revue de presse onala

février 2004

 

A petites touches, Jean-François Mattei teste ses interlocuteurs

Le quotidien du médecin, 24 février 2004

Même si le gouvernement refuse de se découvrir avant les élections régionales sur le terrain miné de la Sécu, Jean-François Mattei, au fil de ses premiers entretiens bilatéraux avec les partenaires sociaux, a évoqué quelques " pistes " qui, selon certains, dessinent les premiers contours de la réforme de l'assurance-maladie. Il a aussi, semble-t-il, écarté l'hôpital public des discussions. Etat des lieux.

Une franchise de 1 ou 2 euros par consultation

Dans le cadre de la responsabilisation des assurés, le ministre de la Santé a interrogé certains de ses interlocuteurs sur le " reste à charge " de l'assuré. L'hypothèse d'une franchise de " un ou deux euros " par consultation ou/et par boîte de médicament, non remboursable, refait aujourd'hui surface. Cette mesure " forte " avait été vigoureusement défendue par Bercy l'été dernier, avant d'être écartée in extremis par Matignon lors du débat parlementaire sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss 2004). Elle pourrait donc resurgir lors de la réforme de l'assurance-maladie.

Installation des libéraux : changer de braquet

Le ministre de la Santé est convaincu que la répartition très inégale de l'offre de soins sur le territoire est responsable de dysfonctionnements majeurs du système de santé. Il en résulte une surconsommation médicale dans les zones de sur-densité et des tensions fortes dans les secteurs déficitaires (dégradation de l'accès aux soins, pénibilité du travail pour les professionnels en place). Pour y remédier, Jean-François Mattei réfléchit à de nouvelles mesures, réglementaires ou incitatives, qui orienteraient efficacement l'implantation et le maintien de praticiens libéraux (avantages financiers, organisation du travail, évolution du champ de compétence des professionnels). Selon certains, le gouvernement prépare aussi le terrain de mesures de régulation " plus directives ", mais qui ne s'appliqueraient pas aux étudiants en cours de cursus.

FMC : une incitation " très forte "

Jean-François Mattei souhaite donner un nouveau souffle à la FMC, après sept années d'atermoiements gouvernementaux en la matière, à droite comme à gauche. S'il a décidé de ne pas assortir l'obligation de sanctions, le ministre de la Santé veut que l'incitation soit " très forte " pour assurer l'engagement de tous les praticiens dans la FMC. Mais alors que viennent d'être installés les trois conseils nationaux de FMC, il n'a pas précisé à ses interlocuteurs les modalités de ces incitations.

L'hôpital public " sorti " de la réforme

Selon la plupart des responsables consultés par Jean-François Mattei, le gouvernement a décidé de traiter " séparément" l'hôpital public : non pas dans le cadre de la réforme de l'assurance-maladie, mais par le biais du plan " Hôpital 2007 ", dont la réforme de la gouvernance est un des volets. Cette décision mécontente notamment le Medef, qui ne peut concevoir de réforme sans traitement " commun " de l'hospitalisation publique, laquelle représente la moitié des dépenses, et de la médecine de ville. Mais avec la délicate réorganisation interne de l'hôpital et le passage progressif à la tarification à l'activité, le gouvernement marche déjà sur des oufs. L'idée serait de ne pas trop charger la barque. " Mattei a déjà suffisamment de réactions dans les milieux hospitaliers pour aller plus loin ", confirme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la CFE-CGC. . Soins de ville : un pilotage entièrement délégué ? La Mutualité française a un schéma : il consiste à instaurer un partenariat équilibré entre une " union nationale des caisses " et une instance représentative des complémentaires pour contractualiser directement avec les professionnels de santé, afin de ne plus agir en ordre dispersé. Ce schéma intéresse le gouvernement, qui déléguerait alors totalement ce secteur. " Mattei est très marqué par ce projet, il y a eu un lobbying efficace au plus haut niveau ", affirme au " Quotidien " un chef de file. Mais rien n'est tranché. Plusieurs confédérations de salariés ont expliqué que les régimes obligatoires devront, quelle que soit l'architecture retenue, rester " prépondérants ". " Si le gouvernement déplace trop le curseur vers les complémentaires, la ligne jaune sera franchie ", explique-t-on. Cette gestion déléguée de la médecine de ville concernerait les questions de rémunération, la coordination et la qualité des soins, les mécanismes de régulation des dépenses, le suivi des engagements des professionnels.

Prévention : en pointillé

Plusieurs syndicats (Cftc, CFE-CGC) ont souligné les carences du système de santé en matière de prévention et de santé au travail. Mais, selon un membre d'une délégation, le ministre estime que le volet prévention est déjà largement traité dans la loi de santé publique. Toutefois, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie devrait se réunir sur ce thème prochainement.

La CSG indispensable

Officiellement, la hausse de la CSG n'interviendra, si besoin est, qu'en dernier ressort, après la réorganisation du système de soins. " Ce n'est en aucune façon un préalable ", a répété Jean-Pierre Raffarin. Mais le levier de la CSG semble indispensable et Jean-François Mattei a " testé " ses interlocuteurs à plusieurs reprises sur ce sujet. Le ministre de la Santé a évoqué un système de " progressivité des recettes " (différentes tranches de cotisation alors que la CSG est aujourd'hui proportionnelle), qui existe dans plusieurs pays voisins. Selon la CFE-CGC, " ce projet est dans les cartons de Bercy ".

CYRILLE DUPUIS

 

 

 

 

Les difficultés de recrutement à l'hôpital

Les infirmières espagnoles tentées par une expérience française

Le quotidien du médecin, 19 février 2004

 

Seulement 5 % de retour au pays : le recrutement par des établissements français d'infirmiers espagnols connaît un succès certain, même si l'hôpital de Saint-Maixent-l'Ecole, par exemple, n'a pas su retenir ses recrues plus de six semaines. Mais le nombre d'embauches reste une goutte d'eau comparée aux besoins.

L'ESPAGNE compte plus de 9 000 infirmiers au chômage. La France, elle, est dans une période de quasi-plein-emploi, avec ses milliers de postes vacants dans les établissements de santé publics et privés (voir encadré). En association avec les fédérations d'employeurs (Fédération hospitalière de France - FHF, Fédération de l'hospitalisation privée- FHP, Fédération des établissements - Fehap, Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer - Fnclcc), un dispositif de recrutement a été mis en place en 2002 visant à faciliter l'intégration des candidats espagnols en France. Dix-huit mois plus tard, le bilan dressé est, de l'avis des quatre fédérations, " positif ".

Contrairement aux prévisions, le taux de retour en Espagne est inférieur à 5 %, indique avec satisfaction la FHF, qui en novembre dernier comptait 252 infirmiers et 68 kinésithérapeutes espagnols dans ses rangs. " Ce n'est qu'une goutte d'eau, mais une goutte d'eau utile qui donne de la souplesse à des services qui en ont besoin ", observe la FHF.

Au total, 216 établissements publics et privés tentés par l'expérience ont mis à la disposition des Espagnols 883 offres d'emploi, pour des infirmiers principalement, mais aussi pour des kinés. L'offre ne manque pas. Mais la demande non plus : 1 077 dossiers de candidatures ont traversé les Pyrénées en un an et demi. Parmi les 565 personnes recrutées en dix-huit mois (463 infirmiers et 102 kinés), 46 seulement sont reparties en Espagne.

Pour limiter le taux d'échec, chaque candidat retenu par la cellule de recrutement madrilène séjourne un mois dans un centre de formation basé à Dourdan (Essonne) pour apprendre le français. A l'issue, la coordinatrice Olga Saez Nunez organise des rencontres avec les employeurs, qui s'engagent à fournir un CDI et à payer la formation (environ 2 000 euros). " Je conseille aux établissements d'éviter au début de placer leurs nouvelles recrues dans les services techniques comme les urgences et la réanimation où tout va vite, pour ne pas ajouter une difficulté supplémentaire à la langue ", explique Olga Saez Nunez.

Douze d'un coup.

La moitié des recrutements s'effectue en Ile-de-France. Certains établissements de province ont tout de même réussi à attirer les jeunes Espagnoles, âgées en moyenne de 25 ans. C'est le cas du centre hospitalier de Château-Thierry, au sud de l'Aisne. La directrice des soins en a recruté douze d'un coup. Ce qui a comblé en partie les 20 postes vacants. " Pour les retenir, l'hôpital les a logées et nourries les six premiers mois, explique Thérèse Derisbourg. Il n'y a pas grand-chose à faire ici : on a pensé qu'en groupe elles se sentiraient moins perdues ".

Mais malgré les efforts déployés par les équipes pour les intégrer et les encadrer - " chacune est doublée pendant plusieurs mois, tant qu'elle ne maîtrise pas la langue " -, l'attirance de la capitale s'est montrée la plus forte : les fuites vers Paris sont quasi systématiques. Grâce à de nouveaux recrutements, Thérèse Derisbourg compte aujourd'hui six infirmières espagnoles au sein de ses troupes. Mais plus pour longtemps : " Je suis sûre qu'elles rentreront en Espagne cet été. En fait, elles viennent pour avoir une expérience qui leur permet d'être prioritaire sur une embauche en Espagne, où le marché est bouché. Aucune ne souhaite rester en France. " C'est à regret que la directrice des soins fait ce constat, elle qui n'a " jamais eu à (se) plaindre des Espagnoles, aussi compétentes que les Françaises ".

Le bilan a beau être positif, Thérèse Derisbourg ne pense pas renouveler l'expérience. " C'était une solution de transition ; à l'époque, je n'avais pas le choix, c'était ça ou rien. Maintenant, l'intérim repart. Et, d'ici peu, je pourrai recruter dans les nouvelles promotions renforcées. "

C'est également ce que compte faire Andrée Barreteau, qui dirige le centre hospitalier de Saint-Maixent-l'Ecole (Deux-Sèvres). Pour des raisons différentes : " Notre expérience s'est mal passée, raconte la directrice. Le couple d'Espagnols que nous avions embauché est rentré en Espagne au bout de six semaines, en catastrophe. Ils avaient le mal du pays. " Andrée Barreteau n'en revient toujours pas d'avoir payé leur formation et leur hébergement " pour rien ". Depuis, elle fait appel à l'intérim, en attendant la sortie des nouvelles promotions françaises.

Ces deux témoignages sont peut-être des exceptions. Car d'après l'enquête menée par Olga Saez Nunez, la coordinatrice du centre de formation de Dourdan, la majorité des établissements (55 sur 76) jugent le bilan de l'expérience " positif ou très positif ". Les compétences élevées, le sens relationnel développé et la qualité des échanges humains des professionnels de santé espagnols sont les principaux arguments avancés.

Globalement, les fédérations d'employeurs se disent satisfaites du dispositif. " Cette solution est préférable à l'intérim car elle permet de remplir durablement des postes vacants ", explique la FHF, qui envisage même d'élargir la démarche à d'autres pays européens : une étude de faisabilité est en cours en Italie.

DELPHINE CHARDON

 

Une pénurie alarmante, de sombres perspectives

Le quotidien du médecin, 19 février 2004

Plus de 20 000, d'après la Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif), entre 10 000 et 15 000, pour la FHF (Fédération hospitalière de France) : le nombre de postes infirmiers vacants dans les établissements de santé français, s'il n'est pas précis, reste très élevé.

L'Ile-de-France est particulièrement touchée : il manque 700 infirmiers à l'AP-HP, et 1 750 dans la région d'après l'Uhrif (Union hospitalière de la région Ile-de-France), soit 10,5 % des postes.

Les directeurs d'hôpitaux publics, qui employaient 230 616 infirmiers au 1er janvier 2003, ont du souci à se faire, sachant qu'une infirmière sur deux partira à la retraite dans les dix ans à venir.

Les établissements privés, qui les payent un peu moins que dans le secteur public, sont également touchés de plein fouet. " La venue des infirmières espagnoles nous dépanne. Mais c'est sans rapport avec les besoins ", constate Georges Riffard. Le directeur général de la Fehap attend de toute urgence la réparation de " l'erreur " qui, de 1994 à 1997, a consisté à baisser les quotas à l'entrée des Ifsi de 10 % chaque année. Une première hausse de 30 % en 2000, et une seconde en 2003, ont fait passer le nombre d'étudiants admis en première année de 18 436 à 30 000. La première fournée d'infirmiers issus de promotions renforcées est sortie en novembre dernier. Un souffle nouveau pour les établissements, mais qui ne suffit pas. " On est loin d'avoir fait le plein ", constate Georges Riffard, qui note une déperdition importante durant la formation : " Seuls 55 % des élèves admis en première année se présentent sur le marché du travail. " Les dirigeants de la FHF, de la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée) et de la Fehap tiennent le même discours : la levée des quotas ne résout pas tout. " Il faut payer les étudiants pendant leur formation ", propose Georges Riffard. Loïc Geffroy, délégué général de la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée), suggère, lui, de " relancer la valorisation des acquis " et de " refondre la formation initiale dans le cursus universitaire classique pour offrir des perspectives de carrière, sinon les jeunes ne viendront pas ".

Les fédérations hospitalières sont déçues : elles n'ont pas obtenu du gouvernement l'aide qui aurait permis de financer une campagne nationale de promotion du métier, à l'instar de l'armée, reconnue grande cause nationale. D'autres opérations sont à l'étude afin de revaloriser au plus vite l'image des carrières hospitalières auprès des lycéens.

D. Ch

 

Pour les médecins, la traversée des Pyrénées est plus difficile

Le quotidien du médecin, 19 février 2004

Si cinq cents infirmières espagnoles ont été engagées en France depuis trois ans, peu de médecins ont en revanche franchi les Pyrénées.

UN TEMPS ENVISAGÉ pour pallier la pénurie de praticiens, le recrutement de médecins espagnols par la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (Dhos) du ministère de la Santé et les quatre fédérations hospitalières (FHF, FHP, Fehap, Cnlc) n'est pas une franche réussite. A ce jour, seulement " un généraliste, une cardiologue pour le secteur public et un gynécologue pour le privé " ont passé la frontière. Quelque 600 postes étaient proposés par les établissements de santé français sur les 3 000 à 4 000 estimés vacants, rappelle le centre d'information de Dourdan dans son bilan national réalisé en décembre. Édouard Couty, patron de la Dhos, annonçait pourtant en février 2003 la volonté du ministère de la Santé d'élargir le dispositif de recrutement des médecins à l'étranger. Des contacts ont été pris avec l'Office des migrations internationales (OMI) de Madrid - disparu depuis le 1er janvier - et l'Inem (équivalent espagnol de l'Anpe) a enregistré une soixantaine de réponses positives de médecins présentant un niveau correct en français. " Les candidatures sont peu nombreuses en dépit du fait qu'une centaine d'offres fermes ont été présentées par les établissements français ", conclut le le centre d'information dans son bilan.

