrical depuis le 1er janvier 2002 n'est pas négligeable. Revalorisation des gardes et astreintes au 1er janvier 2002 : 8 millions et demi d'euros accordés alors par Bernard Kouchner ; le 1er juin 2002 : création d'une majoration KC35 en plus du coefficient de l'acte d'accouchement proprement dit pour les accouchements simples et gémellaires, ce qui fait plus 73 euros par acte ; et le 1er janvier 2003, on a fait passer le tarif de l'accouchement gémellaire de KC110 à KC150, on a porté la majoration de KC 35 à KC 50 pour tous les accouchements. On ne peut pas dire que les obstétriciens n'ont pas fait l'objet de soins attentifs. Même s'il est vrai qu'ils sont très préoccupés par le problème de la responsabilité médicale (voir encadré).

Vous êtes très attendu sur un autre dossier : celui de la réforme de l'assurance-maladie. Le président de la République a donné comme objectif l'équilibre des comptes pour 2007. N'est-ce pas trop ambitieux ?

2007 a d'abord une valeur symbolique : c'est la fin de la mandature, du quinquennat. Ce sera pour nous l'année du grand rendez-vous, du bilan. Ce n'est pas un hasard si j'ai lancé " Hôpital 2007 ". Avec cet objectif présidentiel sur l'assurance-maladie, il y a un message fort : il n'est pas question de laisser en héritage le rééquilibrage d'une situation que nous aurions négligée de traiter. Quand il s'agit de mobiliser tous les acteurs, il est essentiel d'avoir une volonté politique forte. Enfin, plus on attend, plus on creuse le déficit. Avec le risque d'arriver à des sommes colossales, comme le montre le Haut Conseil.

Comment appréciez-vous les travaux de ce Haut Conseil, qui rendra son diagnostic le 23 janvier ?

Après avoir été critiqué au début, accusé parfois d'être un gadget pour gagner du temps, après quelques hésitations normales lorsqu'on travaille avec 53 personnes, le Haut Conseil a défini sa méthode et il avance bien. Bertrand Fragonard fait preuve d'une efficacité et d'une compétence remarquables, qui ne me surprennent pas, et l'ensemble des acteurs participent activement aux travaux. Je ne peux imaginer qu'autant de forces vives dans le domaine de l'assurance-maladie ne soient pas capables de dégager des orientations. Le calendrier de la réforme à l'été sera respecté, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. Nous avons une obligation morale, financière, et des engagements européens. Il est urgent de consolider notre système d'assurance-maladie juste et solidaire en écartant toute idée de privatisation et d'étatisation.

Les acteurs commencent à s'exprimer. Un représentant du Medef, Daniel Bouton, a proposé des solutions radicales. La Mutualité met en garde contre la tentation de nouveaux transferts de charges.

Je refuse de commenter les déclarations des partenaires qui, les uns après les autres, commencent à poser leurs jalons. Il y a le projet Bouton, puis le communiqué de Jean-Pierre Davant qui exprime ses craintes, puis la Csmf qui pose ses conditions... Il est normal que chacun s'exprime, mais le ministre n'a pas à répondre à chaque déclaration. Le diagnostic n'est pas encore remis. Dès que j'aurai le rapport du Haut Conseil, je l'étudierai attentivement pour peser tous les éléments de cet état des lieux. Puis, nous entrerons dans une phase de concertation et de négociation en dégageant les éléments de la réforme qui sera proposée aux Français et mise en ouvre à l'été.

Le rythme d'évolution des dépenses est resté soutenu en 2003, ce qui ne facilite pas les choses.

Quelle est la situation poste par poste ? A l'hôpital, on a continué de payer le prix des 35 heures, même si les choses se stabilisent. Les dépenses de médicament restent encore trop importantes, mais je poursuis une réforme dans ce domaine. Sur les visites et les consultations des médecins de ville, on tend vers un régime de croisière rapide, c'est vrai. Pour 2003, le dérapage est endigué par rapport aux prévisions, mais nous avons encore des progrès à faire.

A l'hôpital, une journée d'action et de grève des médecins et personnels est prévue le 22 janvier. N'êtes-vous pas déçu par ces remous ?

Non. Il faut éviter la confusion dans l'interprétation des faits. La grève annoncée pour le 22 a deux objectifs précis : le budget des hôpitaux et la pénurie des personnels, pas la gouvernance hospitalière. Il faut trois ans pour former des infirmières et 10 ans pour former des médecins. Je ne fabrique pas des internes en claquant des doigts. J'ai créé 2 000 postes de PH pour 2002 et 2003, 750 sont prévus pour 2004 et 750 encore en 2005. Des promotions de 30 000 infirmières vont arriver rapidement. Nous avons entrepris le maximum pour pallier les carences antérieures.

