REVUE DE PRESSE JUIN 2003

 

 

Les assureurs proposent une privatisation partielle de la Sécu

Le Monde 6 juin 2003, Dominique Gallois

La Fédération française des sociétés d'assurances, invitée par le gouvernement à faire des propositions pour la réforme de l'assurance-maladie, propose que l'optique, le dentaire et les prothèses auditives relèvent exclusivement d'une couverture privée et sortent du champ de la Sécurité sociale

La Fédération française des sociétés d'assurances a présenté, mercredi 4 juin, ses propositions en matière de réforme de l'assurance-maladie. Elle demande que la Sécurité sociale se recentre sur la prise en charge des maladies graves et propose que les assureurs complémentaires prennent en charge dès le premier euro les remboursements de certaines prestations comme l'optique, le dentaire, les prothèses auditives et les petits appareillages. Ce pavé dans la mare intervient alors que le gouvernement s'apprête à engager dès l'automne cette réforme sensible de l'assurance-maladie. Et les assureurs ont pris de vitesse la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), qui regroupe la quasi-totalité des mutuelles de santé et qui doit faire ses propositions lors de son Congrès, le 12 juin, devant le chef de l'Etat.

APRÈS la retraite, la Sécurité sociale. Le gouvernement s'apprête à engager dès l'automne une autre réforme sensible, celle de l'assurance-maladie. Le principe est de redéfinir les champs d'intervention de la Sécurité sociale et des assurances complémentaires.

Deux conceptions vont s'opposer, celles des mutuelles et des assureurs privés, auxquels le gouvernement a demandé des propositions. Mercredi 4 juin, la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) a été la première à faire ses propositions. Elle demande que la Sécurité sociale se recentre sur la prise en charge des maladies graves et propose que les assureurs complémentaires prennent en charge dès le premier euro les remboursements de certaines prestations comme l'optique, le dentaire, les prothèses auditives et les petits appareillages. La FFSA prône aussi le développement de l'assurance volontaire.

Rien de tel pour embarrasser le gouvernement, qui attend les autres propositions, notamment celles de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), qui regroupe la quasi-totalité des mutuelles de santé. Forte de ses 60 % de parts de marché de la complémentaire, face aux assureurs, qui en détiennent 21 %, et les institutions de prévoyance (19 %), la Mutualité française est bien décidée à peser de tout son poids dans le débat. Elle fera connaître ses propositions lors de son congrès de Toulouse, du 12 au 14 juin, auquel elle a invité le président de la République, Jacques Chirac, et le ministre de la santé, Jean-François Mattei.

La FFSA a donc choisi de devancer sa grande rivale en rendant publiques ses réponses à M. Mattei. " Nos propositions se veulent professionnelles, pratiques et ciblées ", a affirmé Gérard de La Martinière, le nouveau président de cet organisme professionnel, rejetant d'emblée les " faux procès " faits aux assureurs privés concernant leurs vues sur l'assurance-maladie. Il n'est pas question de remettre en cause le rôle des pouvoirs publics et des régimes d'assurance-maladie. " L'Etat a un rôle déterminant à jouer en matière d'objectif de santé publique " et " la Sécurité sociale occupe et continuera d'occuper une place centrale ", affirme M. de La Martinière.

" payeurs aveugles "

Le premier objectif est de renforcer la coopération avec les régimes obligatoires. Les assureurs demandent à être associés à toutes les décisions prises en matière d'assurance-santé pour pouvoir adapter leurs garanties. Ils plaident pour " une véritable cogestion de la santé ". Ils ne veulent plus être des " payeurs aveugles " subissant de lourds transferts de charges à chaque fois que la Sécurité sociale réduit sans concertation ses remboursements, comme ce fut le cas, en avril, avec la baisse de 65 % à 35 % du remboursement de 617 médicaments. Pour adapter leur offre, ils demandent également à connaître les produits remboursés dont ils ne connaissent aujourd'hui que le taux de remboursement. Christian Babusiaux, magistrat à la Cour des comptes, devait rendre un rapport sur ce thème à M. Mattei, jeudi 5 juin, proposant des pistes pour fournir des informations sans porter atteinte à la vie privée des assurés.

Pour renforcer la coopération, la FFSA propose la création d'un " conseil des sages " composé d'experts indépendants, non révocables, destiné à mieux valider les objectifs de santé publique et à en assurer la pérennité et d'une " agence de coordination " répartissant les interventions des régimes obligatoires et complémentaires. Sept à huit " agences régionales de santé " seraient créées afin d'adapter les politiques décidées et d'en mesurer l'efficacité.

Pour mieux gérer le risque, la FFSA propose de recentrer les régimes obligatoires sur leur coeur de métier, c'est-à-dire les affections de longue durée, qui représentent 50 % des dépenses de santé. Elle suggère de revoir le mode de rémunération des professionnels de la santé et le financement des hôpitaux. Les assureurs envisagent également de passer des contrats avec des professionnels de santé qui, au lieu d'être rémunérés à l'acte, seraient payés par " capitation ", c'est-à-dire au nombre de patients traités sur une période donnée. Cela permettrait aux praticiens de consacrer davantage de temps à la prévention, l'information et le conseil, qui ne sont pas des actes médicaux et sont actuellement peu abordés.