Le succès du privé.

Les initiatives menées par l'Institut européen de la santé de Lavaur (Tarn) sont davantage couronnées de succès. Depuis décembre 2002, son directeur, le Dr André Talazac, indique avoir installé une centaine de médecins. " Des cliniques et des hôpitaux font appel à nous de toute la France. Des spécialistes comme les anesthésistes, gynécologues-obstétriciens, ophtalmologistes, psychiatres, sont particulièrement recherchés. " Mais, dans 70 % des cas, les médecins recrutés par l'IES sont généralistes. Lesquels répondent à l'appel de mairies, souvent désespérées de ne pas trouver de remplaçants à un médecin retraité ou parti vers d'autres cieux.

Le filon espagnol ne devrait pas se tarir avant quelques années, estime le Dr Talazac: " L'Espagne est le seul pays de la communauté européenne qui n'a pas de numerus clausus et 3 000 médecins espagnols sont au chômage. " Pour être compétitive, l'IES a mis en place une cellule de recrutement à Madrid. A plusieurs reprises, elle rencontre les candidats pour leur expliquer l'organisation du système de soins français et s'assurer de leur motivation. " Des cours de français sont proposés à raison de cinq heures par jour, cinq jours par semaine pendant trois mois ", précise André Talazac. En dernier lieu, le Conseil de l'Ordre reçoit les médecins et accepte leur candidature si leur connaissance de la langue française est suffisante. Le recrutement de médecins espagnols serait-il devenu une affaire d'agences privées ? Le Dr Henri-Jacques Bussière, directeur de la société de conseil et de formation spécialisée Merlane Santé à Toulouse, avait un temps envisagé de suivre la piste espagnole. Il a abandonné. " La langue, la mentalité, la façon de travailler, l'acceptation du médecin par les patients " sont autant de barrières qui empêchent, selon lui, la réussite de l'entreprise. Mais plus que tout, c'est la lourdeur administrative qui décourage bon nombre de candidats. " Les médecins espagnols doivent, entre autres formalités, fournir un certificat de naissance, alors qu'il n'en existe pas dans leur pays ", s'amuse le Dr Talazac. Avant de s'installer il y a un an dans le sud de la France, un généraliste espagnol avoue avoir songé à jeter l'éponge. La mairie qui souhaitait sa venue l'a alors soutenu : elle lui a trouvé un logement et a facilité la reprise du cabinet de son prédécésseur. Comment expliquer le peu d'intérêt des spécialistes espagnols pour la médecine à la française ? " Certains hôpitaux ne font pas assez d'efforts pour faciliter l'accueil et le logement des candidats ", estime André Talazac.

CHRISTOPHE GATTUSO

 

La stratégie du Medef dans la réforme

Seillière souffle le chaud et le froid

Le quotidien du médecin, 19 février 2004

Le Medef juge " illégitime " de participer à la gestion d'un système d'assurance-maladie " étatisé, financé par l'impôt ". Mais il n'exclut pas que les employeurs prennent leurs responsabilités dans le cadre d'une gouvernance " plus large ".

OFFICIELLEMENT, c'est toujours " non " et plutôt deux fois qu'une. " A l'unanimité ", le conseil exécutif du Medef a jugé " illégitime " que le patronat participe à la gestion d'un système de santé et d'assurance-maladie " national, étatisé et financé par l'impôt ".

En clair, il est absurde d'occuper des sièges sans exercer de pouvoir. Ernest-Antoine Seillière écarte donc l'hypothèse d'un retour de l'organisation patronale dans la gestion des caisses de Sécurité sociale, désertées par les employeurs en octobre 2001. Ils dénonçaient notamment le " siphonnage " de la Sécu pour financer les 35 heures. " Le temps du paritarisme syndicat-patronat est révolu ", martèle le président du Medef, qui relativise la question du pilotage institutionnel de l'assurance-maladie. " Ce qui compte, ce n'est pas la gouvernance, c'est le fond de la réforme ", analyse le patron des patrons.

Le Medef pose trois conditions.

Mais au-delà de ce refus sans ambiguïté d'un paritarisme " à l'ancienne ", au-delà des " multiples raisons de ne pas y être ", le retrait du Medef n'est pas aussi tranché qu'il y paraît. Ni définitif. Les questions de santé et d'assurance-maladie, en effet, " intéressent " le patronat, qui a des idées claires sur la réforme (il a d'ailleurs participé activement aux travaux du Haut Conseil). Pour Ernest-Antoine Seillière, trois objectifs sont essentiels : le retour à l'équilibre des comptes ; la réforme de l'hôpital public et " pas seulement " de la médecine de ville ; enfin, la " responsabilisation des acteurs ", même si, sur ce point, le patronat veut rester " modeste ". " Nous ne sommes pas des spécialistes qui peuvent dire que tel ou tel médicament doit être remboursé ", explique le président du Medef.

A ces conditions, l'organisation patronale entretient volontiers le suspense sur les responsabilités qu'elle assumerait dans un cadre rénové. " Il faudra une organisation pour gérer (l'assurance-maladie), constate Ernest-Antoine Seillière. Dans quelle mesure les employeurs peuvent prendre leur place dans une gouvernance plus large ? C'est une question clairement posée, on s'en soucie... ". La participation du patronat à un éventuel " conseil de surveillance ou de contrôle " a été avancée récemment par l'entourage du président du Medef, sans être confirmée. En revanche, le Medef est tout disposé à renforcer le paritarisme " en ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles ".

Les syndicats partagés.

En faisant deux pas en arrière puis un pas en avant, l'organisation patronale réussit son pari : être omniprésente dans le débat sur la réforme. Elle pèse aussi sur les choix du gouvernement dont la tâche se trouve compliquée. En lançant la concertation le 9 février, Jean-François Mattei n'avait-il pas affiché sa préférence pour " un système paritaire dans lequel les partenaires sociaux (...) sont pleinement et véritablement responsables? ". Mais que signifierait le paritarisme sans les employeurs ?

A ce sujet, les syndicats de salariés sont partagés. Pour Bernard Thibault (CGT), il est " bien sûr possible " d'imaginer une gestion de la Sécu " sans le Medef ". Jean-Louis Deroussen (CFTC) plaide pour un retour du Medef, " mais pas à n'importe quel prix ". Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, et Bernard Salengro (CFE-CGC) se prononcent ouvertement pour une gestion paritaire.

CYRILLE DUPUIS

 

Déconventionnements de spécialistes

Des maternités de Drôme-Ardèche menacées de fermeture

Le quotidien du médecin, 19 février 2004

A la suite des trois déconventionnements décidés par la caisse de Valence, les obstétriciens libéraux de la Drôme et de l'Ardèche annoncent une cessation des accouchements à partir du 16 mars. De son côté, la Conférence nationale des associations de médecins libéraux (Cnamlib) écrit au Premier ministre pour dénoncer l'" autoritarisme " de la Cnam.

LE DÉCONVENTIONNEMENT de trois médecins spécialistes par la caisse primaire d'assurance-maladie (Cpam) de la Drôme, pendant six mois à partir du 1er mai, pour cause de dépassements d'honoraires " abusifs " et " atypiques " (" le Quotidien " d'hier), a été perçu comme une déclaration de guerre par certains spécialistes libéraux du département.

Cette sanction ultime (car les actes des praticiens hors règlement conventionnel minimal seront remboursés moins de 1 euro par la Sécu) est jugée " très provocatrice " par les gynécologues obstétriciens de la Drôme et de l'Ardèche alors qu'ils avaient, dès le 15 janvier, informé le préfet de Valence de leur intention d'arrêter les accouchements au premier déconventionnement d'un spécialiste par la caisse primaire.

Résultat : les gynécologues obstétriciens libéraux de ces deux déparements annoncent maintenant, dans une lettre adressée à la direction de la Cpam de Valence, qu'ils " arrêteront leur activité obstétricale à partir du 16 mars 2004 (pendant) 24 heures : sous réserve que d'autres mesures de déconventionnement n'interviennent pas avant cette date-là, auquel cas (leur) cessation d'activité serait immédiate ".

Cet ultimatum est signé par cinq praticiens seulement, dont le Dr Gauduchon, déconventionné avec deux anesthésistes. Mais ils représentent la quasi-totalité des obstétriciens libéraux du bassin valentinois (hormis deux autres médecins installés en secteur II).

2 300 accouchements en jeu.

" Nous faisons à nous cinq 2 000 accouchements par an - 1 300 à la clinique Pasteur à Guilherand-Granges en Ardèche et 700 à la clinique Générale de Valence -, soit deux tiers des accouchements (du secteur). On ne sait pas si l'hôpital va pouvoir les prendre en charge ", déclare le Dr Werner Lutz.

Dans leur lettre, les obstétriciens demandent à la direction de la caisse d'" assumer publiquement la responsabilité de la suppression de l'obstétrique libérale en Drôme-Ardèche, c'est-à-dire le libre choix pour les parturientes de leur accoucheur et de l'endroit de leur accouchement ", ainsi que " tout incident ou accident " lié à la fermeture des deux maternités privées et " mettant en jeu la sécurité de ses assurées ".

Les cinq obstétriciens précisent qu'ils vont " expliquer " leur décision aux patients et qu'ils poursuivront leur activité seulement si la Cpam " retire ses démarches de déconventionnement ".

De son côté, la Conférence nationale des associations de médecins libéraux (Cnamlib, issue des coordinations), qui affirme représenter " plus de 5 000 médecins spécialistes libéraux répartis sur 50 départements ", demande, dans une lettre au Premier ministre, une " intervention rapide du gouvernement " afin de " désamorcer la crise majeure qui s'annonce ".

Pour la Cnamlib, les procédures d'exclusion du RCM contre des spécialistes de secteur I pratiquant des dépassements tarifaires s'expliquent par le choix du président et du directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) de " recourir à des méthodes autoritaires ".

Le Dr Guy Schucht, président de la Cnamlib, prévoit " une vague de déconventionnements solidaires sur toute la France ". " Elle sera massive sur certains départements, ajoute-t-il, et ne cessera que lorsque la Cnam aura décidé de privilégier le dialogue à la contrainte. "

Par ailleurs, la Cnamlib " appelle tous les médecins spécialistes libéraux, ouverts à toutes les propositions mais qui ne sauraient transiger avec la qualité des soins (...) à signifier dans les meilleurs délais à leur Cpam (...) leur passage dans le secteur conventionnel à honoraires différents ", autrement dit leur entrée de fait en secteur II.

Enfin, la Cnamlib accuse le président et le directeur de la Cnam de " mettre en danger la protection sociale des assurés, particulièrement des plus démunis ", et appelle le ministre de la Santé à " dessaisir " la Cnam du dossier de la médecine spécialisée libérale.

A la Cnam, on rappelle simplement qu'" une des missions de l'assurance-maladie consiste à veiller au respect des tarifs conventionnels qui constituent un élément essentiel de l'égalité d'accès aux soins " et qu'il lui appartient " d'utiliser le cas échéant les moyens juridiques existants et adaptés à chaque cas pour que ces tarifs soient respectés ".

AGNES BOURGUIGNON

 

 

Santé : concilier économie et efficacité

La volonté de plafonner les dépenses du système hospitalier

Le Figaro, 17 février 2004 PAR DIDIER MELLIÈRE*

La plupart des mesures destinées à contenir la progression des coûts de santé proposées durant la dernière décennie ont eu des effets négatifs. Dans les hôpitaux, l'encombrement chronique des urgences et de nombreux services résulte du manque de lits d'aval du fait d'une fermeture excessive de lits souvent inoccupés qui n'a pas tenu compte des inévitables variations des demandes de soins. La réduction des budgets hospitaliers s'est accompagnée d'une nette diminution du service rendu par manque d'équipements ou d'effectifs. La fermeture des écoles d'infirmières sans tenir compte de la réduction du temps de travail a mis des services en demi-fermeture et a contribué à déshumaniser un peu plus les soins. L'insuffisante ouverture du numerus clausus des facultés de médecine et l'étranglement progressif des postes d'internes destinés a la formation des futurs spécialistes créent une pénurie irrémédiable pour les années à venir.


Les mesures proposées feront-elles mieux ? Le financement des hôpitaux à l'activité et non plus par dotations annuelles devrait conforter les plus efficaces. Encore faut-il que les répercussions ne se diluent pas et se fassent sentir jusque dans les unités de soins pour aboutir à une véritable responsabilisation des médecins, à l'inverse des sanctions collectives imaginées voici quelques années pour punir les médecins des régions ayant dépassé le budget autorisé, y compris ceux qui avaient travaillé dans l'économie.


Cependant ces mesures restent du domaine de la comptabilité et ne prennent pas en compte la qualité : ni celle des indications des soins ni celle des résultats obtenus. Les services ayant des résultats médiocres seront financés à la quantité d'actes comme les bons ; des opérations d'utilité discutable seront remboursées comme les plus utiles ; et des services n'auront pas de place disponible pour les urgences parce que remplis par des malades nécessitant des soins moins vitaux. Pourtant des mesures simples pourraient sur ces points concilier économie, sécurité et efficacité.


La saisie informatisée des actes est obligatoire pour les médecins mais elle n'obéit qu'à un objectif comptable. Il serait possible à moindres frais d'y coupler des données un peu plus nombreuses, protégées par le secret médical, pour que les médecins aient une vision statistique de leur activité et des résultats obtenus pour chacune des pathologies prises en charge par leur équipe. J'ai montré (1) combien la connaissance des mauvais résultats et la réflexion avec tous les membres médicaux et paramédicaux de l'équipe contribuent à focaliser l'attention sur les procédures à améliorer, à renforcer la vigilance de chacun, à créer une culture d'entreprise à une époque où le dévouement tend à s'effacer devant la RTT, et au-delà à optimiser les résultats et l'humanité. Plusieurs spécialités chirurgicales ont créé à cet effet des logiciels ; ils sont peu utilisés car ils ne sont pas obligatoires et les chirurgiens sont saturés de documents à remplir dont beaucoup d'intérêt incertain. Il suffirait de rendre les auto-évaluations annuelles obligatoires en contrepartie de l'allégement d'autres procédures pour gagner des équipes plus performantes. Le contrôle de l'exécution des évaluations et des actions d'optimisa- tion deviendrait un des principaux objectifs de l'accréditation et serait confié à une commission transversale qui comporterait obligatoirement des représentants du collège de la spécialité concernée et des malades.