Sur le dossier sensible de la gouvernance hospitalière, vous avez revu votre copie. Espérez-vous aboutir au consensus ?

La CMH a annoncé qu'elle ne s'opposerait pas au projet ministériel. La FHF, la conférence des directeurs de CHU, de CHG et de CHS, la conférence des présidents de CME de CHU, et du Snam ont donné leur aval. La CHG et l'Inph viennent de se prononcer contre. J'examinerai aussi les positions des syndicats de la fonction publique hospitalière, sachant qu'ils sont surtout intéressés par la négociation sur le dialogue social. J'aspire à ce que ce texte sur la gouvernance soit signé par tous. Par ailleurs, les praticiens hospitaliers et les directeurs mènent deux négociations très sérieuses sur le statut des PH et des directeurs.

Il n'y a donc pas de crise à l'hôpital ?

Je ne vends pas la peau de l'ours mais, manifestement, le climat a changé. L'ordonnance de simplification sanitaire, le plan d'investissement de 10,2 milliards sur cinq ans - cela représente un investissement jamais vu - la tarification à l'activité, et maintenant la gouvernance. Je sais bien que l'hôpital souffre... Quand vous faites une ordonnance en septembre, vous n'avez pas les effets en décembre. Quand vous débloquez 10,2 milliards à l'été, vous n'avez pas immédiatement les premières grues et les premières pierres. Quand vous lancez la tarification à l'activité, il faut du temps. Rappelez-vous le climat que j'ai trouvé ! Bernard Kouchner me disait qu'il ne pouvait pas aller dans un hôpital tellement le climat était hostile. Je visite des hôpitaux à longueur de semaine et j'y suis toujours très bien accueilli.

Les urgences continuent de souffrir, certaines maternités aussi.

Qu'il y ait de graves difficultés aux urgences, c'est vrai. Et c'est tout le sens du " plan urgences " de 480 millions en cinq ans, qui est construit dans le détail et qui va s'appliquer. Dans les maternités, le plan périnatalité sera annoncé au mois de février. Il sera financé. Je comprends que l'hôpital soit morose. Mais il est presque plus malheureux de cette mauvaise réputation qu'on lui donne en parlant en permanence de crise et de rupture. On a quand même 12 millions d'hospitalisés par an, 13 millions qui viennent aux urgences, ils sont bien pris en charge ! Il y a 10 millions d'appels au Samu, on y répond.

La question de la sécurité physique des médecins arrive sur le devant de la scène après plusieurs agressions. Que pouvez-vous faire ?

C'est une responsabilité partagée avec le ministre de l'Intérieur, qui seul a autorité sur les services de sécurité. Mais l'insécurité à l'hôpital n'est que le reflet de la violence de notre société. Dans quel univers vivons-nous ? La santé devrait être en dehors de toute violence, c'est un monde compassionnel et de solidarité. Je ferai tout mon possible, avec Nicolas Sarkozy, pour que, aux urgences notamment, et dans les périodes sensibles, la sécurité soit assurée, quitte à mettre des vigiles.

Des médecins généralistes ont également été victimes d'agressions pendant leurs gardes.

La généralisation des maisons médicales, et leur protection, dans l'enceinte de l'hôpital ou à proximité d'un commissariat, est une solution à ce problème.

Vous n'avez pas été épargné par les critiques depuis l'été dernier. On vous dit fragilisé politiquement et votre départ est évoqué à l'occasion d'un prochain remaniement. Cela vous incite-t-il à travailler plus ?

Ces bruits proviennent du bocal médiatique. Il y a des raccourcis étonnants : il y a eu une canicule sans précédent cet été, la crise a été grave, Mattei doit en assumer la responsabilité, il est impossible qu'il reste au gouvernement. Et comme il est affaibli, il va s'en aller. Ma réponse est simple : je suis là, en action. Je suis en train de conclure une réforme hospitalière, je m'apprête à poser beaucoup de premières pierres, je vous parle de la réforme de l'assurance-maladie à venir et j'y travaille tous les jours... Vous avez devant vous un ministre de la Santé au travail, déterminé et plein d'ambitions pour notre système de santé et d'assurance-maladie.

Serez-vous le ministre de la grande réforme de l'assurance-maladie ?