Dès le premier euro

Mais la FFSA entend surtout faire davantage appel à l'assurance volontaire. Constatant que l'organisation a peu changé depuis la création de la Sécurité sociale, elle demande une adaptation à l'évolution actuelle. On assiste au passage " d'un important besoin collectif et assez uniforme à des situations et des choix beaucoup plus individualisés ", selon elle. Dans cette nouvelle donne, l'assureur complémentaire interviendrait en complément des régimes obligatoires pour ce qui relève de la solidarité nationale et au premier euro pour ce qui ne relève pas d'elle. Les assureurs se disent ainsi prêts à prendre en charge dès le premier euro les remboursements de certaines prestations (optique, dentaire, prothèses auditives, petits appareillages), indépendamment de la Sécurité sociale. Celles-ci sont déjà faiblement remboursées. Il s'agirait d'un transfert de 2,5 milliards d'euros pour le dentaire, 200 millions pour l'optique et d'environ 500 millions pour les prothèses auditives.

Enfin, si 92 % des Français disposent d'une couverture maladie complémentaire, la FFSA estime que, sur le solde de 8 %, 4 % à 5 % n'en possèdent pas faute de moyens financiers suffisants. Elle propose la création d'une Aide personnalisée à la santé, à l'image de l'Aide personnalisée au logement (APL).

Conscient de la sensibilité du dossier, M. de La Martinière affiche une " attitude volontairement modeste ", mais ferme. " Nous serons amenés à faire évoluer cette démarche, mais les lignes directrices resteront les mêmes ", prévient-il. Les assureurs s'attendent que cette réforme prenne du temps et se fasse de manière progressive.

 

Trois questions à... Jean-Pierre Davant

Le Monde 6 juin 2003

Vous êtes président de la Fédération nationale de la Mutualité française, comment réagissez-vous aux propositions de la FFSA ?

Elles sont dans la continuité de ce que les assureurs privés ont toujours proposé, à savoir de faire éclater la gestion de la santé en France en plusieurs morceaux et d'en récupérer ce qui leur semble rentable. Leur démarche d'un remboursement au premier euro du dentaire et de l'optique va en ce sens. C'est à mon avis une bien piètre réponse face aux grands enjeux auxquels nous allons être confrontés pour sauver le système de santé.

Quels sont les dangers d'une telle mesure ?

Si on adopte ce principe de segmentation des risques, pourquoi ne pas l'appliquer aussi aux personnes âgées et aux handicapés. Vous noterez que la FFSA ne le propose pas, car ces risques sont trop lourds. En continuant ainsi nous assisterons à l'éclatement du principe d'universalité du système de santé. Ces propositions accroissent la marchandisation de la santé.

Pour nous, la notion de petits risques n'existe pas. Prenons l'exemple de l'optique. Il est impératif qu'un enfant défavorisé puisse avoir des lunettes pour mieux suivre en classe. Sinon ce qui se présente comme un petit risque deviendra un handicap social, l'enfant ayant échoué dans ses études.

Quelles solutions allez-vous proposer ?

Nous sommes à des années-lumière de ce que propose la FFSA et nos conceptions sont totalement opposées. Le congrès de Toulouse, qui débute le 12 juin, fera émerger nos propositions. Notre volonté est au contraire de sauver la Sécurité sociale en régulant mieux les interventions entre les régimes obligatoires et les régimes complémentaires. Cela passe par une meilleure association de l'assurance complémentaire à tous les processus de décision dans la santé. Le gouvernement va être amené à traiter la question dès l'automne et devra prendre position face à deux conceptions inconciliables.

Propos recueillis par Dominique Gallois

 

 

Jacques Chirac, jeudi, devant le congrès de la Mutualité

Le Monde 12 juin 2003

QUATRE MILLE DÉLÉGUÉS représentant des mutuelles qui couvrent 36 millions de personnes, se retrouvent, à partir du jeudi 12 juin, à Toulouse, pour participer aux travaux du 37e congrès de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), placé sous le signe de " la réduction des inégalités sociales ". Ce rendez-vous triennal, qui sera ouvert par Jacques Chirac et clôturé, samedi 14 juin, par le ministre de la santé, Jean-François Mattei, sert traditionnellement à définir les orientations stratégiques de la FNMF et à faire des propositions aux pouvoirs publics sur le système de santé et de protection sociale.

Le sujet est d'actualité au moment où les caisses d'assurance-maladie affrontent l'une des plus graves crises financières de leur histoire (16 milliards d'euros de déficit cumulé en 2002-2003), sur fond de progression soutenue des dépenses et de diminution des recettes pour cause de chômage. Pour Etienne Cagnard, vice-président de la Mutualité française, qui fait état d'un début de crise de confiance des assurés dans l'efficacité du système de santé, " c'est le contexte le plus catastrophique que l'on ait connu depuis très longtemps ". " Les petites recettes ne suffisent plus. Il faut réguler l'ensemble du système, faute de quoi les inégalités s'aggraveront dangereusement ", pointe ce dirigeant mutualiste, qui en appelle au sens de la responsabilité de tous (professionnels de la santé, mutuelles, assurés...).

La Mutualité française, qui récuse le rapport Chadelat sur l'évolution de la part respective de la Sécurité sociale et des organismes complémentaires, doit rendre publiques, samedi, ses propositions.