Les sociétés savantes françaises et étrangères ont fait depuis dix ans un énorme travail de clarification des indications sous forme de conférences de consensus et de recommandations. Par exemple, il y a en France environ dix millions de goitres ou de nodules thyroïdiens et chacun d'eux pourrait abriter un début de cancer ; mais le nombre de nouveaux cancers chaque année ne dépasse pas trois mille. La différence entre ces deux chiffres saute aux yeux et l'on conçoit aisément que l'opération de ces millions de thyroïdes s'accompagnerait de plus de complications que de cancers dépistés précocement. Des règles précises concernant qui opérer et qui surveiller (et comment) ont été élaborées. Pourtant, si aujourd'hui une opération est décidée à l'encontre de ces règles et sans motif particulier, elle est remboursée de la même façon qu'une opération d'indication consensuelle. Dans la situation financière actuelle, ce remboursement devrait être assujetti à un accord préalable.


Enfin le degré d'impériosité des actes devrait être pris en compte à la fois pour éviter que des urgences ne trouvent pas de place dans des structures de soins adéquates parce qu'occupées par des soins moins impérieux et pour alléger les charges de la Sécurité sociale car elles ne justifient pas le même tarif de remboursement. De même qu'actuellement les médecins doivent indiquer les maladies justifiant un remboursement à 100%, il serait possible de leur demander d'indiquer le degré de nécessité des soins (prévention, dépistage, diagnostic ou traitement) selon que la maladie peut menacer la vie, une fonction ou l'intégrité corporelle (degré 1) ou générer un inconfort majeur (degré 2) ou ne concerner qu'un inconfort mineur (degré 3). Toutes ces réformes, leur élaboration et leur contrôle ne pourraient se faire sans une volonté politique et un débat avec les collèges de spécialités et les représentants des consommateurs de soins.


Mais serons-nous capables de gérer les budgets de santé en fonction de la qualité et de l'utilité tant que les interlocuteurs ne seront ni les médecins qui savent ni des représentants démocratiquement désignés des consommateurs de santé ?

* Chirurgien, professeur au CHU Henri-Mondor. (1) L'Auto-évaluation annuelle en chirurgie artérielle, fondement de l'optimisation des indications et des résultats, Bulletin de l'Académie nationale de médecine, 2003.

 

Hôpital public : non au catastrophisme !

PAR GÉRARD LARCHER ET GÉRARD VINCENT *

Le Figaro, 17 février 2004

Si la catastrophe sanitaire de l'été dernier a tragiquement révélé certaines failles qui fragilisent notre organisation sanitaire et médico-sociale, elle a également déclenché une soudaine attention publique sur un secteur dont les difficultés ne sont pourtant pas récentes.

Les cris d'alarme sur l'état de santé de l'hôpital qui se multiplient depuis quelques mois prennent aujourd'hui à travers le prisme des médias une forme de plus en plus caricaturale alternant explications simplistes, jugements péremptoires, stigmatisation de tels ou tels responsables, et témoignages saisissants.


Dans ce contexte de dramatisation, tous ceux qui sont attachés à la défense des valeurs qui fondent notre service public hospitalier ne peuvent que ressentir un profond malaise. En effet, comment alerter sur la gravité et la réalité des difficultés sans tomber dans le piège mortel pour l'hôpital du discours catastrophiste ? Comment dénoncer les failles de notre organisation hospitalière sans pour autant dresser un trop sombre tableau de notre paysage hospitalier ?

Avant de s'exprimer publiquement, ceux qui se préoccupent sincèrement de l'avenir de l'hôpital public devraient se poser ce genre de questions. En tenant un discours extrême, le danger est réel de contribuer à précipiter la fin de ce que nous souhaitons tous préserver.


En effet, la qualité de notre hôpital public découle également de la confiance que lui accordent nos concitoyens. En laissant penser que les établissements hospitaliers n'assureraient plus une prise en charge de qualité, le risque est bien évidemment de voir ceux qui le peuvent se détourner de l'hôpital pour privilégier l'offre de soins privée. Ce mouvement, déjà engagé dans les secteurs dits "rentables", nous semble dangereux pour l'avenir du service public hospitalier. Nous ne pouvons nous résoudre à voir celui-ci se réduire progressivement à la seule prise en charge de l'urgence, des pauvres et des personnes âgées, même si nous sommes fiers d'assurer ces missions. Par ailleurs, par décence pour tous ceux qui font vivre nos hôpitaux, mesurons nos expressions et évitons de donner aux professionnels une image perpétuellement négative d'un environnement hospitalier qui n'est heureusement pas fait que de crises et de difficultés.


Rappelons aussi à nos concitoyens qu'ils n'ont pas à rougir de leurs hôpitaux, bien au contraire. Pour juger honnêtement des "périls" qui menacent aujourd'hui l'hôpital public, il convient en effet d'avoir conscience des progrès qu'il a accomplis au cours de son histoire récente et de l'environnement international dans lequel il se situe. Avec l'une des espérances de vie après 65 ans les plus élevées du monde, la France bénéficie d'une prise en charge soignante exemplaire qu'elle doit aussi à la qualité de ses hôpitaux.

Grâce à leurs capacités d'enseignement et de recherche nos établissements hospitaliers sont à la pointe de l'innovation médicale. Ainsi, de 1992 à 2001 c'est plus de 37 000 protocoles de recherche qui ont été mis en place dans les centres hospitaliers universitaires.


Le succès de notre système hospitalier se mesure également à l'aune de son attractivité. En 2001, la France a reçu 435 000 patients étrangers. Cette même année, la Grande-Bretagne n'en a reçu que 871 en soins programmés ! De 1996 à 1999 seulement 1 240 Français ont demandé à la Sécurité sociale d'aller se faire soigner à l'étranger. Rappelons également que la France est, avec l'Allemagne et la Belgique, le seul pays d'Europe qui n'a pas recours au système des listes d'attente. En Grande-Bretagne c'est plus d'un million de personnes qui attendent une hospitalisation.


Malgré le drame de la canicule, il est indéniable que la sécurité de la prise en charge hospitalière n'a jamais été aussi élevée. La mise en place des différentes agences de sécurité sanitaire et du réseau des vigilances a contribué à diffuser cette nouvelle exigence. Ainsi, le taux de prévalence des infections nosocomiales (dues à l'environnement hospitalier) estimé à 6% en 2001 reste à un niveau trop élevé, mais il est tout de même intéressant de savoir qu'il a été divisé par trois depuis 1970. Par ailleurs, le droit à l'information, les règles nouvelles de responsabilité, et la présence reconnue de l'usager au sein des instances représentatives donnent désormais au patient un rôle actif dans sa prise en charge.

Au niveau des conditions d'accueil et de confort n'oublions pas que les salles communes relèvent encore d'un passé récent et que la lutte contre la douleur ne s'est imposée comme un sujet majeur qu'au cours de ces dernières années.


Ces quelques motifs de satisfaction ne doivent pas occulter les difficultés que rencontrent aujourd'hui les hôpitaux. Ils représentent cependant un contexte qu'il est nécessaire d'avoir à l'esprit avant de s'exprimer sur les problèmes hospitaliers. L'hôpital traverse aujourd'hui une période de crise profonde que nul ne conteste. Asphyxié par un manque de moyens chronique, l'hôpital fait face depuis quelques années à une dérive de ses dépenses qui s'explique à la fois par l'augmentation du coût du progrès médical et par une masse salariale insuffisamment financée. Cette crise financière se double d'une crise des professionnels de l'hôpital. La mise en place brutale de la réduction du temps de travail se conjugue aujourd'hui à une insuffisance de main-d'oeuvre liée à la fois à une mauvaise prévision des besoins à un contexte démographique défavorable et à l'absence de politique de régulation de l'installation des médecins.


Cette double crise se traduit aujourd'hui par une nette dégradation des conditions de travail et génère de nouvelles tensions entre les différentes composantes de l'hôpital. Elle provoque un malaise – ce fameux "désenchantement hospitalier" – parmi les professionnels dont le courage et les efforts atteignent désormais leurs limites.

C'est dans ce contexte qu'intervient le plan "Hôpital 2007" qui prévoit une réforme profonde du financement et de l'organisation de l'hôpital public. La perspective de cette évolution suscite une certaine inquiétude de la part d'hospitaliers parfois tentés par un repli corporatiste protecteur.

Pourtant, le pire danger qui menace l'hôpital aujourd'hui est celui de l'immobilisme. Si l'hôpital ne parvient pas rapidement à se moderniser, les causes structurelles qui le fragilisent aboutiront très vite à la disparition de ce qui fait encore aujourd'hui sa grandeur.

* Respectivement président et délégué général de la Fédération hospitalière de France.

 

La parole aux "pratiquants"

PAR JEAN-YVES CAHN *

Le Figaro, 17 février 2004


Ce n'est pas un fait nouveau : l'hôpital est en crise ! Malgré l'augmentation des moyens, tous les acteurs hospitaliers assistent à une dégradation progressive de la qualité des soins depuis une dizaine d'années.


Au niveau des soignants, l'inadéquation du numerus clausus, des filières de formation et de spécialisation, les récentes modifications des horaires hospitaliers et des systèmes de gardes, n'ont fait qu'affaiblir le fonctionnement hospitalier, avec une paupérisation de certaines disciplines lourdes au détriment de spécialités moins chronophages et plus psychologiquement gérables.


Par ailleurs, le poids combiné d'une administration qui ne cesse de croître, de la mise en place de cohortes de commissions, d'agences, d'observatoires et d'autres structures a occulté le besoin fondamental de praticiens sur le terrain : nous manquons cruellement de personnel soignant. Depuis l'affaire du sang contaminé, notre pays est soumis à des avalanches de textes, décrets et autres arrêtés à visée de protection du patient certes parfois, mais également et surtout des décideurs administratifs ou politiques.


Si le personnel médical est toujours considéré comme apte à gérer la santé des malades, nous assistons à un manque total de considération de nos tutelles envers nos capacités d'évaluer et de juger des besoins de nos structures. Sans prendre l'exemple de certains pays étrangers, où la responsabilité de la gestion n'est pas systématiquement administrative, le fonctionnement des centres de lutte contre le cancer dirigés par un des médecins de la structure montre bien, avec ses limites, qu'une gestion efficace est possible avec une meilleure réactivité.


Cessons l'infantilisation administrative de nos services, de nos laboratoires. L'évaluation, l'inspection, les audits de cabinets d'experts (en quoi ?) sont souvent des façades ou des faire-valoir expiatoires. Une aide-soignante du terrain vous fera un meilleur diagnostic qu'un cabinet d'experts parisien venant faire un bilan en province, entre deux TGV, pour interroger quelques personnalités de l'hôpital, avant d'envoyer un énième rapport à un tarif prohibitif.


Dans le cadre de la recherche clinique, nous sommes évalués par nos pairs au niveau international, à travers nos communications, nos publications scientifiques et parfois plus écoutés à l'étranger que dans nos structures hospitalières.


La gestion au coup par coup n'est pas toujours raisonnée ni efficace. Les urgences en sont un exemple récent avec une confusion des genres entre gestions des entrées, du service de porte et les véritables urgences qui représentent 20 à 30% maximum des admissions des services de porte. La seule création de postes de médecins urgentistes ne répondra pas à ces problèmes sociaux ou médicaux chirurgicaux divers.


Merci de nous écouter, de soutenir le terrain pour redresser la barre avant qu'il ne soit trop tard : moins de commissions, plus de cohésion et d'actions efficaces.

* Président de la Société française d'hématologie, chef de service d'hématologie (CHU-Besançon).

 

Pourquoi le Medef ne veut pas gérer l'assurance-maladie

Béatrice Taupin Le Figaro, 17 février 2004

Qui doit gérer l'assurance-maladie ? Ce n'est pas l'aspect le plus "grand public" de la réforme à venir, mais il taraude le gouvernement, les partenaires sociaux et même la Mutualité sur qui l'Elysée voudrait bien s'appuyer pour moderniser le système. Et si cette préoccupation est aussi forte, c'est que l'absence de gouvernance claire est "un puissant facteur d'inefficacité" et explique "en partie les dérives", pour reprendre le constat du Haut Conseil. Il n'y a aujourd'hui pas de pilote dans l'avion, tant sont "enchevêtrées" les compétences de l'Etat, d'une part, des partenaires sociaux, de l'autre, à qui historiquement avait été confiée la gestion de la Sécurité sociale. Mais que le diagnostic ne fasse pas débat ne rend pas plus aisée la recherche d'une troisième voie !


Ni privatisation ni étatisation, a en effet d'emblée tranché le chef de l'Etat en juin dernier. Ce que Jean-François Mattei a traduit le 9 février en lançant la concertation : "Le gouvernement est attaché à un système paritaire dans lequel ceux qui le financent et ceux qui en bénéficient sont pleinement responsables". Mais ce souhait que partagent ardemment syndicats et Mutualité se heurte au refus patronal de reprendre une place active dans la gestion du système abandonnée fin 2001.


"Le meilleur service que j'ai rendu aux entreprises, c'est de sortir de l'assurance-maladie", confie volontiers Ernest-Antoine Seillière. Suggère-t-on devant lui que le sujet semble pourtant faire débat sur le terrain, il s'étonne : "Je pose la question régulièrement au conseil exécutif, j'ai l'unanimité". Une position qu'a exprimée à sa façon Guillaume Sarkozy ce même 9 février, en posant de multiples conditions à un éventuel retour du Medef. Et pour lever tout doute, Ernest-Antoine Seillière a enfoncé le clou le lendemain : "Le patronat et les syndicats ne sont pas légitimes pour gérer les questions de santé".


Ce débat au sein du patronat est récurrent. Déjà, en 1992, pour protester contre des décisions imposées par l'Etat à l'assurance-maladie, l'ancien CNPF avait déserté la Cnam. Un siège resté vacant jusqu'à ce qu'en 1995 Jean Gandois, arrivé aux commandes de la maison patronale, décide de mettre un terme à cette politique de la chaise vide, tout en se donnant trois ans pour se forger une doctrine. Lorsqu'arrive le moment de la décision, en 1998, la gauche est au pouvoir et les 35 heures ont déjà fait une victime : Jean Gandois justement dont la démission fracassante de la présidence du CNPF ouvre l'ère Seillière.