Certains de vos confrères me voient dans les cartons, je suis dans les dossiers ! Je travaille activement à celui-ci depuis mon arrivée et ma détermination est forte pour conduire dans la concertation avec tous les acteurs cette réforme à l'été comme prévu.

PROPOS RECUEILLIS PAR JACQUES DEGAIN et CYRILLE DUPUIS

RCP : le mode de calcul des primes sera simplifié " Fin 2002, les médecins m'ont demandé de régler la crise de la RCP. J'ai créé un groupement temporaire d'assurance médicale pour donner le temps au marché de se reconstituer. Nous avons obtenu l'engagement des caisses de payer le surcoût de la police d'assurance en 2003 ; c'est ce qui est prévu dans le CPP pour les chirurgiens, les anesthésistes et les obstétriciens. J'espérais que le marché se reconstruirait en 2003 ; ça n'a pas été suffisamment le cas. Nous avons mis en place le BCT, qui a fixé des tarifs assez raisonnables puisqu'ils ne montrent qu'une faible augmentation par rapport à 2003, contrairement à la demande initiale des assureurs. Enfin, j'ai demandé une prolongation du GTAM jusqu'à ce que toutes les situations soient réglées. Nous verrons dans le courant de l'année si le marché se reconstitue ou s'il faut aller vers de nouvelles dispositions législatives. J'ai les premières tendances du rapport de l'Igas et de l'IGF, qui semble souligner que le mode de calcul des polices d'assurance doit être éclairci et qu'il faudra aller, si besoin est, vers des mesures législatives. Je le répète, l'opacité du mode de calcul des primes est montrée du doigt, on va s'atteler au problème en 2004. Mais franchement, les choses vont beaucoup mieux que lorsque je suis arrivé. On a réduit dans le temps les engagements des assureurs, on a écrêté les risques lourds en les faisant prendre en charge par l'Oniam. Tous les professionnels et les établissements de soins seront assurés en 2004. Le président de la République est très attentif au danger de la judiciarisation de l'exercice médical. "

Plan cancer : " En parfaite conformité avec le calendrier " " Le dépistage du cancer du sein a été généralisé dans l'ensemble des départements français, à l'exception de la Guyane pour laquelle se posent des problèmes spécifiques en raison de sa géographie, de son organisation, de ses moyens de communication. Une délégation de la mission de lutte contre le cancer se déplacera en avril en Guyane et proposera un aménagement du dispositif pour ce département. Le plan cancer se déroule en parfaite conformité avec le calendrier prévu. Je suis très satisfait de la qualité du travail et de la mobilisation. Les sept cancéropoles ont été arrêtées, la lutte contre le tabac est une réussite, chacun en convient, la lutte contre l'alcoolisme est fermement engagée ; un plan d'action pour 2004 a été élaboré s'agissant des cancers professionnels et environnementaux ; concernant le dépistage du cancer colo-rectal, 22 départements ont été sélectionnés et 12 ont déjà démarré l'opération ; le renforcement de l'onco-génétique est effectif et on a débloqué 6,5 millions d'euros ; 12 000 tests ont été effectués en 2003. C'est considérable. "

 

 

 

Ces dossiers qui attendent le gouvernement

Le grand rendez-vous de l'été pour l'assurance-maladie

Le Quotidien du Médecin 12 janvier 2004

JACQUES CHIRAC a fixé le calendrier lors des voux présidentiels : la modernisation du système d'assurance-maladie devra être bouclée à l'été pour une transcription législative à l'automne. Volontariste, l'objectif affiché est le " retour à l'équilibre des comptes " dès 2007, au terme de la législature. Pour 2004, Jean-François Mattei a une ambition plus modeste puisqu'il espère contenir le déficit de la branche maladie sous la barre des 11 milliards d'euros. Deuxième grand chantier social du gouvernement Raffarin après les retraites, la réforme de l'assurance-maladie est encore plus périlleuse, notamment parce que les mesures s'appliqueront sans délai et concerneront tous les Français.

Chargé d'élaborer un diagnostic le plus consensuel possible, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie est entré dans la dernière phase de ses travaux avec l'examen de la gouvernance (qui fait quoi dans le système ?). Il remettra au gouvernement, le 23 janvier, son état des lieux, qui se présentera sous forme d'un rapport complété d'annexes, mais aussi d'une version vulgarisée d'une vingtaine de pages. Très rapidement, s'engagera une phase de concertation, puis de négociation avec l'ensemble des partenaires impliqués, notamment les confédérations de salariés. Malgré les propos rassurants du chef de l'Etat pour qui l'enjeu de la réforme est de " maintenir l'égalité et la solidarité face à la maladie ", beaucoup redoutent que la réforme ne se résume uniquement, sur le fond, à diminuer le champ de la couverture Sécu obligatoire. Et donc à charger la barque des organismes complémentaires, ou directement des assurés, par le biais de nouveaux transferts de charges.