Claire Guélaud

La réforme de l'assurance-maladie

M. Chirac défend le modèle social français devant la Mutualité

Le Monde 13 juin 2003

 

Jacques Chirac devait tracer les grandes lignes de la réforme de l'assurance-maladie, jeudi 12 juin, à Toulouse, en ouvrant le 37e congrès de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) dans une salle qui, quelques minutes avant l'arrivée du chef de l'Etat, a été privée de courant. Un " incident " qui rappelle celui dont le premier ministre avait été victime, mardi soir, lors du meeting de l'UMP à Asnières (Hauts-de-Seine).

Après le projet de loi sur les retraites, le chantier de la réforme de la " Sécu ", qui sera ouvert à l'automne par le ministre de la santé, Jean-François Mattei, s'annonce tout aussi difficile, et le président de la République devait rappeler les principes qui guident son action en ce domaine, dans le droit-fil des engagements qu'il avait pris, en février 2002, devant les assises des professions de santé libérales.

M. Chirac devait ainsi démentir les rumeurs de " privatisation " du système de santé qui courent depuis la publication du rapport Chadelat préconisant un rôle accru des mutuelles et des assurances complémentaires dans le remboursement des soins. " Le système de santé est bon. Il ne s'agit pas d'en changer mais de le faire progresser sans le privatiser ou l'étatiser, comme on l'entend ", assurent ses conseillers. Comme pour les retraites, ajoutent-ils, M. Chirac a toujours " chevillée au corps la conviction qu'il faut sauvegarder notre modèle ". " Notre système est plus protecteur que tous les systèmes alternatifs. Plus protecteur que l'étatisation qui, partout, fait courir le risque du rationnement des soins et de la déresponsabilisation. Plus protecteur aussi que la privatisation car la santé n'est pas une marchandise. "

L'an dernier, M. Chirac a soldé le contentieux que la droite avait avec les professionnels de santé libéraux depuis l'annonce du plan Juppé de 1995, qui introduisait notamment des pénalités financières contre les trop gros prescripteurs. Un " grave malentendu ", selon ses propres termes, l'avait alors opposé aux médecins libéraux. Mais il doit aussi tenir compte, aujourd'hui, des assureurs complémentaires - et notamment de la puissante FNMF, dont les mutuelles couvrent 36 millions de personnes. Son congrès de Toulouse s'achèvera samedi sur le vote, par ses 4 000 délégués, des propositions que la Mutualité française défendra, à l'automne, dans le cadre de la réforme de l'assurance-maladie. Dans un entretien publié jeudi 12 juin par Libération, le président de la FNMF, Jean-Pierre Davant, explique comment son mouvement entend " sauver la Sécurité sociale ". La médecine de ville ne doit plus, selon lui, être gérée par l'Etat, mais par les professionnels, les caisses et les complémentaires.

Jean-François Mattei lance le chantier de la "gouvernance" de l'hôpital public

Le Monde du 28/06/2003

Le ministre de la santé ouvre, vendredi 27 juin, une concertation sur la modernisation de l'organisation interne des établissements publics

Une nouvelle étape du plan Hôpital 2007 est engagée. Le ministre de la santé, Jean-François Mattei, l'a annoncée, jeudi 26 juin, en rendant publiques sept propositions de modernisation de la gestion et de la direction des hôpitaux publics, victimes d'un "cloisonnement excessif, étouffant et presque toujours déresponsabilisant". Ces propositions seront soumises à concertation. "Il n'y a pas de tabou. La discussion est ouverte", a précisé M. Mattei, qui souhaite adopter un arsenal de mesures d'ici à la fin de l'année.

Les propositions ministérielles portent aussi bien sur l'exécutif hospitalier (conseil d'administration, comité de direction, etc.) que sur la liberté d'organisation des services ou sur la nomination des praticiens et des directeurs hospitaliers. A partir de vendredi et pendant dix jours, le ministre de la santé doit consulter, de manière bilatérale, tous les "institutionnels" concernés par ce sujet : fédérations syndicales de la fonction publique hospitalière, syndicats de cadres hospitaliers ou de praticiens hospitaliers, Fédération hospitalière de France...

Fidèle à sa méthode, le ministre a décidé de constituer quatre groupes de travail thématiques, qui plancheront sur la "gouvernance", les praticiens hospitaliers, les directeurs des hôpitaux et le régime budgétaire et comptable. Un comité de pilotage, présidé par le directeur des hôpitaux, Edouard Couty, assurera le suivi de ces travaux. Une façon pour M. Mattei de déminer le terrain sur des sujets sensibles.

Le ministre propose de recentrer le conseil d'administration des hôpitaux publics sur des fonctions stratégiques - comme l'adoption du projet d'établissement - et sur ses missions d'évaluation et de contrôle (à ce titre, il pourrait demander la mise en place d'un cabinet d'audit).

La composition du conseil d'administration, aujourd'hui composée de 21 personnes, serait resserrée autour de 12 à 18 membres et organisée en trois collèges de même importance (élus, personnalités qualifiées, représentants des personnels). M. Mattei laisse à la concertation le soin de trancher la question, délicate, de la présidence du conseil, qui échoit de droit au maire de la commune où les hôpitaux publics sont implantés. Cette situation fait pourtant souvent obstacle au regroupement ou à la fusion des établissements hospitaliers, qu'une rationalisation du système de soins peut imposer. En outre, le comité de direction serait transformé en un "véritable exécutif" associant l'administration et le corps médical.