Rester à la Cnam ou partir : à l'époque déjà, la question divise les patrons et, à l'époque déjà, les syndicats font pression. Seillière, qui a besoin d'eux pour conduire son opération de "refondation sociale", obtempère. Et choisit de rester à la Cnam. Jusqu'en septembre 2001, où, cette fois, le Medef – suivi par la CGPME – abandonne la gestion paritaire de toutes les caisses de Sécu. Le financement des 35 heures a fait déborder le vase. Les patrons ne veulent plus apporter leur caution à des décisions qu'ils ne maîtrisent pas. "On ne reste pas administrateur de ce que l'on n'administre pas", répète à l'envi Denis Gautier Sauvagnac (Uimm-Medef).


Le seul risque que le Medef s'estime légitime à gérer, ce sont les accidents du travail. Mais les syndicats, à commencer par la CFDT, ne veulent pas d'une cession "par appartements". Ils le refusent d'autant plus qu'ils ne veulent pas donner prise à une autre tentation du Medef : obtenir la suppression des cotisations patronales maladie au profit de la CSG.


En fait, ce n'est qu'au vu de la consistance de la réforme – et de la maîtrise réelle des dépenses – que le patronat arrêtera sa position définitive. "Une fois remis sur pied, je pense personnellement que le système doit être géré par les partenaires sociaux", a lâché récemment Francis Mer, ancien patron devenu ministre de l'Economie. L'Etat devra alors dire clairement ce qu'il accepte de déléguer. Avec deux questions tests : quelle indépendance réelle a le directeur de l'assurance-maladie et qui gère l'hôpital ? Si, comme aujourd'hui, l'Etat reste le vrai pilote, quelles que soient les apparences, la troisième voie sera un leurre.

 

La suppression de 920 postes soulève une polémique avec la Mairie de Paris

Le quotidien du médecin 18 février 2004

La directrice générale de l'AP-HP et le président suppléant du conseil d'administration sont à nouveau en désaccord. En cause, le budget 2004 de l'établissement, qui prévoit la suppression de 920 postes. Rose-Marie Van Lerberghe assure que cela sera sans conséquences sur la qualité des soins, ce que ne croit pas Alain Lhostis.

LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) a annoncé, il y a quelques jours, au cours du conseil d'administration consacré au budget 2004, sa décision de supprimer 920 emplois en 2004. Trente-deux membres du CA sur cinquante-deux ont accepté ce budget, qui, bien qu'il soit en hausse de 2,2 % par rapport à 2003, intègre des mesures d'économies importantes.
De ce fait, le plus gros établissement de santé public français n'échappera pas à ce qu'Alain Lhostis, le président suppléant du conseil d'administration de l'AP-HP, qualifie de " saignée (...) comme il n'y en a jamais eu ".


Les 39 hôpitaux de l'AP-HP emploient plus de 69 000 agents médicaux et quelque 19 000 praticiens. Aucun poste de médecin n'est menacé. Les suppressions toucheront les autres catégories de personnel. Le détail figure dans le tableau des emplois budgétés en 2004 : seront supprimés, par des redéploiements en interne ou des départs à la retraite, 200 postes administratifs, 13 postes socio-éducatifs, 109 postes techniques, 29 postes d'infirmier, 135 postes d'aide-soignant et 258 postes d'agent de service hospitalier. Economie attendue : 36,37 millions d'euros.


En parallèle, indique le service des finances de l'AP-HP, la renégociation de certains marchés (achats de consommables informatiques, maintenance du matériel biomédical), l'amélioration du tri des déchets ou encore la mutualisation des cuisines entre certains hôpitaux permettront de dégager 24 millions d'euros supplémentaires. L'économie totale escomptée en 2004 - 60 millions d'euros - correspond à la première tranche du plan pluriannuel d'économies signé en novembre entre l'AP-HP et l'Etat, qui prévoit un retour à l'équilibre financier en 2006 (l'AP-HP s'est engagée à économiser 240 millions d'euros et à vendre pour 170 millions d'euros d'actifs immobiliers ; elle recevra en contrepartie 230 millions d'euros de l'Etat).

Les assurances de la direction.

Les 920 suppressions de postes envisagées " ne toucheront pas les soignants et il n'y aura pas de licenciements ", a assuré Rose-Marie Van Lerberghe. " Ces économies (les 60 millions d'euros, ndlr), je ne veux absolument pas les faire en clinique, il n'y aura pas de suppression dans ces catégories-là ", a insisté la directrice générale, qui espère au contraire que bon nombre des 2 000 postes vacants à l'AP-HP (essentiellement des infirmières), " tous financés ", seront pourvus d'ici à la fin de l'année, grâce à la sortie de promotions plus nombreuses d'écoles d'infirmières.


Un discours qui a le don d'irriter Christian Do Huu, le directeur de cabinet du communiste Alain Lhostis, qui représente Bertrand Delanoë, le maire de Paris, à la tête du conseil d'administration de l'AP-HP. " La direction générale essaie de faire croire qu'il s'agit d'emplois non soignants, dit Christian Do Huu. Non seulement ce n'est pas vrai, puisque sont concernés des infirmiers et des aides-soignants, mais il s'agit en plus d'un argument fallacieux : tous les personnels servent aux patients, ceux qui sont à leur chevet, mais aussi ceux qui les nourrissent, les blanchissent et les transportent. Ce sont bien des suppressions qui vont toucher à la qualité et à la sécurité des soins ". Et qui " annulent en grande partie " les 1 199 créations de postes prévues pour accompagner l'application de la réduction du temps de travail (RTT) à l'AP-HP, ajoute Alain Lhostis.


Ces attaques, la direction de l'établissement s'y était préparée. Le secrétaire général de l'AP-HP, Jean-Marc Boulanger, apporte donc la précision suivante : " Les 920 emplois supprimés et les 1 199 créés ne sont pas les mêmes. Les seconds travailleront au lit du malade, tandis que les premiers avaient une activité médico-technique ou administrative. " Y compris les 29 infirmiers et les 135 aides-soignants mentionnés dans le tableau ? " Oui, répond Jean-Marc Boulanger. Il s'agit de personnes reclassées, qui, pour des raisons physiques, n'étaient plus aptes à exercer leur métier de soignant. "

Conditions de travail et formation des personnels.

Rose-Marie Van Lerberghe a beau affirmer le contraire, le président du CA de l'AP-HP est convaincu que " la qualité des soins est aujourd'hui mise en cause ". Les conditions de travail et la formation du personnel inquiètent également Alain Lhostis : " Les crédits de formation sont amputés de 1,9 million d'euros " en 2004, croit-il savoir.


Le président du CA de l'AP-HP déplore par ailleurs " le flou total concernant le déficit réel de l'AP-HP ". L'institution indique qu'elle enregistre un déficit cumulé de 230 millions d'euros (40 au titre de l'exercice 2001, 100 en 2002 et 130 en 2003). " Le ministre de la Santé avait proposé le plan d'économies sur la base d'un déficit prévisionnel de 250 millions d'euros, il n'est plus que de 130 millions en 2003 : je m'interroge de savoir si on n'a pas gonflé ce trou pour pouvoir engager cette politique de restrictions ", a déclaré Alain Lhostis.

Gonflé ou non, rien n'empêchera plus la direction générale d'appliquer son plan d'économies, maintenant que le conseil d'administration a accepté dans sa majorité le budget 2004.

DELPHINE CHARDON

 

Les Hospices civils de Lyon aussi

Le quotidien du médecin 18 février 2004

La direction des Hospices civils de Lyon (HCL) a décidé de supprimer en 2004 un total de 300 postes d'agents non médicaux et de différer le recrutement de 10 médecins afin de résorber le report de charges enregistré à la fin de 2003 (10,7 millions d'euros pour un budget annuel d'exploitation de 1,2 milliard d'euros), dénoncent dans un communiqué les syndicats Cfdt, CGT, FO, SUD et l'Unsa, qui jugent cette orientation " inadmissible et intolérable ".


Tout comme à l'AP-HP, ces suppressions ne passeront pas par des licenciements, mais par des non-remplacements. A la direction des HCL, on insiste sur le fait qu'un effort va être demandé à tous les secteurs : administratif, technique et soignant. Les organisations syndicales prévoient d'organiser une nouvelle action le 22 mars lors du prochain conseil d'administration.

L'Ile-de-France perd 54 postes d'interne

AU MOIS D'AVRIL, il y aura en Ile-de-France 7 % de postes d'interne de moins qu'à la rentrée de novembre. Ainsi en a décidé la semaine dernière la commission de répartition réunie sous l'égide de la Drass (Direction régionale des affaires sanitaires et sociales) et à laquelle siègent des représentants des doyens, de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), de l'Union hospitalière d'Ile-de-France (Uhrif) et des internes.


Au total, 54 postes vont disparaître de la circulation. Et cette décision fait hurler les internes, qui l'observent d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif. " Le nombre d'internes va commencer à augmenter avec la prochaine promotion de l'examen national classant, explique Raphaël Gaillard, président du Syndicat des internes des Hôpitaux de Paris (Sihp), il faut s'y préparer et cela signifie qu'il faut des postes et des postes formateurs. En supprimer 54, c'est considérable. " Sur le fond, le Sihp crie au scandale. Raphaël Gaillard évoque des suppressions " aberrantes " : " On a touché préférentiellement des services comptant plus de quatre internes. Or il s'agit souvent de fédérations de services. C'est ainsi que, par exemple, la " Mecque " de la neurologie, la Pitié, a perdu un poste. De la même façon, un certain nombre de services intervenant dans la prise en charge des cancers ont été touchés. Nous assistons à la fermeture de postes qu'on ne pouvait pas imaginer, comme ceux de la mammographie ou de la radiothérapie de l'institut Curie. Tout cela est en contradiction avec le plan cancer, avec le plan stratégique de l'AP-HP... "
Alertés sur les intentions de l'administration depuis déjà plusieurs mois, forts du soutien de très nombreux chefs de service franciliens, les internes espéraient bien que la réduction du nombre de postes ne deviendrait pas réalité. Aujourd'hui, ils tombent de haut et dénoncent un " détournement de la réforme hospitalière pour satisfaire des contraintes budgétaires aveugles ".


Faux, rétorque Didier Houssin, directeur de la politique médicale de l'AP-HP. " Financièrement, assure-t-il, cette opération ne change rien. Il n'y a aucune modification des postes budgétaires. Simplement, les internes " concours " sont remplacés par des faisant fonction d'interne. "

La démographie en cause.

Militant par ailleurs activement en faveur d'une augmentation du nombre de spécialistes admis au concours, l'AP-HP, poursuit-il, ne fait que s'adapter à l'actuelle donne démographique. Didier Houssin rappelle que, resserrement du numerus clausus oblige, en douze ans, le nombre d'internes a diminué de 40 % et que les services sont de plus en plus nombreux qui ne sont plus choisis, ce qui n'est pas sans dommages (le fonctionnement du service est perturbé, sa réputation en pâtit et des solutions de repli doivent être trouvées en urgence). Dans ce contexte, le directeur médical de l'AP-HP parle de " solution mesurée " et transitoire, visant à " minimiser l'impact " de la raréfaction d'internes. Il affirme que des mesures d'accompagnement ont été prises, facilitant entre autres le recours à des médecins à diplôme étranger. " Si l'on n'avait rien fait, résume-t-il, le taux d'inadéquation entre le nombre de postes encore offerts au choix et le nombre de candidats aurait été de 20 %. Nous l'avons ramené à 10 % ".

K. P.

 

Assurance maladie

Attac envisage d'organiser des Etats généraux sur la réforme

Le quotidien du médecin 18 février 2004

L'ASSOCIATION ATTAC vient d'organiser sa première réunion publique nationale sur le thème " 4 heures pour la Sécu " à La Sorbonne, à Paris, et continue de quadriller le terrain avec déjà " 150 réunions locales depuis août 2003, qui ont réuni en moyenne entre 80 et 100 personnes ", selon Bernard Teper. Le coordonnateur national d'Attac pour les questions de santé et de sécurité sociale prend acte de l'exclusion de son association d'un " mouvement dit de concertation avec un nombre très limité d'organisations ". Mais, précise Bernard Teper, " Attac compte 50 organisations fondatrices et des gens de notre mouvance siégeaient au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, même s'ils n'y étaient pas es-qualité ".

Avec les syndicats

Attac fourbit ses armes en attendant la présentation des propositions gouvernementales, début avril. " Dans les quinze jours suivants, on donnera notre avis sur ces propositions dans le cadre d'une campagne d'éducation populaire, annonce Bernard Teper. Nous aimerions bien aller vers des Etats généraux de l'assurance maladie, fin avril ou début mai, qui rassemblerait notamment tout le mouvement associatif " (patients, usagers, comités de défense de la Sécu, associations spécialisées dans la dépendance et les personnes âgées). Attac envisage de rallier si possible des organisations syndicales à ces Etats généraux afin d'être " beaucoup plus audibles par rapport aux propositions gouvernementales ".

A.B.

Un pôle santé original à Saint-Tropez

Mattei bénit l'union d'un hôpital et d'une clinique

Le quotidien du médecin 18 février 2004

Issu du rapprochement entre un centre hospitalier et une clinique, le pôle sanitaire du golfe de Saint-Tropez a été inauguré par Jean-François Mattei, samedi 14 février. Le ministre de la Santé a salué une initiative exemplaire qui s'inscrit dans le cadre du plan Hôpital 2007. De notre envoyé spécial

LE JOUR de la Saint-Valentin, le centre hospitalier de Saint-Tropez et la clinique chirurgicale de l'Oasis de Gassin ont uni leurs destinées. Après plusieurs années d'étroite coopération, ils ont conclu un mariage de raison. Vétustes et peu performants, clinique et hôpital assistaient depuis plusieurs années à la fuite des patients vers Fréjus ou Nice. En 1992, un rapport de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) préconisait la fermeture de l'hôpital et l'installation de certains de ses services à la clinique de l'Oasis, du groupe Générale de santé, située à Gassin. Elle entendait supprimer les doublons d'activité médicale et chirugicale. " L'intérêt général " a donc conduit au rapprochement de la clinique et de l'hôpital après avoir surmonté de nombreux obstacles.

" Les textes de loi n'existaient pas, il a fallu le soutien de Christian Dutreil, directeur de l'agence régionale pour l'hospitalisation (Arh), et la ténacité du député-maire de Saint-Tropez, Jean-Michel Couve, pour que le pôle sanitaire voit enfin le jour ", souligne la directrice de l'hôpital Catherine Rulfo, impliquée depuis le début dans le projet. " Ce centre revient du diable vauvert ", commentait le Dr Jean-Michel Couve, lors de son inauguration par le ministre de la Santé, samedi 14 février.