Pour Matignon, qui a repris en main le dossier depuis quelques mois, l'enjeu consistera précisément à trouver un équilibre acceptable entre solidarité collective et responsabilité individuelle dans le cadre d'une responsabilisation " partagée " des médecins prescripteurs, des patients et des gestionnaires. Une clarification du financement est également attendue. Mais à l'heure où le rythme de progression des dépenses d'assurance maladie reste soutenu (+ 6,4 % en tendance annuelle), le défi comptable risque d'être impossible à relever sans une hausse de la CSG, solution que le gouvernement se refuse pour l'instant à envisager afin de respecter son engagement de baisse des prélèvements obligatoires. Si le retour de la croissance est au rendez-vous, le gouvernement disposera d'une petite bouffée d'oxygène.

CYRILLE DUPUIS

 

Ces dossiers qui attendent le gouvernement

Les premiers pas de la tarification à l'activité à l'hôpital

Le Quotidien du Médecin 12 janvier 2004

LE MINISTRE DE LA SANTÉ tenait à ce que le calendrier fût respecté : la réforme de la tarification à l'activité (T2A), pièce maîtresse du plan Hôpital 2007, est bel et bien lancée depuis le 1er janvier. Fin 2003, le ministère a élaboré la nouvelle échelle des tarifs pour l'hospitalisation publique.

Concrètement, depuis le 1er janvier, rien n'a changé en matière de financement : à la fin du mois, les hôpitaux recevront 90 % de leur budget annuel sous forme de dotation globale (DG), comme d'habitude. Mais sur le terrain, la mécanique est en route, souligne-t-on au ministère, puisque les mille hôpitaux publics doivent mettre en place une nouvelle gestion budgétaire (la comptabilité analytique, qui permet le suivi du coût en fonction de l'activité). Les 10 % restants du budget annuel des hôpitaux leur sera versé en octobre sous forme cette fois de T2A, en fonction du coût de leur activité évalué au cours des neuf premiers mois de l'année. Ainsi, plus un hôpital sera actif et productif, plus il recevra d'argent en fin d'année. En 2005, la part des ressources versées sous forme de DG et de T2A sera respectivement de 80 % et de 20 %, etc. Le remplacement de la DG par la T2A sera achevé en 2012. La relance de l'investissement hospitalier, un autre volet du plan Hôpital 2007, devrait également se concrétiser dès cette année. Deux des dix milliards d'euros prévus sur cinq ans seront dépensés en 2004 ; par exemple, 135 millions d'euros iront aux urgences, 300 millions à la périnatalité. La plupart des 937 projets déposés sont à l'étude, certains sont même en cours de réalisation, indique la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS).

Toujours dans le cadre du plan Hôpital 2007, Jean-François Mattei veut modifier l'organisation interne des hôpitaux ; une loi sur la nouvelle gouvernance doit paraître d'ici l'été 2004. Les hôpitaux auront alors jusqu'à la fin de 2006 pour créer des pôles d'activité. Cette réforme va modifier profondément les responsabilités des médecins et des directeurs hospitaliers : c'est pourquoi des négociations sur leur statut doivent s'ouvrir dans les semaines à venir (sur le mode de recrutement, la rémunération, etc.). De même, la rénovation du dialogue à l'hôpital doit intervenir ce semestre-ci. 2004, c'est aussi l'année de mise en ouvre de la dernière tranche des protocoles de réduction du temps de travail (RTT) : 10 400 nouveaux postes non médicaux devraient s'ajouter aux 26 600 postes créés en 2002 et en 2003. Côté médecins, 750 postes médicaux seront ouverts en 2004, et 750 autres en 2005. Restera le problème du manque de candidats : pour l'heure, seulement 51 % des 2 000 postes médicaux déjà créés ont été pourvus (57 % aux urgences, 41 % en pédiatrie et en réanimation). Les pouvoirs publics ont débloqué 82 millions d'euros en décembre dernier pour financer les plages additionnelles et inciter les médecins à travailler au-delà de leurs 48 heures hebdomadaires.

DELPHINE CHARDON