Pour éviter les "dérives de gestion", l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) disposerait d'un double pouvoir d'injonction et de suspension. Par ailleurs, la commission médicale d'établissement (CME), appelée à plus s'impliquer dans la définition de la politique médicale et de la formation continue, serait dotée d'un pouvoir d'alerte. Le nombre et les missions des différents comités internes qu'un hôpital peut compter (comités pour la douleur, les infections nosocomiales) seraient simplifiés.

Quant aux services ou pôles d'activité, M. Mattei propose de leur donner la liberté de s'organiser en application d'un amendement de la loi Evin-Durieux de 1991, resté jusqu'alors lettre morte. Ces pôles d'activité passeraient des contrats avec le comité de direction. En contrepartie de cette contractualisation interne, ils disposeraient d'une délégation de gestion et pourraient mettre en place des accords d'intéressement individuel et collectif concernant soignants et non soignants.

Le ministre de la santé continuerait de nommer les praticiens hospitaliers. Mais leurs postes ne seraient plus soumis à autorisation de l'ARH. L'accès à la liste nationale d'aptitude serait simplifié ; un centre national de gestion serait mis en place pour tenir cette liste à jour, publier les postes vacants en temps réel et suivre la carrière des 35 000 praticiens. Une instance du même type traiterait du cas des directeurs hospitaliers. Un vivier de 200 à 300 personnes, alimenté par des profils de natures diverses - y compris des candidatures externes au corps des directeurs d'hôpitaux - serait créé. L'évaluation des directeurs serait confiée aux directeurs des ARH.

Claire Guélaud

 

Quotidien du médecin du 24/06/2003 La tarification à l'activité inquiète les directeurs d'hôpital et de clinique La mise en oeuvre de la tarification à l'activité, que tout le monde appelle désormais " T2A ", doit s'opérer le 1er janvier prochain dans tous les hôpitaux et cliniques de France. Or, beaucoup de questions restent en suspens, déplorent les directeurs d'établissement, qui regrettent que l'expérimentation menée depuis six mois n'ait conduit qu'à un simple état des lieux de la situation existante.

Il est bien difficile de dresser un premier bilan de l'expérimentation de la tarification à l'activité, désormais baptisée " T2A ", six mois après son lancement et six mois avant la généralisation prévue de ce nouveau mode de financement à tous les établissements de santé.

Au ministère de la Santé, la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS) est peu bavarde sur la question. Unique commentaire : l'expérimentation se déroule correctement, un état des lieux précis du traitement de l'information médico-économique a pu être dressé dans les 60 sites volontaires (21 hôpitaux publics, 8 hôpitaux privés à but non lucratif, 29 cliniques privées à but lucratif, 2 centres de lutte contre le cancer). Mais pour l'heure, aucune application de la T2A, même virtuelle, n'a eu lieu sur le terrain (voir entretien ci-dessous). L'expérimentation, fondée sur le codage fictif des actes, ne commencera qu'en octobre 2003, ce qui ne manque pas d'inquiéter les directeurs d'hôpitaux, qui n'ont aucun détail sur la façon dont ils devront mettre en œuvre la réforme le premier janvier prochain.

" Ça traîne, car les arbitrages ne sont pas pris, indique le directeur du centre hospitalier de Saint-Cloud, qui fait partie de la mission ministérielle sur la tarification à l'activité. Trois schémas d'application sont envisagés pour les hôpitaux, et on ne saura qu'à la fin du mois, voire à l'automne, lequel la DHOS a retenu. " Jean-Yves Laffont résume son inquiétude : " L'outil T2A n'est pas mauvais en soi, mais il n'est pas prêt. "

Pour affirmer cela, le directeur de l'hôpital de Saint-Cloud, par ailleurs vice-président de l'UHRIF (union des hôpitaux de la région Ile-de-France), se fonde sur les résultats de l'enquête menée par la mission T2A en début d'année auprès des 60 sites expérimentateurs. L'étude montre que les médecins codent le PMSI (programme médicalisé du système d'information) trop lentement : " Au lieu de se faire tous les trois mois, le codage devra se faire tous les mois, voire au jour le jour avec la T2A, rappelle Jean-Yves Laffont. Cette accélération du rythme de production des RSS (résumés de sortie standardisés) est vitale pour l'hôpital, puisque l'obtention des recettes en dépend. "

Dans leur ensemble, les directeurs d'hôpital sont d'accord pour appliquer la T2A, " outil de dynamisme et de stratégie ", pense Jean-Yves Laffont. Mais ils ont peur, car bon nombre de questions restent en suspens. Un exemple : la T2A va permettre de distinguer clairement les services hospitaliers rentables des services coûteux, comme dans le secteur privé. " Va-t-on maintenir un service non rentable ?, s'interroge Jean-Yves Laffont. Ou alors, va-t-on réunir deux services non rentables pour en faire un service rentable grâce à des restructurations et des réductions de personnel ? Et dans ce cas, qui va mener les restructurations, qui prendra la décision d'envoyer telle infirmière ou tel médecin dans un autre service ou un autre établissement ?"

Envisagée sous cet angle, la T2A risque fort de modifier la gouvernance hospitalière. Et les directeurs ne se sentent pas aidés pour faire face à de telles conséquences.