Un pôle ultramoderne.

La construction du pôle de santé aura représenté le plus gros chantier de la décennie dans le golfe : près de 30 millions d'euros financés par l'hôpital, maître d'ouvrage et propriétaire des lieux. La clinique, qui a signé un bail de neuf ans renouvelable, versera 865 000 euros de loyer par an. D'une surface totale de 14 705 m2, les locaux flambants neufs seront répartis équitablement entre l'hôpital et la clinique, reliées par une passerelle.

L'hôpital (97 lits et 4 places) conserve ses services de médecine, d'urgences, de maternité et de long séjour. La clinique (65 lits et 10 places), établissement privé de catégorie A, conventionnée par la Sécurité sociale et les principales mutuelles, continuera de concentrer son activité sur la chirurgie. Seuls la cuisine, les restaurants et les locaux techniques sont mis en commun pour réaliser des économies d'échelle.
Quelques installations seront à la disposition des deux entités : un scanner exploité par un groupement d'intérêt économique (GIE), un service de radiologie et un laboratoire d'analyses qui ouvrira dans le courant de l'année. " L'offre de soins sera meilleure et coûtera moins cher à la Sécurité sociale ", affirme Daniel Debris. Pour le directeur de la clinique, le nouveau pôle de santé apporte une réponse de proximité et de qualité aux 150 000 patients potentiels du golfe de Saint-Tropez. Une demande commune d'accréditation a d'ailleurs été déposée auprès de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) pour juillet 2005.

Les coopérations public-privé seront facilitées.

Le ministre de la Santé s'est félicité de l'aboutissement de ce partenariat public/privé : " Il n'y a pas des malades publics et des malades privés. Les établissements ne peuvent plus répondre de façon isolée et doivent œuvrer pour une réelle coopération sanitaire. " Jean-François Mattei a rappelé que l'Etat apporterait un appui financier aux établissements qui ne pourraient assumer seuls la modernisation prévue par le plan Hôpital 2007. Ils disposeront de 10 milliards d'euros sur cinq ans. Le ministre a également affirmé que les Groupements de coopération sanitaire, " élargis, souples et polyvalents, faciliteront le rapprochement des différentes structures existantes ".


Satisfait de l'ouverture du pôle dans les prochains jours, le président du groupe Générale de santé, Daniel Bour, ne cédait pourtant pas à l'angélisme : " On parle de contrat "gagnant/gagnant", mais nous n'avons fait que la moitié du chemin. Nos personnels vont fréquenter les mêmes locaux, parfois soigner les mêmes malades... sous des statuts différents, de flexibilité horaire, de rémunérations, d'avantages sociaux ; il faudra que les uns et les autres s'y retrouvent. "

CHRISTOPHE GATTUSO

Système de soins : les trois impératifs du ministre de la Santé Lors de l'inauguration de ce pôle santé à Saint-Tropez, le ministre de la Santé a évoqué trois adaptations " nécessaires " au système de soins : une meilleure prise en compte de la pénurie médicale à venir, la modernisation des établissements hospitaliers et le décloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital. " Nous manquons de professionnels de santé. La politique menée ces vingt dernières années, qui consistait à réduire l'offre de soins pour diminuer les dépenses de santé, a été un échec. Dans ce raisonnement, on a oublié qu'il y avait des malades. [...] Aujourd'hui, les libéraux ont du mal à trouver un remplaçant lorsqu'ils veulent prendre quelques jours de repos ou partir à la retraite. Je compte augmenter le numerus clausus de 500 par 500 chaque année pour le porter à 7 000-8 000 (il a été porté à 5 550 en 2004 - ndlr). De même, le nombre de postes ouverts au concours d'infirmières est passé de 18 436 en 2000 à près de 30 000 places en 2003 ". Jean-Françoi Mattei a également rappelé qu'il était très urgent de moderniser les établissements hospitaliers : " En cinq ans, plus de 1 000 chantiers hospitaliers seront mis en place, un effort sans précédent a été entrepris, dont on commence seulement à récolter les fruits. "


Le ministre a présenté la réforme de la tarification à l'activité comme un outil indispensable à une meilleure coopération entre établissements publics et privés. Afin d'harmoniser la prise en charge des patients et d'en finir avec le cloisonnement entre médecine de ville et hôpital, Jean-François Mattei souhaite développer les structures d'alternative à l'hospitalisation et le travail en réseau. Le nombre de places d'hospitalisation à domicile (HAD) devrait passer de 4 700 à 8 000 places d'ici à fin 2005. L'enveloppe nationale consacrée aux réseaux a été doublée à deux reprises en 2003 puis en 2004.



 

L’Elysée et la Mutualité à la manœuvre

Jean-Francis PECRESSE, Les Echos, 10 février 2004


Les conseillers de Jacques Chirac — lui-même très impliqué — et le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant, s’efforcent de constituer un " pôle réformateur ". La position du Medef est la principale inconnue.


Lors de la réforme des retraites, ils étaient restés des stratèges d’état-major. Cette fois, les conseilelrs de Jacques Chirac conduisent les opérations sur le terrain. Les grandes manœuvres autour de la réforme de l’assurance-maladie ont commencé et l’Elysée y prend une part active, quoique très discrète. La petite cellule présidentielle est composée de bons connaisseurs des questions sociales : Frédéric Salat-Baroux, quarante ans, secrétaire général adjoint, ex-conseiller santé d’Alain Juppé à Matignon (1995-1997), et Marie-Claire Carrère-Gée, quarante ans également, conseillère technique, ancienne secrétaire nationale du RPR. Tous deux sont en contact régulier avec trois interlocuteurs clefs de la réforme : françois Chérèque, secrétaire général de la CFDT, Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, et Guillaume Sarkozy, vice-président du Medef. " Nous nous parlons pratiquement toutes les semaines ", confie l’un des intéressés. Tous se sont déjà rendus à l’Elysée au moins " quatre ou cinq fois " pour parler de " la " réforme.


" Tester des pistes "


Selon nos informations, le chef de l’Etat a lui-même reçu, fin janvier, François Chérèque et Jean-Pierre Davant. L’implication de la présidence de la République dans ce dossier remonte au début de l’automne, une période où le ministre de la Santé, Jean-François Matteï, était encore très affaibli par l’affaire de la canicule et où le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, changeait de conseiller social. Aussi, Jacques Chirac a-t-il préparé le terrain assez tôt, parfois incidemment. C’est ainsi qu’il s’est entretenu, fin octobre, de la réforme de l’assurance-maladie avec le président de la Mutualité française, opportunément invité du voyage présidentiel au Mali et au Niger. Peu avant Noël, c’est à l’occasion d’un entretien sur la taxe professionnelle qu’il a fait part à Guillaume Sarkozy de son souhait de voir le Medef reprendre sa place dans la gestion de l’assurance-maladie.


Ces échanges ont pour but, indique une " éminence grise ", de " tester les pistes de réforme ". C’est ainsi que s’est précisée l’idée d’une délégation de gestion à une union des caisses rassemblant les régimes de base et les organismes complémentaires. C’est aussi au cours de ces entretiens que s’est affirmée la perspective d’une haute autorité scientifique chargée d’évaluer le service médical rendu. Ces pistes doivent beaucoup à la Mutualité française qui les avait esquissées lors de son congrès de juin 2003 et qui se démène, depuis, pour les promouvoir. Son président se retrouve à jouer un rôle central dans la stratégie élyséenne. Avec la bénédiction de François Chérèque qui peut, ainsi, s’exposer moins que sur les retraites, Jean-Pierre Davant s’efforce de constituer un pôle réformateur incluant l’Unsa, la CFTC, la CGC, mais aussi les médecins de la CSMF. La Mutualité française et la CSMF devraient, d’ailleurs, publier aujourd’hui un communiqué commun d’orientations, le premier du genre. " On cherche à rassembler le plus large possible ", indique un conseiller ministériel.


Troisième voie


Mais l’Elysée cherche surtout à obtenir du Medef, parti en 2001 des conseils d’administration des caisses maladie, qu’il accepte de reprendre des responsabilités dans la gestion d’un système rénové. Le schéma aujourd’hui privilégié, celui d’une gestion déléguée par l’Etat, n’a, en effet, de sens que si tous les partenaires pressentis jouent le jeu. Le sort de cette " troisième voie ", entre privatisation et étatisation, y est conditionné. Des signaux insistants ont été adressés en ce sens à Guillaume Sarkozy, soit directement, soit indirectement. " le patronat doit revenir parce que c’est la meilleure garantie que els entreprises continueront à financer la couverture maladie ", a ainsi expliqué François Chérèque dans une interview aux " Echos " d’hier. " il y a une pression incroyable de la présidence de la République ", confie un haut dirigeant patronal. Le Medef y cédera-t-il ? C’est dans la stratégie élyséenne, la grande inconnue.

DISCOURS D’OUVERTURE DE LA CONCERTATION

MATTEI (site du ministère)

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d’abord vous remercier d'avoir accepté mon invitation à engager la concertation sur la modernisation nécessaire de notre assurance maladie.

Le travail qui nous attend est considérable. Mais l’enjeu, sauvegarder notre assurance maladie solidaire, est indispensable pour notre société.

Grâce au diagnostic partagé établi par le haut conseil, et comme le Gouvernement s’y était engagé, une première étape essentielle a été franchie avec succès. J’en suis heureux. J’en félicite tous les membres du haut conseil, et notamment son président Bertrand Fragonard, que j’ai invité parmi nous aujourd’hui.

1. Nous engageons donc aujourd’hui ensemble la deuxième étape du processus de réforme de l’assurance maladie : celle du dialogue social, de la concertation et de la négociation.

D’emblée, soyez assurés de la détermination du gouvernement et de ma détermination pleine et entière à conduire la réforme. Nous le savons tous. Notre système d’assurance maladie connaît des difficultés sérieuses : difficultés de gouvernance, difficultés d’organisation, difficultés financières et malaise ou désenchantement des professionnels de santé. Nous devons le sauvegarder ensemble. Le gouvernement prendra naturellement ses responsabilités. Mais c’est un défi qui nous engage tous. C’est un défi commun !

Notre devoir envers nos concitoyens, envers nos enfants et les générations qui leur succèderont nous oblige. Nous devons moderniser notre système d’assurance maladie, lui faire surmonter les difficultés auxquelles il est confronté. Il nous faut prendre exemple sur cet acte fondateur de nos prédécesseurs en 1945 afin de léguer à nos successeurs cet acquis social exemplaire qui fait la fierté de la France. Je vous le dit, le Gouvernement, comme vous tous, considère que l’assurance maladie fait partie de notre patrimoine social.

2. Oui, nous devons sauvegarder notre système d’assurance maladie car c’est bien lui qui est à la source de l’excellence de notre système de santé. Et, cette situation nous la devons aux valeurs fondatrices qu’il nous faut évidemment préserver. Nous devons sauvegarder notre assurance maladie obligatoire et universelle. Elle garantit à tous une couverture indépendante des conditions d’âge ou d’état de santé. Nous devons maintenir un système solidaire et juste où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. C’est pourquoi le Gouvernement rejette avec force toute forme de privatisation de notre assurance maladie, ou de mise en concurrence entre régimes. Je le dis avec netteté pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Si des critiques s’élèvent, ce qui, somme toute, est bien légitime, elles ne peuvent pas se baser sur cette crainte qui n’est pas fondée. C’est un engagement fort que je veux poser d’emblée poser comme préalable. Le Gouvernement est en outre attaché à un système paritaire dans lequel les partenaires sociaux représentant ceux qui le financent et qui en bénéficient sont pleinement et véritablement responsables. Le Gouvernement écarte l’étatisation de l’assurance maladie. Le Gouvernement veut renforcer l’égalité d’accès aux soins. C’est cette égalité d’accès qui permet à chacun de bénéficier de notre système de santé suivant ses besoins. C’est une de nos grandes forces, comme le montre l’OMS au travers de son classement des systèmes de santé. Or, cette égalité n’est aujourd’hui pas complètement garantie, par manque d’offre de soins dans certaines régions, pour des considérations financières pour certaines personnes. Notre réforme doit régler ces difficultés et gommer ces inégalités persistantes. Nous devons également encore accroître la qualité des soins. Nous avons la chance en France d’avoir des professionnels de haute qualité. C’est grâce à eux que nos indicateurs de santé sont bons. Les Français le reconnaissent. Mais, comme le montre le Haut conseil, de nombreuses améliorations sont possibles, notamment en ce qui concerne la coordination des soins et la mise en œuvre des meilleures pratiques. Notre obsession doit être de toujours mieux soigner. Enfin, nous devons apporter une réelle viabilité à long terme à notre système d’assurance maladie. Sa solidité financière ne peut pas être négligée. Nous le savons, il ne supporterait pas une spirale de déficits. Un redressement est nécessaire. Comme l’a souhaité le Président de la République, un retour vers l’équilibre en 2007 et la perspective d’une croissance des dépenses alignées à moyen terme sur la richesse nationale sont nécessaires.

3. Quelles pistes d’actions pour réussir cette réforme ? Je retiendrais celles proposées par le Haut conseil. Elles sont justes, équilibrées et n’ont pas suscité d’oppositions. Elles doivent donc constituer notre fil conducteur. Il faut d’abord et avant tout s’attacher résolument à améliorer le fonctionnement du système de soins et la coordination de ses acteurs. Cette amélioration passe par la réforme de la gouvernance et par une adaptation de l’organisation des soins en ville et à l’hôpital. Nos objectifs doivent être une plus grande qualité des soins et une meilleure efficience. Notre outil doit être la responsabilisation : responsabilisation de l’Etat, de l’assurance maladie, des assureurs complémentaires, des professionnels de santé et des patients. Cette responsabilisation doit nous conduire à modifier nos comportements. Chacun doit prendre des décisions, non pas égoïstes, mais solidaires qui assureront une bonne utilisation du système de soins pour le bien-être de tous. Par ailleurs, sans remettre en cause l’universalité de la couverture, nous devons être capables de faire des choix. Nous devons être conscients que nos moyens ne sont pas illimités. Là encore les objectifs sont la qualité et l’efficience. L’outil que je privilégierais c’est la recherche des conduites diagnostiques et thérapeutiques réellement utiles. Enfin, nous devrons le moment venu nous interroger sur les recettes. Mais soyons réalistes, cette solution ne peut être envisagée qu’à la suite d’une profonde réorganisation, en dernier recours. Comme l’a montré le Haut conseil, dans son état actuel, l’assurance maladie ne peut pas ressembler à un puit sans fond. Je vous rappelle les propos du Premier Ministre lors de l’installation du Haut conseil : " nous ne pouvons compter d’abord sur les prélèvements obligatoires pour consolider notre système de santé. Il faut d’abord remettre de l’ordre ". Par le passé, toutes les réformes qui n’étaient basées que sur les seules baisses de remboursement et augmentations des recettes ont échoué, quel que soit le gouvernement qui les a menées. C’est donc le dernier point à aborder.

4. Ces pistes de solution sont larges. Les trois prochains mois doivent être consacrés à dégager, ensemble, dans la concertation, les actions à privilégier.

La méthode de concertation que je vais vous proposer essaie de répondre à plusieurs difficultés : d’abord, le sujet est vaste, la réorganisation doit intégrer l’ensemble de notre système : - les relations entre l’Etat et l’assurance maladie ; - l’organisation de cette dernière, - ses relations avec les professionnels de santé, l’exercice de ces professionnels ; - leurs relations avec les patients ; - et bien sûr comment tout ce système prend en compte les besoins de ces mêmes patients ; ensuite, nous sommes nombreux ; une soixantaine d’organisations. La discussion ensemble n’est pas matériellement facile ; enfin, certains sujets sont très techniques et méritent un examen approfondi. Ainsi, je vous propose, dans un premier temps, deux moyens complémentaires de concertation : D’une part, je recevrai vos organisations pour des discussions bilatérales en février et en mars, afin que nous puissions avoir un échange approfondi autour des pistes d’action esquissées par le Haut conseil et que vous puissiez m’apporter toute proposition que vous jugerez utile. D’autre part, dans le même temps, une petite dizaine de groupes de travail seront mis en place pour approfondir des thèmes sur lesquels il manque des éléments plus techniques. Ils seront animés par des cadres des directions du ministère et des membres de mon cabinet.

Je vous propose 8 sujets. Je voudrais que nous arrêtions ensemble aujourd’hui la liste définitive, au vu de vos propositions.

Tout d’abord, pour ce qui concerne l’organisation des soins stricto sensu, un premier groupe pourrait travailler sur la façon d’assurer une meilleure répartition de l’offre. Un deuxième groupe pourrait étudier les moyens d’une bonne coopération entre la ville et l’hôpital. Enfin un troisième groupe pourrait s’intéresser au sujet de l’orientation et de l’information du patient.

Ensuite, autour de la qualité des pratiques médicales, nous proposons deux sujets majeurs : l’évolution des conditions d’exercice pour une plus grande coordination des soins (quatrième groupe) ; le bon usage du médicament (cinquième groupe).

Enfin, autour de la question de la gestion du risque, le sixième groupe pourrait aborder le thème du partage des données médicales et un septième celui des abus et des gaspillages, ainsi que des outils pour les limiter.

Un dernier sujet sort un peu de ces trois thèmes. C’est la question " de la régulation conjoncturelle des dépenses et de la loi de financement de la sécurité sociale " : comment concilier des nécessités d’équilibre à moyen terme aux évolutions conjoncturelles des dépenses et des recettes ?

Tous ces groupes pourraient clore leurs travaux au début du mois d’avril pour que le gouvernement puisse dans le courant du mois d’avril vous proposer un document d’orientation de la réforme.

Nous sommes déterminés à sauver notre système d’assurance maladie, un élément essentiel de notre pacte social. Nous devons y arriver ensemble. L’énergie de chacun est indispensable. Grâce à nos efforts communs, nous arriverons à surmonter les défis qui s’offrent à nous.

Je vous laisse maintenant la parole pour que vous puissiez vous exprimer, si vous le désirez, sur le diagnostic et les principes de la réforme, mais surtout sur mes propositions pour la méthode de la concertation.

Je vous remercie de votre concision. Nous aurons l’occasion de revenir plus avant sur le fond de la réforme lors de nos rencontres et de celles des groupes de travail.

 

 

Mattei propose huit axes de réforme de la Sécurité sociale

Le Quotidien du médecin 9 février 2004

PARIS (Reuters) - Le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a lancé lundi la "concertation" sur la réforme de l'assurance-maladie en proposant huit thèmes de réflexion sans pour autant lever le voile sur les pistes envisagées par le gouvernement.

Il s'est dans le même temps efforcé de rassurer les professionnels de la santé en écartant clairement l'idée d'une mise en concurrence des caisses avec les assurances privées.

"Le gouvernement rejette avec force toute forme de privatisation de notre assurance-maladie ou de mise en concurrence entre régimes", a dit Jean-François Mattei, qui avait réuni au ministère plus d'une centaine de personnes représentant 57 délégations (syndicats, patronat, caisses, mutuelles, assureurs, industriels, médecins, infirmières, personnels hospitaliers et usagers).

"Je le dis nettement pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Si des critiques s'élèvent, ce qui, somme toute, est bien légitime, elles ne peuvent pas se baser sur cette crainte qui n'est pas fondée. C'est un engagement que je veux poser d'emblée comme préalable", a-t-il ajouté dans un discours préliminaire diffusé par son cabinet.

A mots couverts, le ministre en a également appelé au patronat pour qu'il réintègre les organismes de gestion de l'assurance-maladie.

"Le gouvernement est attaché à un système paritaire dans lequel les partenaires sociaux, représentant ceux qui le financent et en bénéficient, sont pleinement et véritablement responsables. Le gouvernement écarte l'étatisation de l'assurance-maladie", a ainsi souligné Jean-François Mattei.

Pour l'heure, le Medef et la CGPME ne semblent pas disposés à siéger de nouveau aux conseils d'administration des caisses de la Sécurité sociale, qu'ils ont quittés à l'automne 2001.

Les deux organisations patronales font valoir que les partenaires sociaux n'ont pas véritablement le pouvoir de gérer les caisses puisqu'ils ne fixent ni les taux de remboursement des médicaments ni véritablement les honoraires médicaux.

Au plan financier, Jean-François Mattei a en outre redit que la réforme devait "apporter une réelle viabilité à long terme" au système de soins français mais que la question d'un relèvement des prélèvements ne viendrait qu'in fine.

"Comme l'a souhaité le président de la République, un retour vers l'équilibre en 2007 et la perspective d'une croissance des dépenses alignées à moyen terme sur la richesse nationale sont nécessaires", a-t-il déclaré.

LE "FIL CONDUCTEUR" DU HAUT CONSEIL

"Nous devrons le moment venu nous interroger sur les recettes. Mais soyons réalistes, cette solution ne peut être envisagée qu'à la suite d'une profonde réorganisation, en dernier recours", a-t-il ajouté.

"Par le passé, toutes les réformes qui n'étaient basées que sur les seules baisses de remboursement et augmentations des recettes ont échoué, quel que soit le gouvernement qui les a menées. C'est donc le dernier point à aborder."

Jean-François Mattei a proposé aux délégations réunies avenue de Ségur des rencontres bilatérales en février et en mars ainsi que huit groupes de travail "techniques" appuyés sur les conclusions présentées le 23 janvier par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie.

Cette première étape s'étendra jusqu'au début avril, un calendrier qui coïncide avec la campagne pour les élections régionales des 21 et 28 mars.

Les "pistes d'actions" du Haut Conseil "doivent constituer notre fil conducteur", a pris soin de préciser le ministre, car elles "sont justes, équilibrées et n'ont pas suscité d'oppositions".

"Tous ces groupes pourraient clore leurs travaux au début du mois d'avril pour que le gouvernement puisse dans le courant du mois d'avril vous proposer un document d'orientation de la réforme", a-t-il ajouté.

Ce "document d'orientation" servira lui-même de base pour la deuxième étape "du dialogue social, de la concertation et de la négociation" qui trouvera sa conclusion avec la présentation d'un projet de loi en juin.

Les groupes de travail "seront mis en place pour approfondir des thèmes sur lesquels il manque des éléments plus techniques".

Dans la droite ligne du rapport du Haut Conseil, ils traiteront de l'organisation des soins, de la qualité des pratiques médicales et des moyens de concilier l'équilibre financier avec l'évolution des dépenses et les aléas de la conjoncture.

Ainsi, a détaillé le ministre, les groupes de travail examineront "la façon d'assurer une meilleure répartition de l'offre", "les moyens d'une bonne coopération entre la ville et l'hôpital" et "l'orientation et l'information du patient".

Ils se pencheront aussi sur "l'évolution des conditions d'exercice pour une plus grande coordination des soins", "le bon usage du médicament", le "partage des données médicales", "les abus et les gaspillages, ainsi que les outils pour les limiter" et enfin sur "la régulation conjoncturelle des dépenses et de la loi de financement de la Sécurité sociale".

 

 

Assurance-maladie

Une grand-messe avant les grands travaux

Le Quotidien du médecin 9 février 2004

Jean-François Mattei réunit aujourd'hui en son ministère pas moins de soixante délégations du monde de la santé et de l'assurance-maladie. Cette rencontre lance le processus de concertation sur la réforme, après le diagnostic partagé du Haut Conseil. Le ministre de la Santé, qui aurait reçu le soutien de l'Elysée, devrait piloter ce chantier jusqu'à son terme. Plusieurs syndicats s'inquiètent du sort réservé à la médecine de ville.

" UNE SUPERBE manouvre pour remettre Mattei en selle ! " L'analyse de ce président de syndicat, qui commente l'impressionnante table ronde organisée cet après-midi au ministère de la Santé en présence de tous les acteurs sociaux et médicaux " concernés " (patronat, salariés, mutuelles, caisses, professionnels de santé, représentants de l'hôpital, usagers....) est largement partagée. Une soixantaine de délégations sont attendues pour ce " Ségur " de l'assurance-maladie. Six mois après la catastrophe sanitaire provoquée par la canicule, Jean-François Mattei trouve enfin l'occasion de reprendre la main, déterminé à conduire lui-même la concertation, puis la négociation, sur le fond de la réforme de l'assurance-maladie. " Je souhaite engager la phase de dialogue afin de dégager les solutions qui nous permettront de moderniser notre assurance-maladie juste et solidaire ", a-t-il annoncé dans son courrier d'invitation. " L'Elysée a tranché : Mattei reste le chef, il est confirmé, même après les régionales ", n'hésite pas à affirmer un bon observateur. La récente visite de Jacques Chirac à Marseille, sur les terres de son ministre, pour relancer la lutte contre le cancer, serait un autre " signe évident " de ce soutien. Pour autant, que faut-il attendre de cette grand-messe ? D'abord, l'annonce de la méthode et du calendrier pour les prochaines semaines (des ateliers, un premier document gouvernemental de synthèse début avril, avant la négociation effective jusqu'au mois de mai). Un projet de loi serait présenté en juin en conseil des ministres pour être examiné par l'Assemblée nationale en juillet. Jean-François Mattei pourrait également donner aujourd'hui des précisions sur le recours éventuel aux ordonnances à l'été, dénoncé par ceux qui redoutent que le débat parlementaire soit vidé de sa substance. Enfin, des " orientations politiques générales " sur les remèdes ne sont pas à exclure.

Régi :" On nous prend pour des imbéciles ".

Tous les syndicats de médecins libéraux participent à cette rencontre. Mais dans un état d'esprit différent. Alertés par certains passages du rapport Fragonard sur la liberté d'installation, la diversification des modes de rémunération des libéraux ou l'encadrement des honoraires, plusieurs chefs de file haussent le ton. " La seule question qui compte c'est "que veulent-ils faire de la médecine libérale et quelle place pour la médecine spécialisée ?", résume le Dr Félix Benouaich, président du syndicat Alliance. Soit nous sommes des libéraux, avec avantages et inconvénients, soit nous devenons des fonctionnaires, mais le gouvernement doit le dire clairement aux jeunes qui arrivent ". Le Dr Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF), recentre lui aussi le débat sur l'essentiel. " Dans la réforme qui se joue, mon seul engagement, ma seule réponse possible, c'est la qualité des soins, l'évaluation des pratiques, la compétence. Tout le monde connaît notre revendication sur la liberté tarifaire. Mais on voit bien que leur obsession, c'est le financement, on nous prend pour des imbéciles. "

Chassang :" Nous ne ferons pas de surenchère ".

D'autres responsables sont vigilants, sans toutefois préjuger des orientations du gouvernement. Le Dr Michel Chassang, président de la Csmf, attaque cette deuxième phase dans un " esprit constructif, mais combatif, avec la fermeté dans la défense d'une médecine libérale et sociale ". La Conf' annoncera sa ligne politique après son conseil confédéral, le 21 février. " Le plus dur reste à faire, mais la Csmf, organisation majoritaire et responsable, ne se lancera pas dans la surenchère ", annonce le Dr Chassang. Les réponses apportées à " sept sujets cruciaux " détermineront le soutien de la Confédération (voir encadré). Point encourageant, selon le président de la CSMF : " Contrairement à 1995, le gouvernement semble avoir compris que la réforme est impossible sans les médecins, et encore moins contre eux. " Après la " chronique d'un consensus attendu ", le Syndicat des médecins libéraux (SML) se rend lui aussi à la réunion " dans un esprit ouvert ". " Il est certain que des dents vont grincer, admet le Dr Roger Rua, secrétaire général du SML. Mais le statu quo est intenable : le système de soins, y compris en ville, a atteint un certain degré d'anarchie et, si on ne fait rien, tout va exploser ". La situation difficile des spécialistes en secteur I qui " n'ont plus les moyens d'investir " et, au-delà, l'avenir de " l'entreprise médicale " inquiètent autant le SML que la Csmf. MG-France, enfin, a pu constater " avec intérêt " que l'analyse du Haut Conseil rejoint son discours sur des points clés : nécessité d'instaurer un " mode d'emploi " affirmant le rôle central des soins primaires et leur coordination avec la médecine spécialisée et l'hôpital, responsabilisation des patients dans leur recours à l'offre, via une modulation du ticket modérateur. " Nous sommes preneurs d'une réforme qui irait dans le sens d'un meilleur fléchage du système de soins, d'une synergie entre les soignants ", confirme le Dr Pierre Costes, président de MG-France. Tous les syndicats se rejoignent sur un point : au gouvernement, désormais, de mettre cartes sur table.