Autre danger que souligne le vice-président de l'UHRIF : la T2A va peut-être déclencher une logique productiviste chez les médecins. Des dérives sont alors à prévoir : le praticien pourra être tenté de baisser les coûts en diminuant la qualité des soins ou en sélectionnant les malades les moins chers. Ou à l'inverse, pour accroître les recettes de son service, le médecin ira à la chasse du malade : s'il lui manque quinze opérations pour remplir son quota à telle date, il fera venir les malades à tout prix, imagine Jean-Yves Laffont. Mais la principale crainte du vice-président de l'UHRIF est ailleurs : il redoute que les médecins revendicatifs n'abusent de leur nouveau pouvoir pour paralyser toutes les payes. " Du jour au lendemain, les médecins hospitaliers vont devenir le fournisseur essentiel de l'information nécessaire pour que l'hôpital touche ses recettes, explique-t-il. La T2A leur donne un moyen de pression énorme : il leur suffit de ne plus transmettre l'information, et, presque immédiatement, l'hôpital n'aura plus de recettes. Le directeur sera alors dans l'incapacité de payer ses salariés. "

Le directeur adjoint du centre hospitalier de Blois, Patrick Expert, ne partage pas cet avis : " Je ne crois pas à cette bombe à retardement ; les médecins seront responsables. Je leur fais confiance, ils seront également capables de fournir les données du PMSI plus vite. Je ne comprends pas ceux qui disent que l'état des lieux dressé par la mission sur la T2A est négatif. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, l'application aura bien lieu l'an prochain, mais de façon progressive, ce qui permettra les ajustements techniques nécessaires. "

Côté cliniques privées, on a " de fortes raisons " d'être inquiet, déclare Olivier Toma, qui dirige la clinique Champeau à Béziers, autre site expérimentateur de la T2A. " La tarification à l'activité représente un enjeu énorme pour l'hospitalisation privée ", affirme-t-il. " Or, telle qu'elle est envisagée, la réforme n'aboutira à aucune égalité de traitement entre les secteurs public et privé, ni même entre cliniques, contrairement à ce qu'avait promis Jacques Chirac, puisque la grille de tarifs des hôpitaux ne sera pas la même que celle des cliniques, et puisque chaque clinique recevra un coefficient correcteur qui va pérenniser des distorsions tarifaires observées depuis plusieurs années. De plus, la nouvelle échelle de valeur sera calculée sur le PMSI et non sur le coût réel de l'acte, c'est illogique. Si les cliniques n'obtiennent pas une harmonisation par le haut de leurs tarifs, elles ne s'en sortiront pas ", conclut Olivier Toma.

Les syndicats de médecins libéraux sont également mécontents. Trois d'entre eux (UMESPE, UCCSF, UCF) incitent les praticiens " à ne participer à aucune des commissions techniques " sur la T2A, pour protester contre l'absence de rémunération prévue pour compenser le travail administratif supplémentaire occasionné par la réforme. Delphine CHARDON

 

Quotidien du médecin du 24/06/2003 L'objectif de la réforme

Le gouvernement veut harmoniser le mode de financement entre les secteurs hospitaliers public et privé. A terme, la tarification à l'activité, ou " T2A ", remplacera la dotation globale des hôpitaux et l'objectif quantifié national des cliniques. Cette substitution se fera par étapes. Le calendrier n'est pas arrêté mais le gouvernement semble pencher pour une mise en œuvre étalée sur plusieurs années pour les hôpitaux publics : 90 % au minimum des ressources versées au secteur public en 2004 le seront sous forme de dotation globale, et le reste sous forme de T2A. En 2005, le rapport sera 80 %/20 %, et ainsi de suite. Pour les cliniques, le scénario est déjà arrêté. Le principe de la rémunération au séjour demeure ; une nouvelle échelle des tarifs est en cours d'élaboration, différente de celle du secteur public. Avec ce nouveau système d'allocations des ressources, chaque établissement de santé, qu'il soit public ou privé, sera rémunéré en fonction de la nature et du volume de son activité. Seules les missions de soins du secteur MCO (court séjour) seront concernées par la réforme. Les missions de service public (enseignement, urgences...) seront quant à elles rémunérées par des forfaits ou des financements mixtes.

Quotidien du médecin du 24/06/2003 Dépenses maladie : + 6,7 % 20/06/2003 - Les dépenses d’assurance-maladie du régime général de la Sécu ont progressé de 6,7 % sur un an à la fin mai, selon les chiffres provisoires publiés, jeudi, par la Caisse nationale d’assurance-maladie. Le montant des dépenses cumulées fin mai montre un léger ralentissement par rapport à la tendance du mois précédent (+ 7,6%). Toutefois, ce recul des remboursements peut s’expliquer par les nombreux ponts du mois de mai et les possibles perturbations liées aux grèves dans les transports et à la Poste, estime la CNAM. " Les éléments de ces deux derniers mois ne permettent pas d’envisager une modification notable de la croissance de la consommation (ndlr, qui reste forte)", indique-t-elle.