CYRILLE DUPUIS

" Les sujets qui vont compter ", selon la Csmf Pour le premier syndicat de médecins libéraux, sept dossiers seront " déterminants " pour les médecins de ville dans la réforme de l'assurance-maladie et permettront de juger les décisions du gouvernement : la répartition de l'offre et la démographie médicale (quelles conséquences sur la liberté d'installation ?) ; la promotion de la démarche qualité (honoraires majorés, perspectives de carrière) ; les modes et les conditions de rémunération (paiement à l'acte, forfaits, tiers payant) ; les nouveaux espaces et champs de liberté tarifaire (y compris l'avenir du secteur II) ; la prévention et l'éducation sanitaire ; les formes de coordination des soins (dossier médical unique, soins coordonnés, réseaux, médecin référent...) ; enfin, le pilotage du système, la " gouvernance " (Quelle place pour l'assurance-maladie, les complémentaires ? Comment et avec qui les professionnels de santé contracteront-ils ?).

 

 

Mobilisation à l'hôpital

Une nouvelle journée d'action prévue en mars

Le Quotidien du médecin 9 février 2004

LE FRONT INTERSYNDICAL qui conteste la politique hospitalière de Jean-François Mattei est déterminé à inscrire son action dans la durée. La journée nationale de grève du 22 janvier dernier n'a pas entraîné l'effet escompté : le ministre de la Santé n'a pas changé une ligne à son projet sur la réorganisation interne des hôpitaux. Pas plus qu'il n'a souhaité modifier son calendrier : c'est donc demain que se réunira pour la première fois le comité de suivi de la réforme de la gouvernance, où siégeront les syndicats signataires (CMH, Snam, Cfdt, Unsa, Snch, CGC). Nadine Prigent, de la CGT, y voit " le signe que Jean-François Mattei a décidé de ne pas tenir compte de la majorité des hospitaliers ". La syndicaliste dénonce " un passage en force inacceptable ". Et renouvelle sa demande : le retrait immédiat du plan Hôpital 2007. Car, explique-t-elle, " la gouvernance n'est pas le pire. Elle ne fait qu'accompagner une réforme hospitalière globale dont la tarification à l'activité, où l'on va "produire" du soin, nous paraît la pièce la plus dangereuse ". Estimant ne pas avoir été entendues - " le ministre a coupé les ponts avec nous depuis le 16 décembre ", regrette Didier Bernus, de FO -, les organisations protestataires ont donc décidé de remettre le couvert : réunis la semaine dernière à Paris, la CGT, FO, Sud et la Cftc pour le personnel, et la CHG, l'Inph et l'Amuhf pour les médecins, ont programmé une nouvelle journée nationale d'actions le 11 mars. Les hôpitaux sont appelés dès à présent à prévoir des réunions locales pour débattre de la réforme de l'hôpital public. Un rassemblement public mêlant soignants et usagers sera organisé à Paris, afin de " sensibiliser la population sur la nécessité de rendre public le débat de l'avenir de l'hôpital en France ", indique Nadine Prigent. " Ce sera également l'occasion de faire le lien entre la réforme de l'hôpital et le projet de réforme de l'assurance-maladie ", souligne Didier Bernus. Le président de la CHG (Confédération des hôpitaux généraux), de son côté, ressent une urgence à se manifester. " On a le sentiment que les choses vont très vite autour de nous, dit le Dr Pierre Faraggi, inquiet des propos récemment tenus par Jean-Pierre Raffarin au sujet de la laïcité à l'hôpital. J'ai peur que le gouvernement saisisse cette occasion de modifier le code de la santé pour faire passer très vite le projet sur la gouvernance. " Un projet qu'il a refusé de signer, de même que le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Inph (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers).

DELPHINE CHARDON

 

Le développement de l'HAD

8 000 places en 2005

Le Quotidien du médecin 9 février 2004

Intégration obligatoire d'un volet HAD dans le Sros, doublement des places en deux ans, élargissement à la périnatalité, la pédiatrie et la psychiatrie, fixation de tarifs élevés pour inciter les établissements à se lancer dans l'expérience : Jean-François Mattei a réaffirmé sa volonté de développer cette alternative à l'hospitalisation classique au cours de la visite d'une structure HAD dans l'est parisien, la Croix-Saint-Simon.

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ a entendu le message du président de la République, Jacques Chirac, qui, en décembre dernier, souhaitait le " doublement rapide du nombre de places d'hospitalisation à domicile " (HAD). Il vient d'annoncer la publication prochaine d'une circulaire destinée à favoriser le développement de l'HAD et a dévoilé les grandes lignes de ce document au cours d'une visite à la fondation de la Croix-Saint-Simon (Paris XXe), où se situe l'une des plus anciennes unités d'HAD de France (créée en 1967, cette structure Psph de 200 places n'emploie pas moins de 127 personnes). Le ministre a profité de ce déplacement pour " saluer " le travail des soignants et de la Fnehad, la Fédération nationale des établissements d'HAD : " Grâce à vous, les patients voient raccourcir la durée de leurs séjours à l'hôpital. Vous êtes à un carrefour qui démontre que notre système de prise en charge forme un tout, avec la ville, l'HAD et l'hospitalisation traditionnelle. Je souhaite que l'HAD se développe de manière extrêmement importante à l'avenir ", a déclaré le ministre, reprenant à son compte le souhait formulé par Jacques Chirac. La circulaire qu'il vient de signer, la Fnehad l'attendait de longue date. Le Dr Pierre-Jean Cousteix, son président, se réjouit de sa publication imminente et espère qu'un coup d'accélérateur va enfin être donné au développement de l'HAD. Ce texte complète la circulaire du 30 mai 2000 pour le cancer et les maladies neurologiques. Elle prévoit l'extension du champ d'activité de l'HAD à la quasi-totalité des spécialités (dont la psychiatrie, la pédiatrie et la périnatalité). Une autre circulaire la complétera d'ici à quelques mois en ce qui concerne les personnes âgées, les soins de suite et les soins palliatifs dispensés à domicile.

66 millions d'euros pour les hôpitaux.

Le ministre de la Santé compte sur la réunion de trois facteurs - la nouvelle planification sanitaire, la nouvelle tarification et l'attribution d'un financement spécifique pendant deux ans - pour inciter les établissements à créer les 3 000 places d'HAD escomptées d'ici à 2005. Les hôpitaux recevront 66 millions d'euros pour ouvrir 1 200 lits en deux ans et les cliniques, 50 millions d'euros pour 1 800 lits. Ce qui devrait faire passer les capacités d'accueil de 4 700 à 8 000 places. Ensuite, ce sera à la tarification à l'activité (T2A) de servir de stimulant. " Nous prendrons soin, pour l'HAD, de fixer des tarifs incitatifs, supérieurs au coût de revient, si possible, de manière à ce que les cliniques, peu concernées, puissent dégager des marges et s'investir dans l'HAD ", explique Cédric Grouchka. D'après ce conseiller technique au ministère de la Santé, les médecins généralistes peuvent mieux faire : " Ils ne sont que 10 % à prescrire l'HAD ", regrette-t-il. Ce sont pourtant les pivots de la prise en charge des patients à leur domicile. L'appréhension de la paperasse, du lien avec l'hôpital, mais aussi la méconnaissance des capacités de prise en charge en HAD sont autant de freins pour les généralistes, encore trop nombreux à ne pas penser à proposer une HAD à leurs patients cancéreux ou très âgés. Le réflexe est encore moins spontané face aux enfants malades. Pourtant, l'HAD permet, par exemple, la réadaptation à domicile des prématurés de plus de deux kilos. Jean-François Mattei veut que cela change. Le Dr Daniel d'Hérouville est l'un des deux médecins coordinateurs de l'unité d'HAD de la Croix-Saint-Simon. Il reconnaît l'importance de l'enjeu, mais dénonce le manque d'effectifs : " Nous essayons d'avoir un contact direct avec chaque généraliste. Mais c'est difficile, car ils sont 700 répartis sur un vaste territoire et nous ne sommes que deux médecins coordonnateurs rattachés à l'unité. " " Ça ne paraît pas beaucoup en effet ", observe, surpris, le ministre de la Santé.

DELPHINE CHARDON

 

 

 

L'assurance maladie sur le gril

Yves Housson, L’Humanité 9 février 2004

Jean-François Mattei réuni une soixantaine de délégations pour débattre, à partir d'aujourd'hui, sur la base du diagnostic établi par la Haut Conseil de l'assurance maladie.

La réforme de l'assurance maladie donnera-t-elle lieu à une réelle négociation, à la différence de celle des retraites l'an passé ? À cinq mois de l'échéance fixée par le chef de l'État pour l'aboutissement de ce projet, rien n'est moins sûr. Le ministre de la Santé donne aujourd'hui le coup d'envoi d'une phase de " concertation ". Pas moins d'une soixantaine d'organisations - syndicats de salariés, de médecins, assureurs complémentaires, etc. - ont été conviées à ces débats au ministère, rue de Ségur, et une dizaine de groupes de travail seraient mis sur pied. Des conditions pléthoriques qui amènent certains invités à s'interroger sur l'" efficacité " de la méthode choisie. Des pourparlers conçus pour appliquer un vernis de dialogue social sur un projet déjà ficelé ? Jean-François Mattei n'en serait pas à son coup d'essai : la réforme de la prise en charge de la dépendance, après la tragédie de la canicule et le plan Hôpital 2007, avaient pareillement été précédés d'innombrables réunions, avec une multitude d'acteurs, cela n'a pas empêché le gouvernement de prendre des décisions (notamment la suppression d'un jour férié et l'alignement de la gestion de l'hôpital public sur celle du secteur privé) ne tenant aucun compte de l'avis de la plupart des participants. S'agissant de l'assurance maladie, il faudra attendre le mois d'avril pour qu'il commence à abattre ses cartes sur la table, dans un premier texte qui serait à négocier. Avril, après les élections régionales. Comme la loi sur les retraites, le projet final sera adopté pendant l'été, en pleine période de congés pour les assurés sociaux, mais, à la différence de la réforme Fillon, les députés n'auraient pas le loisir d'en débattre et de l'amender, le gouvernement ayant annoncé qu'il envisageait de recourir aux ordonnances. Bref, tout porte à croire que la droite régnante nous prépare une potion des plus amère. Et qu'elle cherche à restreindre au maximum la possibilité, pour les citoyens assurés, de peser sur le choix d'une réforme touchant pourtant au cour de notre modèle social.

La discussion qui démarre aujourd'hui s'engage sur la base du " diagnostic " établi, à la demande de Mattei, par le Haut Conseil de l'assurance maladie. Un document ambivalent, offrant quelques points d'appui à la sauvegarde de notre système mais pouvant aussi servir à ceux qui rêvent de le mettre en pièces. L'assurance maladie " constitue un de nos plus grands succès collectifs ", juge le Haut Conseil, pointant ce qui en fait sa force : un financement public, assis sur l'évolution de la richesse nationale, avec des cotisations ne prenant pas en compte l'état de santé des malades, un taux encore élevé de prise en charge des dépenses. Face au " défi majeur " de la croissance, estimée inéluctable, des dépenses de santé, le Haut Conseil admet, certes du bout des lèvres, qu'on ne peut " exclure toute augmentation de recettes sur une longue période ". Une affirmation qui représente sans conteste une pierre lancée dans le jardin des libéraux, hostiles par principe à toute augmentation des prélèvements obligatoires. Le Haut Conseil note en effet que, quels que soient les modifications apportées au système, elles ne suffiront pas à " couvrir les impératifs financiers ". Parmi les trois pistes de réformes avancées, figure donc une " action sur les recettes ", la CSG étant considérée comme la principale " réponse possible ". Mais pas la seule puisque le rapport recommande l'étude d'une réforme de l'assiette des cotisations, reprenant une demande insistante de la CGT pour taxer les profits financiers. Nul doute que sur ce chapitre crucial, la confrontation sera vive avec un MEDEF et un gouvernement arc-boutés sur le refus d'une contribution supplémentaire des entreprises au financement de la Sécu.

Reste que le " diagnostic " met surtout l'accent sur la nécessité d'améliorer le fonctionnement du système, afin d'optimiser les dépenses, en insistant sur l'existence de " gisements de qualité ", de " productivité ". Une approche qui peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire. Coordonner la médecine de ville et l'hôpital, aider l'assuré à s'orienter dans le système de soins, favoriser sa prise en charge globale avec un dossier médical partagé, renforcer le rôle de la prévention, remettre en question la liberté d'installation des médecins libéraux pour obtenir une meilleure répartition sur le territoire. Autant d'actions suggérées susceptibles d'apporter une meilleure réponse aux besoins des usagers. Mais peut-on sérieusement prétendre, comme le fait le Haut Conseil, que l'hôpital public a plus besoin de " restructurations " que de moyens supplémentaires, et que son salut viendrait de réformes (comme la tarification à l'activité) l'assimilant à n'importe quelle entreprise privée ? De même, s'agissant des soins et produits de santé remboursables, peut-on lire dans le rapport, parfois explicitement, parfois entre les lignes, l'argumentaire du MEDEF en faveur de la mise en place d'un " panier de soins limités " et d'un transfert de prise en charge sur les assurances complémentaires. Qui - et comment, sur quels critères - déterminerait le contenu de ce panier ? L'inquiétude est d'autant plus de mise que le Haut Conseil fait pratiquement l'impasse sur ce qui pourrait être une garantie essentielle contre une dérive du système vers sa marchandisation : la mise en ouvre d'une démocratie sanitaire, associant à la prise de décision l'ensemble des acteurs, à commencer par les usagers et leurs représentants élus. En l'absence d'un tel garde-fou, le panier de soins risque fort de servir à la privatisation rampante de l'assurance maladie.

La fédération patronale des assureurs privés, qui a participé aux travaux du Haut Conseil et en a approuvé les conclusions, ne cache pas son jeu : elle attend de la réforme, dit-elle, " une distinction claire " entre ce qui relève " de la solidarité nationale ", donc de la Sécu, et " une couverture dépendant de choix individuels, qui serait le champ d'intervention des entreprises d'assurances ". " Par exemple, on pourrait imaginer que les accidents de sports ne soient plus pris en charge par la Sécu mais par les complémentaires ", explique Guillaume Sarkozy, le vice-président du MEDEF. Feignant d'ignorer que le champ de la complémentaire est par nature inégalitaire, les prestations et les tarifs variant énormément d'un contrat à l'autre, et près de 10 % de la population n'y ayant pas accès aujourd'hui pour des raisons financières. On le voit, la sauvegarde de la Sécu, par une réforme qui préserverait son principe fondamental de solidarité, un principe " sain qui doit être maintenu ", selon le Haut Conseil, appellera, tout au long du chantier qui s'ouvre, la plus grande vigilance.