Quotidien du médecin du 24/06/2003 Alain Juppé sur la réforme de la Sécu 20/06/2003 - Le président de l'UMP, Alain Juppé, estime dans un entretien avec Le Figaro que pour la réforme de l'assurance maladie "il va falloir du temps". Interrogé sur ce qu’il faut faire pour ne pas reproduire la crise qu’avait provoquée " le plan Juppé " au milieu des années 90 , l’ex-Premier ministre répond : " Certains éléments de la réforme de 1996 existent toujours, comme la loi de financement de la Sécurité sociale ou les agences régionales de l'hospitalisation. Par ailleurs, je vous rappelle qu'à l'époque les outils pour apprécier les pratiques médicales n'existaient pas. Nous nous sommes donc rabattus sur un système de sanctions collectives qui a heurté les médecins. Aujourd'hui, les crispations sont telles que cette approche n'est plus "vendable". Il faut explorer d'autres pistes. Mais ce sera difficile. Les Français sont moins préparés à cette réforme qu'à celle des retraites. Il va falloir du temps. "

Quotidien du médecin du 24/06/2003 Sécu : des recettes, pas des déremboursements, plaide Chérèque Dans un entretien publié dans " le Monde " daté du 21 juin, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, évoque la future réforme de l'assurance-maladie. " Il faudra prendre des décisions avant la fin de 2003 pour résorber les 16 milliards d'euros de déficit cumulé, sans laisser une nouvelle ardoise aux jeunes générations par un allongement de la contribution au remboursement de la dette sociale ", affirme-t-il. Il précise que " l'assurance-maladie a besoin de nouvelles recettes, pas de déremboursements ". Le leader de la CFDT demande que, après ces mesures d'urgence, une " réforme structurelle " soit engagée en 2004 " qui permette d'éviter de nouveaux dérapages et de garantir à tous des soins de qualité ".

Libération du 21/06/2003 Les médicaments font de la résistance Par Sandrine CABUT

Dans la guerre sur le remboursement des médicaments, l'industrie pharmaceutique marque un point. Vendredi, à la demande des laboratoires Servier, le Conseil d'Etat a annulé un arrêté baissant de 65 % à 35 % la prise en charge de deux vasodilatateurs, Duxil et Trivastal. Ces produits appartiennent à la première vague de molécules visées depuis deux ans par un déremboursement, en raison d'un "service médical rendu" insuffisant. Pour Frédéric Thiriez, avocat de Servier, "le Conseil d'Etat condamne l'absence de motivation des avis de la commission de transparence" chargée d'évaluer le bénéfice réel des médicaments. L'avocat précise : "Le gouvernement doit revoir sa copie. Toutes les décisions prises par la commission de transparence sont fragilisées." Selon lui, cet arrêt s'appliquera pour les sept autres fabricants de vasodilatateurs qui avaient déposé un recours à la même époque. Quant aux firmes qui n'ont pas contesté à temps la baisse du remboursement, elles peuvent encore demander des indemnités, selon Me Thiriez. Pour le ministère de la Santé, "l'analyse scientifique de la commission de la transparence lors de la réévaluation de 4 500 médicaments n'est pas remise en cause". Et d'ajouter qu'"une procédure de baisse de taux va être immédiatement réengagée" pour ces deux produits.

Quotidien du médecin du 20/06/2003 Sécu : le scénario " explosif " de la CGT Si une réforme peut en cacher une autre, un conflit social aussi.

Alors que le dossier des retraites est à l'Assemblée pour plusieurs semaines, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sonne déjà l'alarme à propos du chantier de la Sécurité sociale. " Si le gouvernement pensait pouvoir aborder la question de l'avenir de la Sécurité sociale en la traitant selon la même philosophie que la réforme des retraites, nous arriverons à nouveau à une situation explosive ", affirme-t-il dans un entretien avec " France Soir ". " Nous n'avons pour l'instant eu vent d'aucun calendrier de rencontres ou de discussions ", ajoute-t-il. Une déclaration qui semble faire fi des propos, récents et prudents, de Jean-François Mattei sur le chantier de l'assurance-maladie et du système de soins. Non seulement la réforme sera étalée sur la période de la législature, et non pas bouclée à l'automne, mais les mesures qui seront annoncées cette année dans le domaine de la gouvernance feront, a promis le ministre, l'objet d'une concertation préalable.

Quotidien du médecin du 20/06/2003 Les Verts veulent remettre en cause le paiement à l'acte et l'exercice individuel

Les Verts organisent samedi à Paris, à l'Assemblée nationale, leur convention santé, qui sera surtout consacrée à la réforme du système de santé et du système de protection sociale que le gouvernement Raffarin doit présenter à l'automne prochain.

Pour les Verts, en tout état de cause, le système actuel est mauvais : les inégalités sont flagrantes et les dépenses explosent. D'où la nécessité d'une réforme de fond. Mais, selon les responsables écologiques, " le gouvernement prépare une réforme qui s'annonce clairement comme étant d'essence libérale : le gros risque couvert par les régimes obligatoires et un système complémentaire prenant de plus en plus de poids dans la couverture des dépenses de santé et ouvert plus largement aux assurances privées ". Un projet, selon les écologistes, qui est largement inspiré par le Medef et la Fédération des sociétés d'assurances. " Il n'y pas de fatalité libérale et il existe une alternative progressiste aux grands problèmes de la société française ", répondent les Verts qui comptent sur leur réunion de demain pour lancer les premières pistes d'une réforme qui préservera " le principe de solidarité, tout en répondant aux besoins de santé publique ".