 

Assurance-maladie : M. Mattei ouvre l'acte II de la réforme

Le Monde 10 février 2004

Le ministre de la santé devait réunir, lundi 9 février, l'ensemble des acteurs du secteur pour leur proposer une méthode et un calendrier qui doit aboutir à la présentation d'un projet de loi en juin. Il semble déjà acquis que les patients devront davantage contribuer au financement des dépenses

Le processus de CONCERTATION sur la réforme de l'assurance-maladie s'ouvre, lundi 9 février, par une réunion au ministère de la santé de l'ensemble des acteurs du secteur. Le ministre, Jean-François Mattei, devait proposer UNE MÉTHODE ET UN CALENDRIER aux 57 délégations, en vue de la rédaction d'un projet de loi prévu pour être présenté au conseil des ministres en juin. Pour sortir de l'impasse financière, il semble désormais acquis que les ménages devront prendre davantage en charge les DÉPENSES DE SANTÉ. Avant les élections, le gouvernement a toutefois choisi de ne pas s'avancer, les ministres multipliant les déclarations contradictoires notamment sur l'augmentation de la CSG, qui paraît inéluctable. Le remboursement de la dette pourrait passer par le doublement ou la prolongation de la CRDS.

Jean-françois mattei devait engager, lundi 9 février, la "première étape"du processus de concertation sur la réforme de l'assurance-maladie en recevant l'ensemble des acteurs du monde de la santé et de l'assurance-maladie. Cinquante-sept délégations étaient attendues à 14 h 30, avenue de Ségur, au ministère de la santé : partenaires sociaux, représentants des caisses d'assurance-maladie et des organismes complémentaires, industriels de la santé et fédérations hospitalières, syndicats hospitaliers et représentants de dix professions de la santé. Le ministre devait proposer une méthode et un calendrier aux participants, qui sont nombreux à avoir participé au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie.

A la demande expresse de Jean-Pierre Raffarin, M. Mattei devrait constituer des groupes de travail thématiques (ville-hôpital, répartition géographique de l'offre de soins, etc.). Il conduira, par ailleurs, des entretiens bilatéraux sur la gouvernance. "Notre crainte est qu'on recommence à faire ce qu'a déjà fait le Haut Conseil, alors que le gouvernement doit maintenant sortir du bois",pointe un syndicaliste, résumant l'état d'esprit général qui prévalait à la veille de ce mini-sommet, la CFTC ayant même réclamé des mesures d'urgence.

Pendant que, côté cour, M. Mattei occupe le terrain, côté jardin, une frénésie de rencontres officieuses a saisi les principaux acteurs impliqués dans ce dossier (pouvoirs publics, syndicats, mutualistes...). Nul n'ignore qu'une fois passées les élections régionales des 21 et 28 mars, le calendrier sera serré. Un premier texte d'orientation doit être rédigé début avril, et soumis à concertation pendant deux mois, avant la présentation, en juin, d'un projet de loi en conseil des ministres. Chacun se prépare donc aux échéances du printemps.

 

 

"RESPONSABILISATION"

A l'Elysée et à Matignon, où les anciens spécialistes de la Sécurité sociale sont nombreux - Philippe Bas, Frédéric Lemoine et Frédéric Salat-Barroux ont été impliqués dans la mise en œuvre du plan Juppé en 1996 -, conseillers et hauts fonctionnaires se réunissent régulièrement depuis plusieurs semaines. M. Bas, secrétaire général de l'Elysée, et Christian Charpy, conseiller social du premier ministre, se connaissent bien pour avoir été, tous deux, au cabinet de Simone Veil, ce qui facilite le travail entre leurs équipes. Ces dernières planchent sur l'organisation du système de soins, la "responsabilisation" des acteurs et sur les moyens de sortir de l'impasse financière (le déficit cumulé 2002-2004 devrait atteindre 30 milliards d'euros) tout en élaborant différents scénarios en matière de gouvernance.

A Bercy comme au ministère de la santé, les directions d'administration centrale ont été chargées du chiffrage des mesures, notamment de toutes celles, sensibles, concernant l'ajustement des taux de remboursement. S'il n'y a pas encore eu de réunion interministérielle, et si peu de chose filtre des réunions "techniques" de l'Elysée et de Matignon, il semble acquis que les ménages devront prendre davantage en charge leurs dépenses de santé. Quitte à être aidés fiscalement pour souscrire à une bonne mutuelle - un des engagements de Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle.

La "responsabilisation", toutefois, ne devrait pas se limiter aux patients mais concerner aussi les professions de la santé, en particulier les gros prescripteurs de ces médicaments (tranquillisants, anti-dépresseurs, etc.) dont les Français abusent.

Les pouvoirs publics semblent partisans de confier une large autonomie de gestion aux partenaires sociaux, comme le suggère le Haut Conseil dans son rapport. Plusieurs pistes sont ouvertes, dont celle d'un conseil d'administration des caisses élargi aux usagers et supervisé par une "Haute Autorité de la santé". Les organismes complémentaires - sans pour autant participer à la prise en charge des dépenses dès le premier euro - seraient associés au pilotage du système. Un tel scénario implique que le Medef accepte de revenir dans les caisses d'assurance-maladie. "Mais il ne peut pas être un partenaire social à la carte", précise un ministre, écartant la perspective, déjà acceptée par le patronat, d'un retour dans la seule branche des accidents du travail. Si le Medef campait sur ses positions, l'hypothèse d'une reprise en mains par l'Etat, qui n'a pas les faveurs du gouvernement, ne pourrait être totalement écartée.

Par ailleurs, la CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, FO et l'UNSA se réunissent régulièrement depuis le mois de mai 2003 avec la Mutualité pour mettre au point un socle commun de propositions. Lors de leur dernière intersyndicale, mercredi 4 février, à laquelle FO n'a pas participé, ils ont décidé, entre autres, d'affûter leurs propositions sur la gouvernance et sur les fonctions du système de soins, et de travailler sur le périmètre de soins remboursable.

Mais sur ces sujets aussi techniques que politiques, les uns et les autres en diront le moins possible tant que le gouvernement n'aura pas abattu ses cartes et que la position du Medef ne sera pas arrêtée. Si elle est trop isolée, la CFDT, échaudée par le précédent des retraites, y réfléchira à deux fois avant de défendre une nouvelle réforme sociale. Dans un entretien au Echos, lundi 9 février, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, prévient : "Nous refuserons toute hausse de la CSG tant que nous n'aurons pas eu satisfaction sur la réorganisation du système de soins."

Le Medef, lui, a toujours subordonné son retour à l'adoption préalable d'une réforme structurelle et à un effort accru de maîtrise des dépenses. C'est une des raisons - avec les élections - pour lesquelles le gouvernement ne se prononce pas sur une hausse de la CSG. Une course de lenteur semble engagée entre pouvoirs publics, syndicats, mouvement mutualiste et patronat.

Claire Guélaud

 

 

Pour renflouer la Sécurité sociale, le gouvernement étudie aussi la piste fiscale

Le Monde 10 février 2004

Peut-on réussir à équilibrer le financement du système d'assurance-maladie sans augmenter ses recettes et notamment la contribution sociale généralisée (CSG) ? La Sécurité sociale pourra-t-elle rembourser la dette accumulée en 2003 et 2004 sans faire appel au contribuable ? A ces deux questions, le gouvernement aimerait pouvoir répondre par l'affirmative. Il s'est engagé à baisser les prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales) qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises et il n'envisage que de mauvaise grâce de devoir les remonter pour financer la réforme de l'assurance-maladie. Il refuse donc de se résoudre, a priori, à une hausse de la CSG ou de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et veut d'abord explorer toutes les pistes : mieux gérer le système ; modérer la hausse des dépenses - notamment en remettant en cause le principe de gratuité - ; transférer une partie de la prise en charge vers l'assurance-maladie complémentaire.

"Peut-être qu'à la fin des temps, après avoir (...) tout réorganisé, nous constaterons ensemble qu'il faut boucher un trou supplémentaire", a toutefois avoué Francis Mer, le ministre de l'économie, interrogé sur une éventuelle hausse de la CSG par Radio Classique le 31 janvier, reconnaissant qu'"à certains moments on peut constater que tel prélèvement est considéré par l'ensemble des Français comme ce qu'il faut décider ensemble". Disant cela, il ne faisait que reprendre les conclusions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, qui envisage, dans son rapport, un élargissement de l'assiette de la CSG, dans le cadre d'"une action simultanée sur plusieurs leviers". La plupart des membres du Haut Conseil considèrent qu'il serait inopportun de transférer une part trop grande des dépenses de l'assurance-maladie obligatoire vers les régimes complémentaires et qu'au final le financement devra être bouclé par une augmentation de la CSG.

La hausse inéluctable de la CSG. Créée par le gouvernement de Michel Rocard, fin 1990, la CSG finance l'assurance-maladie, les prestations familiales et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Depuis 1997, cet impôt prélevé à la source touche l'ensemble des revenus des ménages (hors prestations familiales). Rapportant quelque 64 milliards d'euros par an, il est devenu la deuxième source de recettes du régime général de l'assurance-maladie, qui a reçu 33,45 milliards de CSG en 2003.

Le taux varie selon la nature des revenus. Les revenus d'activité, du patrimoine et des placements sont soumis à un taux de 7,5 %. Pour les revenus de remplacement, comme le chômage ou les retraites, le taux est de 6,2 % (pouvant être ramené à 3,8 % pour les ménages peu ou pas imposés).

Pour augmenter les recettes provenant de la CSG, le gouvernement a plusieurs possibilités. Avant d'envisager de relever le taux global, il peut aligner les taux réduits sur le taux normal et supprimer les exonérations (ce qui rapporterait 7,5 milliards en année pleine, selon le chiffrage maximal donné par le rapport du Haut Conseil ; plutôt 3,5 milliards, selon le calcul de Matignon). Par ailleurs, on sait que remonter la CSG d'un point, dans la configuration actuelle, rapporterait un peu plus de 9 milliards.

Doubler la CRDS ou la prolonger quinze ans ? Lorsque la réforme de l'assurance-maladie sera bouclée, restera à traiter le découvert accumulé par la Sécurité sociale auprès de la Caisse des dépôts. Fin 2004, il sera de l'ordre de 30 milliards d'euros. L'Etat a déjà été confronté à deux reprises à ce problème. En 1996, il avait donc créé la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui a repris le déficit cumulé de la "Sécu", et instauré la CRDS. Cet impôt est prélevé, comme la CSG aujourd'hui, sur pratiquement tous les revenus, au taux de 0,5 %. Son produit est totalement affecté à la Cades et permet de rembourser progressivement la dette. Il a rapporté 4,7 milliards en 2003.

La CRDS aurait dû exister jusqu'en 2009. Mais, en 1998, un nouveau paquet de dette a été transféré à la Cades et la CRDS prolongée jusqu'en 2014. Fin 2003, il restait à rembourser 38,35 milliards.

Si rien n'a été discuté à ce stade, le gouvernement pourrait décider, au moment du bouclage de sa réforme, de basculer les 30 milliards de nouvelle dette à la Cades. Il lui faudrait alors choisir entre deux options : maintenir la date d'échéance de la CRDS à 2014 et doubler son taux (à 1 %) ou prolonger la durée de prélèvement de la CRDS jusqu'aux environs de 2030. L'Etat peut aussi choisir une voie moyenne, en ne perdant pas de vue que, plus une dette est longue, plus elle coûte cher. La Cades, qui a eu, depuis 1996, 53,8 milliards de dette à gérer, a déjà payé 18,31 milliards d'intérêts. Le taux de la CRDS étant unique, le gouvernement ne peut pas augmenter ses recettes en égalisant les taux. La seule possibilité, peu probable, pour élargir l'assiette serait de réintégrer les revenus des retraités et des chômeurs non imposables, exonérés depuis 2001, soit 280 millions par an.

Sophie Fay

 

 

Les propos contradictoires des ministres sur la CSG

Le Monde 10 février 2004

On ne compte plus les déclarations ministérielles contradictoires sur la contribution sociale généralisée (CSG). La palme, en la matière, revient probablement à Francis Mer. "Il est clair que notre politique ne consiste pas à augmenter les prélèvements, à augmenter la CSG", assurait le ministre de l'économie, le 24 janvier 2004 sur Europe 1. Une semaine plus tard, interrogé par Radio Classique, il n'excluait plus cette éventualité. "Mais ce sera simplement un complément", une fois l'assurance-maladie réorganisée, indiquait-il. Pour s'être contredit, M. Mer n'en a pas moins eu le mérite de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Au risque de se faire tancer par le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, qui, le 2 février sur BFM, l'a démenti. "Il n'est en rien question d'augmenter les prélèvements. L'objectif de la réforme -de l'assurance-maladie- est d'apporter des réponses in fine qui doivent permettre de ne pas avoir recours à une augmentation des prélèvements", a-t-il assuré.

Compte tenu de l'état des finances de la Sécurité sociale, en particulier du déficit de l'assurance-maladie, l'éventualité d'un relèvement de la CSG - un point de cet impôt rapporte 9,5 milliards d'euros en année pleine - a été très tôt envisagée. D'abord pour financer la revalorisation à 20 euros de la consultation des généralistes promise à l'été 2002. "Il va falloir qu'on accepte de payer pour sa santé", estimait François Fillon, le 19 mai 2002, sur France 3. Il n'y a "pas d'autre solution" que d'augmenter les cotisations sociales, poursuivait, dans la même veine, Renaud Dutreil, le 28 mai. "Celui qui dirait autre chose serait un charlatan", ajoutait imprudemment le nouveau secrétaire d'Etat aux PME, plongeant dans l'embarras le chef d'un gouvernement tenu par les engagements chiraquiens de baisse des impôts.

Ces couacs se sont répétés en 2003. Le porte-parole du gouvernement est intervenu, à plusieurs reprises, pour rectifier le tir. Notamment le 21 juillet, après les déclarations, le 20 juillet au Parisien, de M. Fillon estimant qu'une hausse de la CSG n'était "plus un sujet tabou", M. Copé assurait au Monde : "L'augmentation de la CSG ne fait pas partie des pistes retenues par le gouvernement, qui reste attaché à la non-augmentation des prélèvements obligatoires."Les services du premier ministre ne sont pas les derniers à se contredire, lorsqu'ils font savoir, en décembre 2003, qu'ils travaillent à un relèvement des taux réduits de CSG (des retraités notamment), pour se rétracter en janvier...

C. Gu.