Quotidien du médecin du 20/06/2003 Triple enjeu

Une réforme qui devra répondre " à un triple enjeu : sanitaire, démocratique et économique ". Enjeu sanitaire, dans la mesure où la réforme devra prendra en compte l'évolution des problèmes de santé que rencontre la population, qui ne sont plus exactement les mêmes qu'il y seulement quelques années. Dans le même esprit, il faudra s'attacher à résoudre les inégalités entre les régions et les catégories sociales. Il s'agira également de faire évoluer le système des soins, d'atténuer les déséquilibres entre l'hôpital et la médecine de proximité. Cela suppose entre autres, n'hésitent pas à préconiser les Verts, de " remettre en cause le paiement à l'acte et l'exercice individuel ". Un enjeu démocratique aussi, car il s'agit de régionaliser le système de santé : les besoins ne sont pas les mêmes, par exemple, dans le Nord - Pas-de Calais et en Midi-Pyrénées. Les Verts proposent la création d'un système régional de santé et de trois agences : offre de soins, santé environnementale et professionnelle, éducation et promotion de la santé, dont les conseils d'administration seraient élus.<\!p>Si c'est au niveau local qu'il faut décider de répondre aux besoins de santé, " il faut cependant que de solides garde-fous soient mis au niveau national pour maintenir la solidarité ". Enfin, enjeu économique : s'il n'est pas choquant en soi, expliquent les Verts, que le coût de la santé progresse à un taux supérieur à celui de la croissance de la richesse, il faut s'assurer que cette progression corresponde à de réels progrès sanitaires et à réduire les inégalités. Ce qui, pour eux, n'est pas évident. Preuve, écrivent-ils : les dépenses de médicaments progressent sur un rythme annuel de 10 %, alors que ce secteur " ne contribue que marginalement (sic) à atteindre les objectifs de santé définis. "

Rétablir la gabelle Les Verts proposent d'appliquer le principe pollueur-payeur. Certes, il faut faire payer l'industrie du tabac, mais elle ne doit pas être la seule. Ils se prononcent carrément pour le rétablissement de la gabelle, l'impôt sur le sel, " puisque l'excès de sel est responsable de 25 000 morts par hypertension par an, ce qui est la responsabilité directe de l'industrie agroalimentaire ". Le parti dirigé par Gilles Lemaire est également partisan d'élargir la CSG à l'ensemble des revenus en la rendant progressive. Enfin, on retiendra que les Verts estiment qu'une réforme de cette importance ne peut s'envisager sans un large débat. Un débat qui pourrait se conclure, expliquent-ils, par un référendum. J. D.

Quotidien du médecin du 19/06/2003 Le patronat n'entend pas réintégrer les caisses de Sécurité sociale Ernest-Antoine Seillière a opposé une fin de non-recevoir au souhait exprimé par Jacques Chirac de voir le patronat réintégrer la gestion des caisses de Sécurité sociale. " Nous sommes prêts à contribuer à toute forme de réflexion ", concernant l'avenir de la Sécurité sociale, a cependant précisé lors d'une conférence de presse le président du Medef, " mais d'où nous sommes, c'est-à-dire à l'extérieur ".

On sait que le président de la République, prenant la parole à l'ouverture du 37e congrès de la Mutualité française, (" le Quotidien " du 16 juin) avait souhaité que les " représentants des entreprises puissent, au côté de ceux des salariés, jouer un rôle actif au sein des caisses de Sécurité sociale ".

Le Medef et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ont quitté les conseils d'administration des trois caisses de Sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille) en octobre 2001 pour dénoncer la mise à contribution de la Sécu dans le financement des 35 heures.

Ernest-Antoine Seillière a rappelé les conditions à remplir pour un retour du Medef dans la gestion des caisses, conditions qu'il avait déjà énoncées en juin 2001. Le président du Medef a évoqué notamment " le respect des dispositions de la loi de 1994 qui garantit l'autonomie des recettes et des dépenses de chacune des branches de la Sécurité sociale, le respect de ses missions, la consultation préalable des partenaires sociaux avant toute extension de ses missions, la transparence totale des budgets et des comptes, la compensation intégrale par l'Etat de toute charge nouvelle, la consultation des partenaires sociaux avant la mise en œuvre de toute nouvelle prestation ".

" Si dans le cadre de la réforme (de la Sécurité sociale), ces principes sont bien respectés, nous ne disons pas non " à l'invitation à " reprendre un rôle dans la gestion " des caisses, a encore affirmé le président du Medef. Mais encore faut-il " au préalable que tout ceci soit convenu, et convenu de façon sûre ", a souligné Ernest-Antoine Seillière.

Quotidien du médecin du 16/06/2003 Sécu : la feuille de route mutualiste La Mutualité française propose la création d'une Haute Autorité qui déterminerait l'utilité médicale des actes et prestations, socle d'une politique de gestion du risque commune associant mutuelles, régimes obligatoires et professions de santé. Après les compagnies d'assurances, les professionnels de santé et la plupart des confédérations de salariés, la Mutualité française annonce à son tour une série de propositions qu'elle juge " réalistes, justes et adaptées " pour réformer l'assurance-maladie. Bien qu'elle soit tardive, la feuille de route mutualiste, nourrie par des milliers de réunions préparatoires a, contrairement à d'autre contributions plus modestes, la légitimité et la force politique d'un mouvement fort de 18 millions d'adhérents, qui est, de loin, le premier financeur des dépenses de santé après la Sécu.

La FNMF écarte autant l'étatisation " inavouée " (qu'elle subit de plein fouet avec les baisses de remboursement des médicaments) que la privatisation, qui conduit au " démantèlement de la Sécurité sociale ". Elle rejette un transfert mécanique de charges des régimes obligatoires vers les mutuelles, ou encore un partage " artificiel et comptable " du marché de la santé entre le " gros risque " et le " petit risque ". La FNMF prône une voie " bien française ", dont le socle serait un partenariat " équilibré " reposant sur trois piliers forts : l'assurance-maladie obligatoire, les mutuelles et les professions de santé, avec lesquelles il s'agirait de " contractualiser " pour développer une politique de gestion du risque commune, l'Etat restant garant de la solidarité.

Part de rémunération forfaitaire et capitation Cette corégulation tripartite du système, surtout valable pour la médecine de ville, dont les mutuelles assument 40 % des dépenses, serait préparée en amont par une Haute Autorité indépendante qui déterminerait l'" utilité médicale " des actes et prestations. Les responsables mutualistes l'ont redit à Toulouse : le rôle de " payeur aveugle " ne leur convient plus. Mais qu'on ne s'y trompe pas : résolument novateur, le projet mutualiste risque de heurter une partie du magistère médical.

L'organisation de l'offre de soins serait recentrée sur les soins de premiers recours. D'ailleurs, la Mutualité n'hésite pas, dans ses réflexions, à s'inspirer de l'option médecin référent, un système qui, jusque-là, a convaincu peu de généralistes et de patients. " L'important, c'est que le système soit mieux balisé, qu'on s'y retrouve ", nuance Jean-Pierre Davant.

Le développement des pratiques coopératives et de l'exercice en groupe répond, selon la FNMF, à cette même logique de continuité des soins. La mise en place d'un " dossier médical partagé obligatoire " va dans la même direction. Mais la Mutualité va plus loin pour réguler l'offre, brisant sans le dire le tabou du conventionnement automatique. En médecine ambulatoire, le conventionnement pourrait par exemple intégrer des critères liés aux bonnes pratiques : prescriptions en DCI, bon usage des antibiotiques, évaluation agréée, etc.

La contractualisation avec les professionnels de santé passerait par des engagements réciproques comportant des incitations financières. L'idée de protocoles de soins médicalisés, pour dépenser au mieux chaque euro, n'est pas écartée. Chaque année pourraient être définies quelques pathologies sur lesquelles les efforts devront être portés. Convaincue que la qualité des soins évite des gaspillages, la Mutualité suggère, comme Jacques Chirac, d'aller plus vite et plus loin dans la mise en place de la maîtrise médicalisée. En matière d'évaluation des pratiques, il faudrait, selon la Mutualité, passer de la logique expérimentale à l'obligation, également appliquée à la FMC.

Enfin, sans supprimer le paiement à l'acte, la FNMF juge urgent d'instaurer de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé libéraux : part forfaitaire pour des actions de coordination ou de prévention, mais aussi rémunération partielle à la capitation pour la prise en charge de pathologies chroniques. Une perspective qui risque de faire réagir les syndicats de médecins, qui verront sans doute dans ces orientations une fonctionnarisation rampante.

Le médicament n'est pas oublié. Mise en place d'études post-AMM, qui n'existent pas aujourd'hui, nouvelle politique de formation et d'information basée sur les DCI, développement d'outils d'aide à la prescription, éducation du consommateur... : dans ce domaine également, une panoplie de mesures est suggérée par la Mutualité, qui ne souhaite plus que l'Etat fixe les prix.

Mais la révolution est peut-être ailleurs : dans toute sa réflexion, la Mutualité aborde l'ensemble de la prestation en santé, au-delà des soins strictement curatifs. Prévention, éducation sanitaire, handicap, dépendance, accompagnement... : c'est finalement une assurance santé universelle que la FNMF appelle de ses veux. Mais la mise en place de cette couverture sociale " complète " exigerait sans doute un autre financement que les cotisations assises sur les seuls revenus du travail. C. D.

Quotidien du médecin du 16/06/2003 82 % des Français ont confiance dans les mutuelles Présenté lors du congrès, le sondage CECOP/CSA sur la perception des mutuelles par les Français, réalisé en avril 2003 auprès de 1 005 personnes, est à la fois encourageant et un peu déroutant pour le monde mutualiste. Certes, 82 % des Français ont plutôt confiance dans les mutuelles (contre 38 % pour les compagnies d'assurances), chiffre stable par rapport à 2000. Certes, le taux de satisfaction à l'égard de sa mutuelle est excellent (41 % de " très satisfait " et 52 % d'" assez satisfait " contre seulement 1 % de " pas satisfait du tout "). Mais un quart des personnes estiment que le prix payé pour leur mutuelle devient " excessif ", indice en forte augmentation. Surtout quand il s'agit de définir l'esprit mutualiste, la " solidarité entre cotisants " (12 %, taux en chute de 11 points par rapport à 2000) est citée bien après la rapidité des remboursements (24 %) ou le bon niveau des remboursements (23 %), et à égalité avec la qualité des services proposés. Les mutuelles tendraient-elles, de ce point de vue, à se banaliser ?